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son élévation qu'à notre ignorance, notre crédulité, et aux divisions du commandement; se servant plutôt des supplices comme moyen de persuasion que d'une éloquence très banale; avec cela, féroce et hypocrite, d'une bravoure journalière, couvert du sang de sa propre famille, s'éloignant à dessein du théâtre des crimes ordonnés ou consentis par lui, trompeur au-delà de toute expression, et ne mentant jamais si bien que lorsqu'il invoquait la vérité; enfin, justifiant toujours le vieux dicton qui flétrit sa race: Une pièce fausse est moins fausse qu'un homme des Hachem.

Que dire encore de la population civile qualifiée en bloc d'écume, scories (I, p. 156) et, plus loin, de mercantis, cabaretiers, etc. (passim). Nous savons que ces injures furent pendant trop longtemps à la mode dans un certain monde; un historien devrait en vérifier la valeur. Certes, l'armée d'Algérie traîna à sa suite une bande de débitants de boissons et de déclassés de toute espèce; à quelle armée du monde cela n'est-il pas arrivé? Mais confondre de parti pris cette tourbe avec les audacieux colons, qui, au mépris de leur vie, jetèrent les bases du merveilleux établissement qu'on peut admirer aujourd'hui, c'est le comble de l'injustice. Ce n'est point ainsi que s'expriment les Bugeaud, les Saint-Arnaud et les Bosquet; ils laissent ce débordement de vocables malséants à des atrabilaires semblables à M. de Montagnac; quand on prend un guide semblable, pourquoi ne pas le suivre jusqu'au bout, et ne pas traiter avec lui Bugeaud de cornichon, Abd-el-Kader de polisson, Yusuf d'imbécile, Parchappe de farceur, Guénéheuc de momie et de cruche, et Valée de vieux chat sauvage, d'ogre, de fléau et de vieux scélérat 1? Ce serait aussi légitime que de parler avec un mépris injustifiable des premiers défricheurs du Sahel et de la Mitidja, et que d'appeler accapareurs des gens qui furent le plus souvent victimes de la perfidie des indigènes et des hésitations du gouvernement. Et, à ce pro pos, pourquoi n'avoir pas rendu justice au maréchal Clauzel, en le lavant des indignes accusations proférées contre lui? Ses Explications 2 ne sont-elles pas plus que satisfaisantes? En revanche, pourquoi n'avoir pas flétri comme il convenait les Hecquet et les Rigny, et n'avoir pas signalé la singulière attitude du baron Baude, lors de la retraite de Constantine?

M. C. R. croit à la légende des Ben Gana et à leur victoire de Salson (II, p. 410). M. de Galbois y crut aussi, mais pas longtemps; il avait été indignement dupé. Il résulte d'une enquête historique faite par M. Féraud, alors interprète militaire 3, qu'aucun des Ben Gana n'assista au combat de Salson; que les drapeaux, canons et armes pris par

1. Lettres d'un soldat, par le colonel de Montagnac (Paris, Plon, 1885, in-8. Voir les pages 26, 84, 69, 80, 89, 111, 125, 155, etc.

2. Explications du maréchal Clauzel (Paris, 1837, in-8°).

3. Maintenant ministre plénipotentiaire au Maroc; voir Revue africaine, 1884. p. 260 et suiv.

les Nomades, leur furent achetés par l'artificieux Cheikh-el-Arab, qui se fit donner 40,000 francs de ce qui lui en avait coûté 5,000; qu'il ébrécha lui-même son yatagan sur la culasse d'un canon; qu'il coupa enfin les oreilles des askers sur des cadavres abandonnés depuis la veille; ces faits sont connus de tous, et il en resta un proverbe : Quand la viande est bon marché, le plus misérable en mange.

On doit savoir gré à l'auteur d'avoir mis au jour quelques documents diplomatiques concernant l'attitude de l'Angleterre dans les premières années de la conquête; mais on pourrait désirer un peu plus de lumière, et on a le droit de s'étonner, en voyant que les conclusions sont tout autres que les prémisses ne le faisaient prévoir. En effet, les documents cités nous montrent clairement que le cabinet de Saint-James ne reconnut jamais franchement notre domination sur la régence (I, p. 229 et suiv.); d'un autre côté, il est avéré que les consuls de S. M. Britannique ne cessèrent pas d'intriguer contre nous et de nous créer des embarras; tous les gouverneurs s'en plaignirent, les uns après les autres 1; au moment de l'expédition de Constantine, les choses furent poussées à l'extrême; l'Angleterre excita la Porte à prêter secours à Ahmed, et chacun sait qu'il y eut des commencements d'exécution, arrêtés à temps par les amiraux Hugon et Lalande. Comment, après cela, vouloir nous persuader que jamais l'Angleterre n'a fait à la France, maîtresse d'Alger, de propositions exigeantes! (I, p. 163). La vérité est que cette puissance nous fut hostile dès le début, et jusqu'à la fin, tantôt ouvertement, tantôt secrètement, selon qu'elle crut, ou non, avoir besoin de nous ailleurs; l'histoire nous apprend, du reste, qu'il en a été ainsi, toujours et partout.

