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Sommaire : 264. ANDERSON, La peinture au Japon; Catalogue des peintures japonaises et chinoises du British Museum. 265. PLESSIS, Etudes critiques sur Properce; Propertiana. 266. E. COMBES, Profils et types de la littérature allemande. 267. Cam. RouSSET, Les commencements d'une conquête (premier article). 268. BEHAGHEL, La langue allemande.

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Chronique.

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264. William ANDERSON, F. R. C. S. The Pictorial Arts of Japan, in-4, pp. x1-276, 80 planches; Londres, 1886, Sampson Low, Marston, Scarce et Rivington.

Descriptive and historical catalogue of a Collection of Japanese and Chinese paintings in the British Museum, printed by order of the Trustees, 1.ondon, Longmans and Co., B. Quaritch, Trübner and Co. 1886; 1 gr. in-8, pp. x1-554-28, 31 planches.

Voici une publication depuis longtemps attendue avec impatience, non-seulement par les amateurs d'art japonais, mais aussi par tous ceux qui pensent, avec M. de Longpérier 1, que l'art de l'Extrême-Orient tient pour nous en réserve tout une série de révélations sur l'histoire artistique d'un monde plus proche du nôtre, celui de l'Inde et de l'Orient aryen. Toutes les publications consacrées jusqu'à présent à l'histoire de l'art japonais ont été surtout l'œuvre de dilettanti ou d'artistes : l'Art japonais de M. Gonse, où paraît déjà une intention historique très louable 2, est pourtant avant tout une œuvre de critique d'art.

M. Anderson, médecin de la légation anglaise à Tokio, s'est occupé, durant un séjour de huit années au Japon, à rassembler une vaste collection de peintures japonaises, en s'attachant surtout aux plus anciennes. La tradition de l'histoire de l'art au Japon n'a jamais été perdue: la révolution vandale d'il y a vingt ans est trop récente et a d'ailleurs été suivie d'une réaction trop rapide, pour oblitérer cette tradition; elle a été fatale aux oeuvres mêmes plus qu'à leur histoire. Aussi, grâce à sa familiarité avec les histoires d'art japonaises et à ses rapports avec les savants indigènes, M. A. a été admirablement en état d'interpréter ses collections et de les classer en les comparant avec les autres

1. M. de Longpérier, reconnaissant une aiguière sassanide dans le trésor de Nara, observait : « L'introduction des documents chinois et japonais dans nos études n'aura pas uniquement pour effet la classification des monuments de l'ExtrêmeOrient suivant la méthode critique européenne, ce qui serait déjà fort désirable; elle nous fournira encore une nouvelle ressource pour l'intelligence plus complète de nos antiquités » (Œuvres, I, 306; cf. Journal asiatique, 1884, I, 141 sq.). 2. Revue critique, 1885, 1°.

Nouvelle série, XXIV.

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collections du Japon et d'Europe. Étant doué, d'ailleurs, d'un esprit critique qui ne se rencontre pas toujours dans le japonisme et à l'abri de l'engouement artistique et superficiel qui a fait tant de ravages dans ces études, il a pu dresser, de l'art japonais, un tableau historique qui sera pour longtemps le guide classique. Le British Museum, ayant acheté la collection de M. A. en 1882, l'a chargé d'en faire le catalogue. Ainsi que l'annoncent les Trustees, « ce catalogue, compilé par M. A. avec l'aide des meilleures autorités indigènes et autres, fournit à la fois le guide nécessaire pour l'étude de la collection et contient le tableau le plus complet, existant à présent, de l'histoire générale du sujet. »

Ce catalogue, qui forme un gros volume de près de six cents pages, avec plus de trente planches, commence par une histoire générale de la peinture, puis donne l'histoire de chaque école en particulier école bouddhiste, école indigène (yamato), école du toba, école chinoise, écoles de Seshiù et de Kano, école populaire, écoles de Kô-rin, de Shijô, de Ganku et école européanisante. Il donne pour chaque école les origines, les sujets, les caractéristiques; la liste chronologique des artistes qui lui appartiennent, avec les détails historiques ou légendaires que l'on connaît de leur vie ou de leur ceuvre; enfin la description des pièces de la collection qui en relèvent.

