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cord avec celles des voyageurs modernes, que l'on ne peut sans partipris négliger de recourir à lui comme à un guide précieux, sauf à faire le départ qu'il n'a pu ou voulu faire lui-même.

Nous insisterons peu sur la dernière partie: Caractères du talent de Quinte Curce. Il faut la lire. On y verra successivement: Quinte Curce peintre, plus préoccupé de la personnalité morale que de l'individualité physique, et cependant manquant de sûreté et de décision dans le portrait moral, même et surtout s'il s'agit d'Alexandre; dédaigneux du détail pittoresque, mais le rencontrant parfois sous sa plume avec un rare bonheur d'expression; digne de séduire le pinceau ou le ciseau d'un artiste par son art de grouper les personnages, inférieur et confus dans les tableaux de bataille, mais excellant à encadrer les scènes historiques dans les paysages les plus variés et les plus animés; - Quinte Curce orateur, portant jusque dans la narration les préoccupations de la rhétorique de son époque, curieux des effets plus ou moins artificiels qu'elle produit; n'en évitant pas les défauts, « l'abondance stérile », le vague et l'absence de caractéristique; faisant de l'histoire un genre oratoire; - Quinte Curce moraliste, stoïcien éclectique à la manière d'Horace vieillissant, amoureux des réflexions et des sentences, cherchant à montrer les mobiles des actions dans des analyses psychologiques prolongées; scrupuleux au point d'altérer la vérité ou de la taire pour ne pas blesser la pudeur. Le dernier chapitre, Quinte Curce écrivain, est consacré à la langue et au style. A propos de la langue, M. D. ne fait guère qu'un résumé des remarques grammaticales placées à la suite de sa petite édition (pp. 412 et ss.). Le style est l'objet d'une étude développée. Il nous le montre imagé, pittoresque, scintillant d'alliances de mots, chargé d'imparfaits descriptifs. D'un autre côté, les habitudes oratoires font rechercher par Quinte Curce « les termes les plus généraux »; la fréquence des traits fait songer à Sénèque; il n'évite pas les expressions toutes faites, dont la répétition engendre la monotonie; son langage prend facilement une couleur poétique, où l'on reconnaît surtout l'influence de Virgile; il lui arriv● même souvent d'emprunter le rhythme de la poésie et de sertir dans sa prose, quelquefois des hexamètres entiers, souvent des fins de vers. Enfin la phrase est ordinairement hachée. Quand Quinte Curce fait des périodes, il les jette dans le même moule et ajoute à la monotonie de l'expression la monotonie du mouvement. Par ses qualités comme par ses défauts, le style de Quinte Curce est donc bien de son époque : l'auteur a été un écrivain à la mode. On a même le sentiment qu'il at dù lire des parties de son œuvre dans les salles de récitation publique. C'est ce que confirme le nombre des allusions que les contemporains pouvaient trouver dans ce livre et souligner au passage. Tout cela n'était pas inconnu avant la thèse de M. D.: mais il lui appartenait de le mettre en pleine lumière et de le fortifier par une série de preuves et d'exemples.

Deux appendices terminent l'ouvrage. L'un est le catalogue descriptif des mss. par ordre d'ancienneté : il y en a 123; Teuffel n'en comptait que 80. De pius, au moins 9 mss. utilisés par les anciens éditeurs ont disparu. L'autre appendice est l'histoire de Quinte Curce dans l'antiquité et au moyen âge: ces quelques pages si nourries n'ont pas dû coûter le moins de peine à l'auteur.

Tel est, dans ses grandes lignes, cet ouvrage, un des meilleurs qui ait paru depuis plusieurs années sur la littérature latine. Il reste maintenant à formuler quelques critiques, ou plutôt à signaler des lacunes.

Un des mérites de ce livre, c'est la richesse d'information, l'abondance des renseignements bibliographiques. Les moindres brochures ont été parcourues et signalées par M. Dosson. Mais le livre rendrait encore plus de services, si l'auteur avait consacré un appendice à la bibliographie ou tout au moins avait donné une table des auteurs cités. Cette omission est d'autant plus regrettable que M. D., comme c'est son droit, ne donne que la première fois le titre entier des ouvrages et se contente dans la suite de mentionner le nom de l'auteur avec l'antique renvoi op. 1. De plus, il n'y a pas d'index. Il est vrai que la table des matières, très développée, peut jusqu'à un certain point en tenir lieu, et que chaque détail se trouve à sa place, grâce à une composition parfaitement rigoureuse. Cependant la perfection exigeait ce secours, pour la plus grande commodité du lecteur.

Deux autres omissions sont sans doute volontaires. Le fait est certain pour l'une d'elles: M. D. annonce formellement qu'il ne donnera pas de classification des mss. de Quinte Curce. S'il ne voulait en établir une nouvelle, au moins eut-il été utile de présenter un aperçu de l'histoire du texte et de la manière dont il est aujourd'hui constitué. Ce complément eut fait du livre une véritable encyclopédie de Quinte Curce. Et M. Dosson, qui depuis tant d'années étudie ces questions, n'a-t-il rien à dire de neuf là-dessus? On a peine à le croire. Mais il réserve sans doute ce travail pour une édition savante de l'Histoire d'Alexandre. C'est aussi probablement pour le même motif qu'il n'a pas fait une table des passages de Quinte Curce cités et expliqués dans sa thèse. Espérons qu'il nous donnera bientôt cette édition, complément nécessaire de son beau travail : nous devons le souhaiter pour Quinte Curce et pour nous.

