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gées par M. Philios. De la sorte, le Musée Central est devenu véritablement digne de son nom; on y trouve réunies toutes les œuvres importantes de la sculpture grecque qui sont restées sur le territoire hellénique, à l'exception des marbres d'Olympie et des produits des fouilles de l'Acropole, qui remplissent l'admirable Musée établi à côté du Parthénon. Les collections locales n'ont cependant pas été détruites: elles conservent les inscriptions, les sculptures de moindre valeur ou trop encombrantes, et sont appelées à s'augmenter rapidement grâce aux nombreuses explorations actuellement en cours. On ne peut que féliciter M. C. de cet ensemble de mesures; si l'opinion unanime des archéologues le soutenait dans sa tâche, il a eu contre lui le particularisme des petites cités grecques, et c'est un vrai bonheur pour la science qu'il ait fini par en triompher.

La réorganisation du Musée Central, accru de tant d'œuvres nouvelles, rendait indispensable la confection d'un catalogue. Celui de M. C. est le premier qui ait été publié en Grèce par un Grec et dans la langue du pays; à cet égard, il marque un progrès sérieux dans les études archéologiques de la Grèce moderne et prouve que la science hellénique renaissante a su profiter des leçons qu'elle a reçues de ses aînées d'Occident. Nous aurions voulu que M. C., en tête de son catalogue, retraçât brièvement l'histoire des musées grecs et des différentes publications dont ils ont été l'objet. Contentons-nous de rappeler ici quelques dates et quelques titres. Dès le mois de mars 1829, un embryon de Musée Central fut inauguré dans l'orphelinat de l'île d'Égine. Nous possédons un inventaire sommaire de cette collection, rédigé à la fin de 1831 par Mustoxydis; elle ne comptait guère encore que 91 statues et bas-reliefs. Au mois d'octobre 1834, Ludwig Ross devint éphore des antiquités et dès lors les acquisitions nouvelles furent transportées à Athènes. En 1836, l'éphore Pittakis obtint un décret royal aux termes duquel la collection d'Égine devait être installée dans la capitale; ce décret reçut une exécution partielle au mois de septembre 1837. Le premier musée d'Athènes fut le temple du Théséion, auquel une barraque construite derrière l'Erechthéion servit d'annexe. A partir de 1837, comme la place manquait, on transporta des marbres au Portique d'Hadrien; la Tour des Vents servit aussi de musée depuis 1846. D'autres antiquités étaient déposées au bureau de l'Éphorie générale (Ministère des Cultes) et au Palais Royal; ces deux collections furent réunies à l'Éphorie en 1863. En 1859, la Société archéologique commença à former un musée spécial, qui, d'abord logé dans les bâtiments de l'Université, passa en 1865 au Barbakeion Lykeion. Les trouvailles de l'Acropole étaient emmagasinées, tant bien que mal, dans d'affreuses petites bâtisses élevées sur place. Cet état de choses s'est avantageusement modifié dans ces derniers temps. Le musée de l'Acropole a

1. Kekulé, die antiken Bildwerke im Theseion, p. 1; Gauthier d'Arc, Fragments d'un voyage en Italie, en Grèce et en Asie, Paris, 1831, p. 153.

été réorganisé et reconstruit (1878-1886); un édifice nouveau, appelé Пoλutexvxóv, a reçu les collections d'Égypte, de Mycènes et celles de la Société Archéologique, autrefois au Barbakeion (1882); enfin, le Kevтρixòv MouseTov, construit aux frais de M. Bernardakis, est devenu le dépôt général des antiquités à la place du Théséion (1868-1887).