Nous aurions tout dit, sauf la rectification de quelques noms propres et celles de quelques descriptions peu exactes, si nous n'avions à formuler un reproche beaucoup plus grave, qui a déjà été fait à l'auteur, et duquel il nous semble impossible qu'il puisse se disculper.

A la fin de la préface de sa réédition des Annales algériennes, 3. 1. Comment en eût-il été autrement, quand on savait que le plus sûr moyen de plaire au souverain était d'afficher la haine de la France? Laissons parler Ch. Greville, toujours si bien informé, et dont les Mémoires n'ont jamais été démentis, bien qu'on ait trouvé leur publication inopportune: « Il déteste Louis-Philippe et les Français avec une sorte d'animosité de Jack-Tarr (sobriquet du matelot anglais). A la fin d'un dîner donné à un des régiments de garde à Windsor, il termine son discours par ces mots : Quant à la France, je vous dirai que, soit en paix, soit en guerre, je la considérerai toujours comme notre ennemie naturelle, etc. Quelques pages plus loin, Greville, au sujet du discours du trône (1834), dans lequel la France est choyée, établit la distinction entre le langage que les ministres fourrent dans la bouche du roi, et celui qu'il tient dans ses moments d'abandon. (Revue des DeuxMondes, 1875, p. 532.)

2. Mustapha ben Moukalled, arabe de grande tente; (II, 49) il faut lire: Mustapha ben Mekelech, Turc, fils d'un ancien Bey d'Oran. O Zeitoum, à rectifier en

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O. Zeitoun O. Kadra, en O. Khadra; lac Houlloula, en Halloula, etc. 3. Les Annales algériennes ont été publiées d'abord en trois volumes (1836-1839); en 1854, l'auteur en a donné une nouvelle édition, dans laquelle il conduit le récit

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(1854) M. Pellissier de Reynaud écrivait: Je dois rappeler à ceux << qui, venant à lire mon livre, après avoir lu une Histoire de l'Algérie «< ancienne et moderne, reconnaitraient des pages entières qui leur << auraient déjà passé sous les yeux, que ce n'est pas moi qui suis l'em<< prunteur; ces passages sont textuellement pris dans ma première <«< édition. Cette manière d'écrire est assurément commode pour ceux qui l'emploient; mais j'avoue que j'aime mieux en subir qu'en faire l'application. - Il paraît qu'il était prédestiné à être victime d'emprunts forcés de cette nature; M. Cat, dans le Bulletin de correspondance africaine cité par nous dans la première note de cet article, a publié les appréciations suivantes : « M. C. R. a emprunté pres<< que toutes choses à des ouvrages déjà imprimés; il a pillé des idées << toutes faites; il a même copié des passages considérables et des mor<«< ceaux tout entiers; il a suivi Pellissier de Reynaud pas à pas; il a << reproduit ses bonnes et ses mauvaises parties; il lui a pris les passa«<ges sur les rapports de Clauzel et de l'armée, sur la manière dont <«< celle-ci accueillit le résultat de l'enquête, » etc., etc., « et enfin bien << d'autres endroits où l'imitation est manifeste....... De très loin en <«< très loin, M. R veut bien citer l'auteur qui lui sert de guide quand <«< celui-ci affirme un fait curieux dont il a été témoin; cette manière << de citer pourrait induire le lecteur en erreur grave, et lui faire penser <«< que le reste, où manque cette indication, est original; ce qui n'est « pas....... Qu'y a-t-il de nouveau chez M. Rousset? Çà et là deux ou << trois lignes de descriptions rarement exactes, des morceaux de lettres « d'officiers qui notent une impression toute personnelle et un juge«ment parfois passionné; il y a aussi plusieurs bons mots de nos << troupiers ». — Ce jugement est dur; est-il motivé? Il sera facile de s'en rendre compte par la comparaison des textes; nous allons en transcrire quelques-uns, pris dans le premier volume seulement :

Contribution des laines.