Paul LEJAY.

270.

1. Aufsætze über Gœthe, von Wilhelm SCHERER. Berlin, Weidmann, 1886. In-8, 355 p. 6 mark.

2. Charakteristiken, von Erich SCHMIDT. Berlin, Weidmann, 1886. In-8, 498 p. 8 mark.

3. Lessing, Geschichte seines Lebens und seiner Schriften, von Erich SCHMIDT. Berlin, Weidmann, 1884, erster Band. In-8, 487 p. 1886, zweiten Bandes erste Abtheilung. In-8, 346 p. 12 mark.

4. Karl Gotthelf Lessing, von Dr. Eugen WOLFF. Berlin, Weidmann, 1886. In-8, 127 p. 1 mark 60.

5. Gotthold Ephraim Lessings sæmtliche Schriften, herausgegeben von Karl Lachmann. Dritte auf's neue durchgesehene und vermehrte Auflage besorgt durch Franz MUNCKER. Dritter Band. Stuttgart, Goschen, 1887. In-8, XVII et 500 p.

I.

C'est une heureuse idée d'avoir réuni en un volume les meilleures études que Wilhelm Scherer avait écrites sur Goethe et dispersées dans différentes revues. Il y a, dans ces essais, des combinaisons ». très hardies, des hypothèses très hasardées; mais il y a aussi bien des observations profondes, bien des comparaisons ingénieuses, bien des jugements remarquables tant par le fond que par la forme qui, chez W. S. était toujours soignée, souvent pleine d'éclat, parfois même un peu recherchée; bref, ces articles sont très instructifs, et leur recueil sera bien accueilli de tous ceux qui aiment Goethe, et ne se lassent pas d'étudier sa vie et ses oeuvres. On trouve dans ce volume les études suivantes: Gathe-Philologie (p. 1-27; revue des principaux ouvrages sur Goethe, mais W. S. n'est-il pas injuste lorsqu'il « avoue qu'il aime mieux lire les feuilletonistes du Figaro que l'académicien Mézières? »} - Gretchen (p. 31-36; la Gretchen que le jeune Goethe connut à Francfort avant son départ pour Leipzig, serait peut-être la fille d'un Wagner accusé en 1764 de malversations et on trouverait dans les Complices quelques réminiscences de cette liaison); Goethe als Rechtsanwalt (p. 39-46); - Der junge Gæthe als Journalist (p. 49-71; article qui avait paru dans la Deutsche Rundschau et que W. S. a développé plus amplement dans l'introduction de la réimpression du premier volume des « Annonces savantes de Francfort »); Sophic von La Roche und ihre Enkelin (p. 75-88; il s'agit de l'auteur de « Mademoiselle de Sternheim », de sa fille Maximiliane, de sa petite-fille Bettina Brentano); - Gæthe und Adelaide (p. 91-121); rapports de Goethe et de cette Jeanne Fahlmer qu'on nommait « la petite tante dans le cercle des Jacobi et qui épousa Schlosser); - Bemerkungen über Goethes Stella (p. 125-160; soutient et combat tout à la fois l'opinion d'Urlichs); Goethes Iphigenie in Delphi (p. 163-175; comment Goethe eût traité le sujet et comment Halm l'a traité); Nausikaa (p. 179-234, une des études les plus longues et les meilleures du volume); eine österreichische Dichterin (p. 237-246; à propos de la correspondance de Goethe et de Suleika ou Marianne de Willemer, née à Linz); Pandora (p. 249-281); Neue Faustcommen

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-

tare (p. 285-292; sur les commentaires de Marbach, de Schreyer et de Schröer); Betrachtungen über Faust (p. 295-326) et Fauststudien (p. 329-352).