La première notice sur les antiquités des musées d'Athènes est due à C. de Saulcy (Revue Archéol., 1845, p. 257-277.) C'est en 1869 seulement que parut le catalogue de M. Kekulé, Die antiken Bildwerke im Theseion zu Athen, complété en 1874 par le livre de M. Heydemann, Die antiken Marmorbildwerke in der sog. Stoa des Hadrian, dem Windthurm des Andronikus, dem Wärterhäuschen auf der Akropolis und der Ephorie zu Athen. En 1878 et 1880, MM. Collignon et Martha publièrent des catalogues scientifiques des vases peints et des figurines en terre cuite conservés au Musée de la Société archéologique. Malheureusement, l'École française d'Athènes ne fit rien pour inventorier les collections de marbres, malgré le pressant appel que lui avait adressé M. Perrot (Rev. Archéol., 1870, I, p. 425). De nouvelles publications allemandes furent provoquées, en 1881, par la réorganisation des musées : ce sont le Katalog der Sculpturen zu Athen, par L. von Sybel, inventaire général qui comprend 7243 nos, et le petit guide de M. Milchhöfer, Die Museen Athens. Nous ne mentionnons que pour mémoire les catalogues, nécessairement très sommaires, insérés dans les Guides en Orient d'Isambert (1873), de Meyer (1882) et de Baedeker (1883). Le travail de M. de Sybel, qui ne cessera jamais d'être utile, était prématuré, car il décrivait les musées d'Athènes non point réorganisés, mais au moment de leur transformation, M. Cavvadias a compris que la publication d'un catalogue du Musée Central était son premier devoir après la réorganisation de ce musée, et nous sommes heureux de constater qu'il s'est acquitté de cette nouvelle tâche avec autant de célérité que de bonheur. La troisième livraison du catalogue que nous annonçons doit paraître avant la fin de l'année.

Les deux premiers fascicules comprennent la description de 170 statues ou bas-reliefs appartenant à l'art archaïque, à l'art de la belle époque et à celui de la période alexandrine. L'ordre suivi est chronologique; chaque description est suivie d'indications bibliographiques. L'auteur nous promet, dans l'avertissement, une table de concordance des nos du nouvel inventaire avec ceux des catalogues de MM. Kekulé, Heydemann et Sybel. M. C. est bien au courant et sa bibliographie et très complète : je ne vois guère à ajouter que deux références pour l'Apollon de Mégare (no 13) (Gazette des Beaux-Arts, 1862, XII, p. 27 et Gazette archéol., 1879, p. 51), et le Programme de Dorpat par M. Loeschke (1887) pour les groupes de Délos (nos 56-61). Pour le bas-relief d'Eleusis (no 55), dont la découverte est souvent attribuée à F. Lenormant, il était utile de citer Breton, Athènes, p. 371, où les

droits de priorité de MM. Pittakis et Breton sont établis. Nous pouvons donner une idée de l'importance de la série archaïque du Musée Central en disant qu'elle comprend 54 marbres, dont la plupart sont le produit de fouilles récentes: 13 proviennent du temple d'Apollon Ptoos, exploré en 1885-1886 par M. Holleaux, 6 des fouilles de M. Homolle à Délos, 5 des recherches de la Société archéologique à Éleusis. M. C. aurait pu indiquer les auteurs des fouilles auxquelles sont dues ces belles découvertes; il ne l'a fait que pour les sculptures d'Épidaure (nos 70-91, 92-94, 95, 101). C'est là une petite inconséquence qui sera sans doute corrigée dans la prochaine édition du catalogue.

L'impression du livre est satisfaisante, mais les mots et les noms étrangers sont trop souvent défigurés. Au cours d'une lecture rapide, nous avons remarqué Metteilungen (p. 24), Foucard (p. 28, 115), Kirchoff (p. 45), Loevy (p. 47), Finley (p. 64), Baux-Arts (p. 67), Strark (p. 94), Vieseler (p. 112). M. Dragatsis est appelé Aaɣátons (p. 69) et la préposition év est imprimée deux fois de suite à la p. 30. Nos observations, on le voit, ne portent que sur des vétilles. Le catalogue de M. Cavvadias est excellent; il servira de modèle aux inventaires des autres musées et contribuera, avec les Musées d'Athènes du même auteur, à faire connaître des collections admirables dont la formation et le rapide accroissement sont un titre d'honneur pour la Grèce contemporaine.