P. de R., t. I, p. 228 2.

Le duc de Rovigo, qui avait beaucoup de sollicitude pour les soldats,... chercha un moyen de procurer un matelas à chaque homme. Comme il n'y avait

C. R t. I, p. 166.

Le Duc de Rovigo, avec la sollicitude d'un bon chef d'arinée pour les besoins du soldat, s'étant laissé persuader qu'il lui serait facile de procurer un matelas

des évènements jusqu'en 1847; un appendice présente le tableau des principaux faits qui ont suivi la prise d'Alb-el-Kader, de 1847 à 1854. C'est un très bon ouvrage, d'un style très net et d'une bonne composition; on l'a incriminé de trop de sévérité dans ses jugements, et de cruauté dans ses railleries; ces critiques s'adressent surtout à la première édition. Quoiqu'il en soit, les Annales disent la vérité, et la disent bien.

1. M. Cat eut pu ajouter que les citations mêmes ne sont pas toujours exactes; c'est ce qui arrive notamment pour le portrait de Genty de Bussy, qui se trouve entièrement faussé par la suppression de la dernière phrase. (Cf. C. R., t. I, p. 169. à P. de R., t. I, p. 254).

2. Nous citons l'édition de 1854.

pas de crédit ouvert pour cette dépense, et qu'on lui persuada que les habitants d'Alger étaient possesseurs de quantités considérables de laine, il frappa cette ville d'une contribution de 5400 quintaux de laine, payable en nature, ou en argent sur le pied de 80 francs le quintal. C'était donc 432,000 francs à prélever sur une population de 20,000 indigènes, ce qui ne faisait qu'une moyenne de 21 francs par tête... La municipalité, qui fut chargée de la répartition, la fit d'une manière très injuste et très partiale, de sorte que les rentrées furent lentes et difficiles, et qu'il fallut plusieurs fois employer la rigueur. Les versements en nature se réduisirent presque à rien, etc.

à chaque homme. Alger, lui disait-on,
renfermait d'énormes quantités de lai-
nes; il n'y avait qu'à commander aux
habitants de s'en dessaisir; un arrêté du
7 janvier leur imposa une contribution
de 4500 quintaux, payable, soit en na-
ture, soit en argent, à raison de 80 francs
le quintal; c'était donc une valeur de
360,000 francs à prélever, soit 18 francs
en moyenne par tête..... La municipa-
lité, chargée de la répartition, s'ac-
quitta de son devoir, ou plutôt y man-
qua de la manière la plus inique, les
réclamations furent nombreuses, les
rentrées difficiles, et les moyens de coac-
tion déplorables..... En fait, les verse-
ments en nature furent à peu près nuls...

Etablissement du blockhaus d'Orléans.
p. 350.

P. de R. t., I,
Pendant la nuit, ils envoyèrent recon-
naître cet édifice improvisé, qu'ils avaient
vu s'élever comme par enchantement,
et dont il ne s'expliquaient que confu-
sément l'usage. Ceux qui furent chargés
de cette mission, s'approchèrent d'abord
avec précaution des palissades qui dé-
fendaient les approches du blockhaus, et
les examinèrent dans tous les sens. En-
fin, l'un d'eux plus hardi que les au-
tres, les escalada et vint regarder ce que
contenait cette maison de bois, où tout
était silencieux... de sorte que l'Arabe
ne vit rien. Il se prit alors à rire et ap-
pela ses compagnons; mais, en ce mo-
ment, un soldat plus impatient que les
autres, lâcha son coup de fusil et le tua.

C. R., t. I, p. 276.

Très étonnés, très intrigués à l'aspect de ce singulier édifice qui s'était tout à coup dressé là comme par enchantement, une centaine des plus hardis parmi les Arabes s'en approchèrent pendant la nuit, d'abord avec précaution; ils tournaient autour, ils se consúltaient, ils examinaient les palissades; enfin l'un d'eux tenta l'escalade; descendu dans l'enceinte il s'avança vers cette maison de bois, sombre, silencieuse, la frappa du poing, et se mit à rire; au même moment, il tomba mort.

Trahison de Kadour.

