Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

extrait de Clairvaux, se trouve sous le no 1485 à la bibliothèque de Troyes.

II. Les documents légendaires relatifs à saint Bernard sont assez nombreux. Le premier, par la date, est une Vita Bernardi de Jean l'Ermite. Ce texte avait déjà été publié par Chifflet d'après un manuscrit de Clairvaux. Il se compose de deux livres assez courts comprenant des récits sur la vie et la famille de saint Bernard, récits dont le caractère légendaire est évident. L'auteur a appartenu au monastère de Clairvaux. Doit-il être confondu avec un prieur de ce nom? Chifflet soutient cette opinion qui est très vraisemblable, mais qui, pour M. H., ne repose sur aucun document bien établi; quant à la Vita, elle a dû être composée vers 1180.

Le second texte analysé par M. H. porte le nom de Chronicon Clarevallense. Il a été également publié par Chifflet, d'après le manuscrit de Clairvaux. D'après M. H., cette chronique ne serait que l'abrégé d'un texte aujourd'hui perdu, beaucoup plus riche en détails. Le nom même de chronique est peu exact, car ce document ne renferme guère qu'une sèche analyse d'évènements survenus entre 1147 et 1192. L'auteur est un moine du couvent qui a écrit au xe siècle, certainement pas avant 1223. L'importance de sa chronique consiste donc surtout à nous faire connaître les traditions conservées à Clairvaux sur la vie de saint Bernard.

Nous avons dans les Libri miraculorum des documents plus utiles. Ces documents, composés vers la fin du x1° siècle, étaient divisés en trois recueils. Le premier, celui du moine Goswin, est aujourd'hui perdu; il est mentionné seulement à l'année 1193 par Albéric de Trois-Fontaines. Un second recueil fut composé à l'instigation du prieur Jean, mais ne semble pas avoir eu un grand crédit. Le troisième a pour auteur un moine de Clairvaux, espagnol de naissance, Herbert, qui devint abbé de Mores, dans le diocèse de Langres, retourna à Clairvaux vers 1178, et fut élevé un peu plus tard au siège archiepiscopal de Torres en Sardaigne. Son livre de miracles fut composé pendant son deuxième séjour à Clairvaux, en 1178 ou 1179. Il nous est parvenu dans 7 manuscrits, qui présentent des divergences assez nombreuses. Ce recueil a été utilisé par l'Exordium magnum Cisterciense; Césaire d'Heisterbach, dans son Dialogus miraculorum; la Chronique de Clairvaux et Albéric de Trois-Fontaines. Il nous renseigne avec plus d'abondance que la Chronique sur les traditions de Clairvaux, et le succès qu'il obtint prouve son importance.

L'Exordium magnum Cisterciense est le dernier document étudié par M. Hüffer. Les quatre premiers livres de l'Exordium ont été écrits à Clairvaux, entre 1165 et 1190. Un manuscrit attribue les deux derniers à Conrad de Eberbach. La composition totale de l'ouvrage n'aurait donc été terminée que vers le commencement du xe siècle. Les auteurs se sont servis de la Vita Ia, du Planctus d'Eudes de Morimond,

et surtout du Liber miraculorum d'Herbert. Le texte le plus ancien de l'Exordium nous a été conservé dans un manuscrit d'Eberbach, aujour d'hui à Wiesbaden, A. 1865; par la comparaison de ce manuscrit avec les autres, M. H. suppose que le texte a été modifié par des interpolations successives.

La dernière partie du volume de M. H. est consacrée à la correspondance de saint Bernard. Nous n'y insisterons pas. Nous avons signalé déjà les additions faites à Migne par le savant critique. Ajoutons seulement qu'il ne se flatte pas d'avoir entre les mains toutes les lettres de saint Bernard. Il croit, comme Giesebrecht, qu'un très grand nombre de ces lettres sont encore inédites et que nous ne possédons guère que la moitié de la Correspondance du grand réformateur. M. H. s'est borné à signaler ces désidérata et à expliquer l'origine des lettres et du sermon inédits qu'il ajoute à son volume. Il n'a pas voulu faire un commentaire qu'il réserve pour plus tard. Nous ne saurions donc nous étonner que la partie de ses Vorstudien consacrée à la correspondance soit la plus courte et la moins complète.