L'Histoire de la peinture ne fait point double emploi avec le Catalogue, quoique les deux textes coïncident en beaucoup de points, principalement en ce qui touche les questions historiques, L'Histoire traite. de plusieurs points importants qui ne pouvaient trouver leur place dans le Catalogue, en particulier de la technique. De plus, le matériel employé est plus large et plus vaste, car l'auteur n'est plus limité là aux richesses. de sa seule collection et, sans parler des innombrables gravures intercalées dans le texte, quatre-vingts planches d'une admirable exécution et pour lesquelles il a puisé à toutes les sources, font de ce livre un spécimen absolument représentatif de l'art japonais dans tout son développement et sous tous ses aspects.

La nouveauté du point de vue de M. A. et ce qui distingue heureusement sa méthode de celle de ses prédécesseurs, c'est que, pour étudier et comprendre l'art japonais, il se met en dehors de lui. Le Japonais est peu inventif il se grime à présent en Européen; pendant douze siècles il s'est grimé en Chinois et son art est chinois, comme sa littérature, comme sa philosophie, comme ses religions. S'il y a eu un art japonais avant l'ouverture des rapports avec la Chine, on peut affirmer que cet art n'a rien de commun avec ce que l'on est convenu d'appeler l'art japonais et n'a pas été plus fécond que ne l'a été, dans le domaine de la religion, le shintoisme indigène des anciens, On a dit longtemps que les Japonais, si inférieurs aux Chinois dans toutes les manifestations du génie créateur, avaient pris leur revanche dans les arts: c'est une illusion due au fait que les comparaisons avaient porté exclusivement sur

les derniers siècles de l'art japonais et de l'art chinois, qui montrent en effet un effort original du premier et une décadence profonde du second. L'on n'avait jamais remonté aux sources anciennes de l'art chinois; la chose d'ailleurs était et est encore difficile : les oeuvres anciennes sont bien rares, qui ont survécu à dix siècles de guerres civiles, de conquêtes et de révolutions incendiaires; d'autre part, les amateurs chinois ne sont pas comme leurs confrères du Japon et, non-seulement ne se dessaisissent pas de leurs trésors, mais ne les laissent pas aisément voir à des regards profanes. Les spécimens anciens de l'art chinois étudiés ou rapportés par M. A. sont des pièces chinoises transportées au Japon.

Selon la tradition japonaise, la peinture est apportée au Japon, au v siècle, par un peintre chinois Nan-riu, sous l'empereur Yuriak (457-479) il s'établit à la cour et son cinquième successeur reçoit de l'empereur Ten-ji (662-671) le titre de Yamoto-weshi, « peintre du Japon» ou peintre officiel. La tradition parle également de peintres coréens engagés vers la même époque par la cour du Mikado : en ce temps, la Corée était un centre de civilisation chinoise et c'est d'elle que le Japon aurait reçu le plus anciennement l'éducation chinoise. Pour la peinture en particulier on distingua longtemps au Japon un style coréen et un style chinois. Mais l'art ne commence à se développer sur le terrain japonais qu'avec l'introduction et la propagation du Bouddhisme. Le grand apôtre du Bouddhisme, Shiyautoku (572-621), fils d'un Mikado, n'est pas seulement prêtre et savant, il est calligraphe, peintre et graveur. Le Bouddhisme ne se conçoit pas sans idoles et sans images et il entraîne nécessairement un art après lui.