Salomon Reinach.

261.

Fragments d'une vie de saint Thomas de Cantorbéry en vers accouplés, publiés pour la première fois d'après les feuillets de la collection Goethals-Vercruysse; avec facsimilé en héliogravure de l'original, par M. Paul MEYER. (Société des Anciens textes français). Paris, Firmin-Didot, 1885, xl11-37 p. in-8.

Comme chacun sait, M. Paul Meyer connaît admirablement les manuscrits littéraires du moyen âge, surtout ceux qui contiennent des œuvres composées en français et en provençal. Depuis un quart de siècle il fouille avec un zèle infatigable les bibliothèques de la France et de la Grande Bretagne; avec cette bonne fortune justement réservée aux chercheurs patients et méthodiques, il a découvert plus d'un texte important pour la littérature ou l'histoire de notre pays. Il y a quelques années, M. Ruelens, conservateur des manuscrits de la bibliothèque royale de Belgique, lui signalait des fragments d'une vie inédite de Thomas Becket, rédigée en vers français au XIIe siècle. Ce sont quatre feuillets; ils appartiennent actuellement à Mme GoethalsDanneel, qui a bien voulu les mettre à l'entière disposition du savant directeur de l'École des Chartes. Ils forment la matière du volume que nous annonçons aujourd'hui, un des plus minces qui aient été

publiés par la Société des Anciens textes français, mais sans contredit un des plus intéressants.

On ignore la provenance du manuscrit dont ces précieux fragments faisaient partie. L'écriture et le style des miniatures qui ornent chacune des pages de l'original, prouvent qu'il a été copié et « illustré » dans la première moitié du XIe s., sans doute à la demande et aux frais de quelque grand personnage d'Angleterre. L'auteur du poème était un Anglais, ou du moins un Normand, né en Angleterre ; M. P. M. en tire la preuve d'une étude minutieuse de la langue qu'il emploie. L'exécution matérielle du ms. est remarquable. M. M. insiste avec raison sur l'élégance rare des miniatures. On peut d'ailleurs aisément en juger en étudiant les belles reproductions en héliogravure qui complètent le présent volume.

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Voici maintenant l'analyse rapide du texte contenu dans les quatre feuillets dont il s'agit. Premier feuillet (112 vers octosyllabiques écrits en trois colonnes) : l'archevêque de Cantorbéry est à Pontigny; Henri II demande inutilement l'intervention du pape dans son différend avec Thomas Becket; il menace les religieux de l'ordre de Citeaux, qui ont donné asile au prélat, de confisquer leurs biens en Angleterre. Deuxième feuillet (66 vers sur deux colonnes). Le roi de France offre ses bons offices pour réconcilier Henri II et le prélat; dans l'entrevue qu'ils ont ensemble à ce propos, Thomas Becket consent à se mettre à la discrétion du roi son souverain mais en réservant l'honneur de Dieu ». Cette restriction irrite Henri II qui déplore amèrement les bienfaits dont il a autrefois comblé le prélat. Troisième feuillet (132 vers sur trois colonnes), Henri II fait couronner roi son fils aîné à Westminster par l'archevêque d'York, au mépris des droits du primat 1. Ce dernier se plaint au pape, que le roi de France prie de venger Th. Becket. - Quatrième feuillet (122 vers sur trois colonnes). Le prélat débarque en Angleterre malgré les avertissements sinistres qu'on lui donne de différents côtés; il est accueilli avec joie par les paysans; mais des chevaliers et des sergents armés viennent lui reprocher de jeter le trouble dans le pays. L'archevêque leur répond en justifiant sa conduite.