P. de R., t. I, p. 364. Il se présenta à Arzew, où il était connu, avec quelques denrées; après les avoir vendues, il affecta de craindre de tomber entre les mains de quelques cavaliers d'Abd-el-Kader, qu'il disait rôder dans le voisinage, et il demanda qu'on voulut bien lui donner une escorte pour l'accompagner jusqu'à un endroit peu éloigné qu'il désigna. Le commandant d'Arzew, obtempérant à sa demande, lui

C. R., t. I, 293.

Kaddour, qui venait d'avoir avec Arzew des relations suivies, s'y présenta un jour avec trois ou quatre bœufs; quand il les eut vendus, il affecta la crainte de tomber entre les mains des partisans d'Abd-el-Kader et demanda d'étre escorté jusqu'à un endroit qu'il désigna..... On le fit accompagner par un maréchal-des-logis et quatre cavaliers des chasseurs d'Afrique. Ils n'a

1. On voit que M. C. R. n'a guère fait que changer les chiffres donnés par M. P. de R. Sur quelle autorité se base-t-il ? L'auteur des Annales était sur les lieux, et ses fonctions lui permettaient de savoir l'exacte vérité.

donna quatre chasseurs commandés par un maréchal-des-logis; mais, à moins d'un quart de lieue d'Arzew, ces malheureux tombèrent dans une embuscade dressée, dit-on, par Kadour lui-même.

vaient guère fait plus d'un kilomètre, quand une soixantaine d'Arabes, embusqués par Kaddour, se jetèrent sur eux.

Conversion d'une Mauresque.

P. de R., t. I, p. 402. Une Mauresque divorcée se présenta au général Voirol, et lui déclara que son intention était d'embrasser la religion chrétienne... Le cadi d'Alger, ayant appris ce qui se passait, courut se plaindre au général en chef, prétendant que la Mauresque n'avait pas le droit de changer de religion, et qu'elle méritait même d'être punie pour en avoir formé le projet. Le général lui répondit... qu'il ne souffrirait pas qu'il lui fut fait la moindre violence sous prétexte de religion; que chacun était libre de suivre le culte qui lui convenait... Renonçant alors à la persuasion, le cadi voulut avoir recours à la force; il fit enlever la Mauresque par ses chaouchs. Le général, instruit de cet acte de violence, envoya un de ses aides de camp au cadi pour lui rappeler ce dont ils étaient convenus. En voyant entrer dans son prétoire cet officier... il se leva de son siège et sortit, sans lui donner le temps de s'expliquer, et proclamant à haute voix que la justice de Mahomet n'était plus libre. La Mauresque, à qui on était sur le point d'administrer la bastonnade.... s'enfuit à l'église catholique, où elle fut sur le champ baptisée.

C. R., t. I, p. 326.

Une Mauresque divorcée qui voulait épouser un Français, avait annoncé sa résolution de se faire chrétienne; grand émoi dans la population musulmane. Le cadi prétendait que, nonseulement cette femme n'avait pas le droit de changer de religion, mais que, pour en avoir manifesté l'intention seulement, elle méritait d'être punie. Le général... lui répondit que, d'après la loi française, chacun étant libre de suivre le culte qui lui convenait, la Mauresque était absolument dans son droit, et qu'il ne souffrirait pas qu'elle fut violentée ni même inquiétée...................... Le cadi voyant la néophyte persister dans son dessein, malgré tout ce qu'il avait pu lui dire, la fit enlever par ses agents. Aussitôt averti, le général lui dépêcha un de ses aides de camp; mais, dès que le juge vit entrer l'officier français dans la salle d'audience, il se leva et sortit en criant que la justice du Prophète n'était plus libre. Quant à la Mauresque, il était temps qu'elle fut délivrée; car le chaouch du cadi s'apprêtait à lui donner la bastonnade ; elle s'en alla tout de suite à l'église catholique, où elle reçut le baptême.

Je n'ajouterai pas un mot à ces citations; elles ne me semblent que trop probantes; le lecteur jugera 1. Aussi bien, la tâche que je viens de remplir n'est pas faite pour m'être agréable, et, plus d'une fois, en me livrant aux recherches nécessaires, je me suis senti péniblement affecté en ma double qualité d'ami de l'histoire et d'admirateur respectueux de l'Institut de France.

H. D.

DE GRAMMONT.

1. Nous aurions pu multiplier ces citations; les lecteurs qui désireront un supplément d'informations peuvent comparer, entre autres : La description et la prise de Medea (P. de R., I, 148, à C. R., I, 47); Le vandalisme des premiers occupants (P. de R., I, 178, à C. R., I, 105); Le massacre des Ouffias (P. de R., L'exécution d'El Arbi et de Messaoud (P. de R, I, 257,

I, 246, à C. R., I, 174); ·

à C. R., I, 195); - L'occupation de Bougie (P. de R., I, 304 et suiv., à C. R., I, La retraite de Desmichels (P. de R., I, 357 et suiv., à C. R., I, 289 et

257);

suiv.),

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Les négociations de Desmichels, l'affaire Sofar, etc., etc.

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