Félicitons, en terminant, M. H. de l'œuvre qu'il a entreprise. Il nous a promis une histoire de saint Bernard; le premier volume nous permet déjà de mesurer l'importance et la valeur scientifique de ce grand travail. Le point de vue de M. Hüffer est celui d'un croyant; qu'importe? Cette conviction intime qui voit dans saint Bernard non-seulement un grand homme, mais un des élus de Dieu, n'enlève rien à la sincérité de la critique et à la rigoureuse précision du jugement.

I. L.

2.73.

De Ioannis Aurati poetae regil vita et latine scriptis poema. tibus thesim proponebat facultati litterarum Parisiensi P. ROBIQUET. Paris, Hachette, 1887, in-8 de 139 pages.

On est surpris, quand on étudie l'histoire de la Pléiade, d'y voir figurer en si bonne place et d'entendre louer par tout le Parnasse du temps le poète Jean Dorat. Ronsard le glorifie en vingt passages :

Ecoute, mon Aurat, la terre n'est pas digne

De pourrir en la tombe un tel corps que le tien :
Tu fus en ton vivant des Muses le soustien,

Et pource après ta mort tu deviendras un cygne... 1.

Dorat avait fait, dit-on, cinquante mille vers grecs, latins ou français, dont une partie a été réunie dans un fort volume imprimé en 1586, deux ans avant sa mort. M. Marty-Laveaux, qui en a extrait les vers français pour sa grande édition de la Pléiade françoise, n'en a rien tiré qui eût une valeur littéraire, et les rares lecteurs des poésies grec

1. Euvres de Ronsard, éd. de 1623, p. 136 (sonnet VII du second livre des Amours).

ques et latines ne sont pas beaucoup plus heureux. Comment expliquer, devant des titres aussi minces, la place importante que tient Dorat dans la Pléiade et les éloges excessifs qui l'ont accablé de son vivant? C'est que Dorat a été le maître de grec de la plupart des poètes et lettrés de son temps, et qu'il a recueilli, sous forme de renommée, la reconnaissance de tous les jeunes hommes enthousiastes à qui il a ouvert les sources de l'antiquité. Depuis la maison de Baïf et le collège de Coqueret, jusqu'au Collège de France, où il enseigna le grec à côté de Turnebe et de Lambin, partout Dorat s'est donné pour mission de former des poètes de l'école nouvelle. Son influence sur la littérature du temps est, à ce point de vue, indiscutable, mais peu connue. Il serait intéressant de retrouver, comme il est possible de le faire, les traces de son enseignement, de démêler les principes qui le dirigeaient, de reconstituer les générations d'élèves qui écoutèrent ses leçons et le mouvement d'esprit qui exista au pied de sa chaire.

On pourrait, autour du nom bien oublié de Jean Dorat, grouper deux séries d'études également attachantes, l'une sur l'hellénisme dans la Pléiade, l'autre sur le Collège de France, dont il fut l'un des maîtres les plus actifs et les plus influents. Quant à l'œuvre poétique de ce mauvais écrivain, qui aurait dû s'appliquer le Fungar vice cotis d'Horace, on en pourrait faire bon marché. De même pour sa carrière de poète courtisan et quémandeur, revêtu du titre de poeta regius, à l'affût de tous les sujets d'épithalames et d'épitaphes de la cour des Valois; c'est là un côté de sa vie qui ne peut être passé sous silence, mais qui n'est pas son véritable titre au souvenir de la postérité. Le seul Jean Dorat qui compte dans le xvr° siècle, c'est l'helléniste et le professeur; c'est l'initiateur des poètes de la Pléiade et de leurs contemporains à la littérature antique qui les a faits ce qu'ils sont. Mais voilà déjà, ce semble, un fort beau sujet, et nous promettrions, à qui voudrait l'étudier à fond, la grande récompense d'un véritable érudit, la certitude d'être utile.