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2. C'est M. Erich Schmidt qui a réuni et publié, avec une préface et quelques notes, les articles de W. Scherer sur Goethe. C'est lui qui a succédé à Scherer. Lui aussi s'est fait connaître par de belles études sur le xvi siècle littéraire; il termine en ce moment une grande biographie de Lessing- dont nous parlerons plus loin et il vient de rassembler en un volume un assez grand nombre de feuilletons, d'articles, d'essais qu'il avait donnés depuis quelques années à différents journaux. Le recueil est plus varié que celui de Scherer; il renferme des études ou, comme dit M. S., des caractéristiques, au nombre de vingt-cinq, sur les auteurs les plus divers. On connait le savoir étendu de M. S. et aussi les qualités de son style; M. S., ainsi que Scherer, ainsi que les historiens littéraires de la nouvelle école, écrit à la française; la langue qu'il emploie, est agile et alerte; elle ne dédaigne pas l'expression familière; elle abonde en images brillantes, en comparaisons vives, en tournures piquantes. Le recueil s'ouvre par une étude sur Faust et le xvre siècle (p. 1-37). Cette étude que nous nous souvenons d'avoir lue déjà dans le III volume du « Goethe-Jahrbuch », analyse avec finesse les éléments qui facilitaient au xvi° siècle la création du personnage de Faust; les grands évènements de cette époque, les conquêtes nouvelles de l'esprit humain, les découvertes, les inventions, tout ce qu'il y avait alors de titanisme et de joie sensuelle, de science sérieuse et de charlatanisme» tout cela revit dans le tableau que trace M. S., et, en terminant, il apprécie le livre populaire de Spiess et l'oeuvre de Marlowe. L'article intitulé la découverte de Nuremberg (p. 38-44), renferme, entre autres citations curieuses, un passage tiré du Journal de l'arrière-grandpère de M. Schmidt. Dans Arioste en Allemagne, l'auteur esquisse une « caractéristique » du poète italien, fait l'histoire des traductions allemandes du Roland », et cite, comme point de comparaison, la stanze 1, 22, les différentes versions de Dietrich von der Werder, de Werthes, de Mauvillon, de Heinse, etc. Dans le combat contre la mode dans la littérature allemande du xvir siècle, le critique rassemble les principaux passages des satiriques, comme Moscherosch, Logau, Lauremberg et d'autres qui combattirent l'« Ausländerei » de leurs compatriotes. Viennent ensuite une petite étude sur une femme poète de la Basse Allemagne, Anna Ovena Hoyers (p. 85-95), un discours sur le Simplicissimus, prononcé aux fêtes de Renchen en 1879 (p. 100-110), un essai sur Haller (p. 111-118) et un autre sur Klopstock (p. 119159), ce dernier essai, un des meilleurs, sinon le meilleur du volume, original, plein d'aperçus, contenant beaucoup en peu de pages. Nous retrouvons Klopstock dans l'étude suivante (p. 160-177), ou M. S. reproduit un mémoire d'un courtisan de Carlsruhe, le bavard et médi

sant Ring, sur le séjour du poète à la cour du margrave de Bade et sur sa fuite nocturne. Après Klopstock, son disciple Miller, l'auteur du Siegwart (p. 178-198); M. S. raconte, d'après la correspondance inédite du larmoyant romancier et poète, son « odyssée d'amour » et montre avec esprit que Miller n'a fait que transporter dans le Siegwart, avec de légers changements, des scènes de sa propre existence. L'essai sur la Lenore de Bürger (p. 199-248) renferme une version jusqu'ici inconnue du célèbre poème, et qui, comme dit M. S., tient le milieu entre l'esquisse primitive et la forme définitive, telle que la donna l'Almanach des muses; M. S. y a joint de nombreux détails sur le sujet de Lenore dans les diverses littératures. Nous arrivons, en suivant l'ordre chronologique adopté par M. S., aux études sur Goethe. Signalons le portrait de Frau Rath, la mère de Goethe (p. 249-271), l'essai sur Frederique Brion (p. 272-285, à propos du livre du pasteur Lucius), deux pages sur le nom d'O Ferul qui se trouve dans une lettre de Gothe à Salzmann et qui avait intrigué les commentateurs (p. 286-287; c'est O Feral, de Dresde, étudiant à l'université de Strasbourg), un article intitulé aus der Wertherzeit et inspiré par la publication des lettres de Goethe à Sophie de La Roche, et à Bettina Brentano (p. 288301); d'autres articles sur Mme de Stein, sur Marianne-Suleika, sur F. J. Frommann. Citons encore les essais zur Schillerlitteratur (p. 340349), sur Henri de Kleist et ses drames (p. 350-380), sur le génial Ferdinand Raimund (p. 381-402), sur les drames d'Elfride (p. 403417, analyse des pièces qui traitent le sujet, Bertuch, Klinger, Schiller, etc.), sur Berthold Auerbach (p. 418-436), sur Theodore Storm (437479). Le volume se termine par la conférence ou, comme nous disons, par le discours d'ouverture que M. Schmidt a prononcé à l'Université de Vienne sur les chemins et les buts de l'histoire de la littérature allemande ».

3. Au milieu de ses nombreuses occupations, donnant des leçons à l'Université de Vienne, dirigeant ensuite les archives de Goethe à Weimar, publiant le texte primitif des lettres d'Italie, découvrant la première version du Faust, enfin quittant Weimar pour remonter en chaire et faire à Berlin un cours de littérature allemande 1, M. Erich Schmidt a trouvé le temps de composer une grande biographie de Lessing qui comptera, lorsqu'elle sera terminée, parmi les meilleures cuvres d'histoire littéraire et prendra rang à côté du Winckelmann de Justi et du Herder de Haym. Cette biographie comprend déjà deux volumes, dont le premier a paru en 1884, et le deuxième en 1886. Le

1. Le premier volume est signé par le « professeur à l'Université de Vienne », et le second par le « directeur des archives de Goethe à Weimar »; le troisième sera signé par le « professeur à l'Université de Berlin »; les trois volumes du Lessing de M. Erich Schmidt nous font suivre ainsi les principaux évènements de sa carrière universitaire et littéraire.

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