Cet art bouddhiste que la Chine envoyait au Japon n'était point lui-même d'origine chinoise. Il est difficile de savoir si la Chine avait des peintres avant d'avoir des bonzes, ou si son art national est sorti de l'art bouddhique. Un fait qui peut d'abord nous sembler étrange, accoutumés comme nous sommes à retrouver en Chine toute forme de culture dès les origines et avant toute histoire, c'est qu'en fait il n'y a pas d'indice certain d'une peinture chinoise avant l'introduction du bouddhisme indien. Le premier peintre dont le nom soit conservé, Fueh King, est du 3° siècle, c'est-à-dire postérieur de deux siècles à la grande ambassade bouddhique de l'empereur Ming-Ti (67 de notre ère), qui importe en Chine les Sûtras et les images du Bouddha. Les missions suivantes, celles de Fa-Hian au v siècle (399-414), celle de Hiouen-Thsang au vir (629-645), apportent les types sur lesquels l'art chinois fabrique les innombrables images demandées par la piété des fidèles et par les besoins croissants des temples qui se multiplient sur la face de l'empire.

Cet art bouddhiste, importé de l'Inde, reste indien sur le sol chinois, comme il le restera sur le sol japonais. Les divinités du Panthéon bouddhique gardent la physionomie indienne, ne révèlent pas la physionomie mongole; l'artiste chinois, et après lui l'artiste japonais, ont

toujours conscience que la figure du Bouddha et des dieux n'est pas une figure de leur race, de celles qu'ils rencontrent autour d'eux. Le costume, l'attitude, les attributs des dieux sont indous, non chinois. Il n'est point jusqu'au choix et à l'arrangement des couleurs qui ne différent dans les peintures bouddhiques chinoises de ce qu'ils sont dans les peintures profanes et ne rappellent les effets chromatiques des œuvres indiennes. Pour se rendre compte de l'identité frappante du vieil art bouddhique chinois avec l'art de l'Inde, l'on n'aura qu'à examiner l'admirable gravure des huit scènes du Nirvâna, par Wu-taotsz', le Raphael chinois (vi° siècle; planche 70; le tableau même est à Maujuji, Kioto) : l'art indou n'a rien produit de plus indou. Si le rendu des nuages et celui des draperies flottantes a déjà quelque chose des enroulements et des spirales avec lesquels nous ont familiarisés les artistes japonais, la physionomie et l'attitude des personnages et la représentation des animaux sont de l'indien le plus pur; et la figure du Bouddha et certains des animaux qui l'adorent ou l'écoutent nous reportent même, par delà l'Inde, en plein art hellénique et nous rappellent que l'art bouddhique de l'Inde est un legs de la conquête d'Alexandre et de l'empire indo-grec. Car c'est ainsi au seuil des temples grecs que nous ramène, par un détour, cette longue pérégrination de l'art religieux, de l'Empire du Milieu à celui du Soleil Levant et du Djamboudvîpa à l'Empire du Milieu. Cette influence de l'art hellénique sur l'Inde, que faisait prévoir le seul fait de la présence d'un peuple artiste comme les Hellènes, est attestée indirectement par les voyageurs grecs qui au Ier siècle de notre ère retrouvaient jusqu'au rivage du Guzerate les ruines des temples grecs: elle est attestée directement par les monnaies des IndoGrecs, des Indo-Scythes, des Indo-Parthes et de leurs premiers successeurs indous, Guptas et Vallabhis, qui passent peu à peu, et avec toutes sortes de dégradations et de combinaisons intermédiaires, du type grec, de l'alphabet grec et du Panthéon grec à un type, à un alphabet, à un Panthéon purement indien; plus directement encore, par les sculptures bouddhiques de l'Inde du Nord-Ouest, par les débris ressemblés au Musée de Lahore et qui nous présentent des spécimens que, trouvés partout ailleurs, on rapporterait sans hésitation à l'art hellénistique et à l'art gréco-romain des premiers siècles de notre ère1.