Dorat méritait donc les honneurs d'une large monographie. Nous avions espéré la trouver dans un travail annoncé comme lui étant consacré; mais nous n'avons vu paraître qu'une thèse latine assez courte et due à un historien politique, peu préparé à des études d'un ordre aussi littéraire 1. La thèse de M. Robiquet est loin d'être sans mérite, ainsi qu'on le verra plus loin; mais les critiques s'imposent et la plus grave est que le rôle de Dorat, tel que nous avons essayé de l'esquisser, est à peine indiqué par lui. Il n'ajoute rien, sur ce point, du moins, à ce qui est acquis à l'opinion commune, à ce qui se trouve répété dans tous les livres sur la Pléiade. Il a passé, sans s'y arrêter, à côté du vrai sujet. Peut-être d'ailleurs vaut-il mieux qu'il ne l'ait pas traité; il l'eût fait sans enthousiasme, car il ne ménage pas les raille

1. La Revue rendra compte de la thèse française de M. R.: Paris et la Ligue sous Henri III.

rics aux ridicules de son héros, et il montre un vrai dédain pour l'école de Ronsard, qu'il sacrifie à celle de Marot. Or, en matière d'histoire littéraire, un goût particulier pour le sujet qu'on aborde n'est pas inutile pour le bien pénétrer; en ce siècle de critique, où l'érudition laudative et déclamatoire n'est plus guère à craindre, cette disposition de l'esprit semble presque une des conditions de la vie et de la vérité dans les études historiques.

La biographie de Dorat, comme celle de presque tous les poètes du temps, offre des lacunes considérables. Une série de points d'interrogation a été laissée par M. Marty-Laveaux, son dernier et consciencieux biographe, et nous ne voyons pas que M. R. ait fait avancer sensiblement la question. Les débuts de carrière du savant limousin seraient particulièrement intéressants à connaître. Ils continuent à rester dans l'ombre. Ce n'est guère qu'en 1540 qu'on constate sa présence à Paris 1, et il n'y a aucune raison d'admettre le circiter 1537 de M. Robiquet. On peut même avoir des détails sur la première partie de la vie de Dorat, et, pour nous en tenir aux documents imprimés (les seuls dont nous voulions parler dans ce compte-rendu), il en est un qui remonte à 1538 et qui est, par conséquent, le plus ancien témoignage qu'on ait sur notre personnage. C'est une longue pièce de vers latins adressée à Robert Estienne: Dorat n'a point encore quitté Limoges, mais il a appris par son ami Junius Rabirius les belles œuvres qu'Estienne exécute à Paris et tout ce qu'il prépare pour le bonheur des érudits; il fait une description très curieuse de la maison du grand imprimeur, d'après le récit de son ami, et termine en exprimant le désir d'aller lui-même y rendre visite. Le morceau est daté ainsi : Datum Lemovicibus 4 non. maii, anno 1538. On ne s'explique pas qu'il ait échappé aux biographes, car il est imprimé deux fois, dans la Philologicarum epistolarum centuria una de Goldast, Francfort, 1610, pp. 235-245, et dans la Stephanorum historia de Maittaire, Londres, 1709, pp. 94-101. Ajoutons que cette pièce est une des meilleures de l'auteur et qu'il n'a peut-être jamais retrouvé le souffle et l'inspiration de cette œuvre de jeunesse.

Parmi les questions que soulève la biographie de Dorat, on ne peut oublier le préceptorat des pages du Louvre qui lui fut quelque temps confié; ce point nous paraît confirmé par un passage d'Henri Estienne, Principum monitrix Musa sive de principatu bene instituendo et administrando poema, Bâle, 1590, p. 96. On aurait aimé trouver, dans le livre de M. R., une discussion sur le voyage que Dorat aurait fait en Italie, d'après le témoignage des Scaligerana. Comme le fait a été admis par tous les érudits 2 et pourrait continuer à figurer dans la biographie du poète, nous tenons à dire ici que ce voyage n'a jamais eu

I Marty-Laveaux, Notice sur Jean Dorat, p. xI.