Au total, nous avons là 432 vers octosyllabiques 2, sans compter

1. Cette cérémonie n'eut pas lieu à la Pentecôte, 24 mai 1170, comme le dit M. P. M., p. xviij, note; mais, comme le dit Guillaume de Cantorbéry, qu'il cite lui-même, «< imminente solemnitate beati Johannis Baptiste » ou plus précisément, comme l'indique la continuation de Florent de Worcester: « in dominica sequenti, que evenit octavo decimo kal. julii, scilicet vigilia Sanctorum Viti et Modesti martyrum et sancte Crescentie virginis »; le couronnement du jeune Henri eut donc lieu le 14 juin. Voy. Florentii Wigorniensis monachi. Chronicon ex chronicis, éd. B. Thorpe, (English historical Society). Tome II, p. 138. Cf. Norgate, England under the Angevin Kings, II, 72.

2. Tous les vers n'ont pas huit syllabes: bon nombre n'en ont que sept; quelques en comptent plus de huit. Ce mélange des vers de sept et des vers de

uns

les rubriques rimées qui expliquent les scènes peintes par l'enlumineur en tête de chaque page. C'est peu assurément. Le poème de Garnier de Pont-Sainte-Maxence compte plus de 5,800 vers. Il est vrai que Garnier accorde une grande place aux réflexions religieuses, politiques, morales et autres, dont il n'apparaît pas de trace dans nos fragments. Cependant on peut avancer hardiment que nous possédons à peine un dizième de l'œuvre originale. L'écart serait plus grand encore si, comme le conjecture M. P. M. (p. xxvij), le poème entier avait de 8,000 à 8,500 vers.

Il faut assurément le regretter, encore que notre poëme ne se distingue pas par des mérites particuliers, au point de vue littéraire ou historique. Le style est simple et clair; on n'en saurait dire beaucoup plus. Autant qu'on peut l'affirmer avec des termes de comparaison aussi imparfaits, notre rimeur anonyme ne saurait être comparé pour la force de la pensée et la vigueur de l'expression au clerc de PontSainte-Maxence. D'autre part, l'auteur est loin d'être un témoin contemporain. M. M. a mis ce point hors de doute : il n'a fait que mettre en vers, en les traduisant librement, les récits contenus dans le Quadrilogus, c'est-à-dire dans la compilation qui a été formée en 1198 ou 1199 à l'aide de morceaux empruntés à Guillaume, prieur de Cantorbéry, Jean de Salisbury, évêque de Chartres, Alain, abbé de Tewkesbury et maître Herbert de Bosham 1, tous quatre témoins de la vie ou du martyre du prélat. M. M. a noté avec soin dans sa préface ces emprunts faits par le poète au Quadrilogus. Un détail entre autres prouve bien que notre rimeur a simplement suivi cette compilation, sans recourir luimême aux témoins directs: avant de raconter le couronnement du jeune roi Henri (14 juin 1170), Guillaume de Cantorbéry raconte qu'un prêtre de Sens, Guillaume, attristé par la désolation de l'église d'Angleterre, alla à Rome, et obtint du Pape que le roi d'Angleterre, tout appel cessant, fût soumis à l'anathème et son royaume à l'interdit, à moins que la paix ne fût rendue à l'église de Cantorbéry ». Dans le Quadrilogus, cette phrase est placée après le couronnement du jeune Henri, et cet anachronisme a passé dans notre poëme. Composé à l'aide du Quadrilogus, ce poëme ne peut être antérieur à l'année 1199. M. M. suppose, avec toute apparence de raison, qu'il a été rédigé peu après 1220, année où le corps de saint Thomas fut transféré, au milieu d'un immense concours de peuple, de la crypte obscure où il reposait depuis le meurtre, dans le riche tombeau qu'on lui avait élevé

huit syllabes, dit M. M. (p. xxxv), n'est pas particulier à notre rimeur. Le même usage se rencontre en d'autres poèmes anglo-normands, notamment dans la Vie de S. Edouard le Confesseur, composée vers le milieu du xive s. et dans le Roman de Gui de Warwick.

1. A ces quatre auteurs, il faut ajouter aussi Benoît, abbé de Peterborough; mais ce dernier n'a parlé que de la mort du prélat, et des évènements qui arrivérent après cette mort. Nous n'avons, d'ailleurs, de son récit, que ce qui a passé dans le Quadrilogus.

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