Sans doute, avec le temps, malgré sa fidélité hiératique, l'art chinois. lui-même innova en certains points sur les modèles qu'il avait reçus : il fondit dans le symbolisme bouddhique le symbolisme de la religion préexistante. Ainsi le cobra, qui joue un si grand rôle dans l'art indien, est remplacé en Chine par le dragon national; l'art chinois, qui est presque sans sexe, fait disparaître ces houris aux formes trop riches et aux

1. C'est sans doute par un lapsus calami que l'auteur, à la recherche d'influences étrangères dans l'art indien, découvre « une influence sassanide introduite par Darius deux siècles avant Alexandre ». L'art sassanide est postérieur de cinq siècles à Alexandre. Lire Achéménide: mais nous entrons ici en pleine hypothèse.

attitudes trop accusées qui jouent un rôle si inattendu dans la légende sculpturale du dieu ascète et étonnent un peu à l'entrée des voûtes solennelles de Karli. Quelques-unes des divinités bouddhiques de la Chine semblent aussi d'origine purement chinoise: telle, entre autres, la déesse Kwany in, la déesse de la Miséricorde, la Marie de la Chine, que les Chinois revendiquent comme divinité prébouddhique et où le syncrétisme tolérant des apôtres du Bouddhisme reconnut une forme d'Avalokiteçvara. Au Japon également l'empreinte grecque devait naturellement devenir de plus en plus faible, à mesure que l'influence qui l'avait imprimée devenait plus lointaine; cependant, elle reste toujours présente jusque dans des oeuvres relativement récentes, et le fameux Bouddha de Kamakura, qui n'a que six siècles, par bien des caractéristiques du dessin, en particulier par la physionomie et les draperies, rappelle de beaucoup plus près les sculptures gréco-bouddhiques de Péchaver que les œuvres de l'art japonais proprement dit.

De la première période de l'art bouddique au Japon il ne reste guère que des noms et des légendes 1, pas d'oeuvres authentiques. La peinture authentique la plus ancienne est la décoration murale du temple de Nara, qui daterait de la fondation du temple (607) et serait l'œuvre d'un moine coréen et d'un sculpteur fameux, Tori Busshi; à cette période appartiennent les statues en bois des Rois Devas, découvertes en 1875, au temple de Nara; ce sont les deux portiers brahmaniques du temple bouddhique, Indra et Brahma, le vajra en main, deux Hercule, à figure démoniaque, d'une vigueur effrayante et d'une vérité anatomique que présente rarement l'art postérieur elles sont attribuées à un artiste. coréen (planche 1; cf. planche 4).

Jusqu'au xe siècle, l'art est aux mains d'étrangers et d'amateurs. Kanaoka, élève d'un émigré chinois, est le premier chef d'école japonais; il ouvre la seconde période de l'art bouddhique, l'art bouddhique japonais son nom est vénéré au Japon comme l'est en Italie le nom des vieux maîtres. Ses chevaux sont restés célèbres; il y en avait un, peint sur un écran, dans un temple de Kioto, qui chaque nuit s'échappait du cadre et galopait dans les champs voisins, sans souci de la moisson. Les paysans reconnurent que c'était le cheval de Kanaoka à la boue qui restait au sabot, ils lui crevèrent l'oeil et de ce jour il ne bougea plus. Un autre s'en allait de nuit dévorer dans le jardin les fleurs de Lespedeza; il fallut l'attacher au cadre par une longe solide. Le petit-fils de Kanaoka, Hirotaka, entreprit, tout jeune encore, de rendre les tortures des damnés dans l'enfer; à mesure qu'il avançait dans l'œuvre, il sentit

1. Quelques-unes charmantes. Shiyautok, l'apôtre du Bouddhisme, étant mort, son élève Shinsai fit son portrait. Le portrait était presque fini quand l'ombre du mort apparut devant le tableau et, mettant la pupille dans l'œil inachevé, du même coup acheva et consacra l'œuvre de respectueuse affection (Anderson, Transactions of the Asiatic Society of Japon, 1879, vol. VII). Son neveu, Chishiou, voulait peindre le dieu du feu, Foudou : le dieu apparut, l'épée à deux tranchants dans la main, et yint poser devant lui,

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