2. Marty-Laveaux, l. c., p. lxiij. On reste en présence d'un texte de Du Verdier, qui est, comme on le sait, de peu d'autorité.

lieu. Dorat ni ses amis n'y ont jamais fait la moindre allusion; quant au texte des Scaligerana, il est facile de voir que ce sont des notes détachées, réunies arbitrairement par une série de fautes de lecture. Il faut lire: Auratus elegantissimus poeta. - Patavii vel Pisae 1200 coronatos habuit Mercurialis; vient ensuite une surcharge qui se trouvait sur le ms. et a été insérée à tort (Patavii 1500); le reste du passage, où l'on a vu des appréciations désagréables pour Dorat, se rapporte uniquement au professeur de Padoue, Girolamo Mercuriale, à qui Scaliger voulait peu de bien. Les mots Il couppoit toutes les marges de son Barthole auraient dû mettre en défiance; est-ce que Dorat, ce lettré fanatique qui n'a jamais aimé que les vers, pouvait avoir Barthole parmi ses livres favoris 1?

Sur les élèves de Dorat, sur ses amitiés, son enseignement, M. R., s'il reprend jamais son sujet, pourra trouver des renseignements dans les ouvrages suivants: Georgii Crittonii laudatio funebris habita in exsequiis Petri Ronsardi apud Becodianos, Paris, 1586, p. 5. — Les œuvres poétiques d'Amadis Jamyn, Paris, 1575, ff. 22 vo, 62, 223 vo. -Recueil des œuvres poétiques de Jean Passerat, Paris, 1606, p. 378 (élégie à Ronsard sur la mort de Turnèbe).-Ioannis Passeratii Kalendae Ianuariae, Paris, 1606, p. 145. La Galliade... par Guy Le Fevre de la Boderie, Paris, 1572, p. 124. - Première partie des Sonets exotériques de G. M. D. I. [Imbert], Bordeaux, 1578 [réimpression Tamizey de Larroque, 1872], sonnets 8 et 45. - Francisci Ducatii [Le Duchat] Trecaei praeludiorum libri III, Paris, 1554, ff. 7 vo et Stephani Forcaduli [Forcatel] epigrammata, Lyon, 1554, - Claudii Roilleti Belnensis varia poemata, Paris, 1556, f. 137. Seconde réponse de F. de la Baronie [Florent Chrestien] à Messire Pierre de Ronsard, prestre-gentilhomme vandomois, s. 1., 1564, f. 4.- Epistola quae vere exponit obitum Adriani Turnebi, Paris, 1565, ff. 7 et 14.- Gulielmi Calvimontani Sylvarum liber primus, Paris, 1571, pp. 10 et 18. La Cosmographie universelle... auteur en partie Munster, mais beaucoup plus... François de Belleforest, Paris, 1575, t. I, col. 40; t. II, col. 213 et 316. Le grand miroir du monde, par Joseph du Chesne, 2o éd., Lyon, 1593, p. 560. - Les Nouvelles Recreations poetiques de Jean Le Masle angevin, Paris, 1580, ff. 32, 50 vo à 54, 87. - Le plaisir des champs, par Claude Gauchet, Paris, 1583, [réimpression Blanchemain, 1869, p. 7]. — Les

31. P. 152.

-

1. En cherchant dans les correspondances du temps la confirmation de ce fait imaginaire, répété par tant d'historiens, nous avons trouvé le nom d'Auratus, au milieu d'une énumération de ses compagnons de voyage, faite par Lambin en 1558, au moment où il était à Imola avec le cardinal de Tournon (Lazeri, Miscellanea ex mss. Collegii Romani, Rome, 1757, p. 435; cf. Epist. Mureti, I, 13). Mais c'est encore là une mauvaise leçon dans la même énumération donnée dans les Epistolae clarorum virorum, Lyon, 1561, p. 405, on lit, au lieu d'Auratus, Donatus ; il s'agit de l'humaniste florentin Donato Giannotti, nullement de l'érudit limousin qui n'a jamais quitté la France.

« VorigeDoorgaan »