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et Mélanchton, tonnaient contre ce « libertinage de la pensée humaine. » La troisième division se rapporte à l'histoire de la famille de Copernic; M. P. y a réuni toute une série de renseignements curieux sur le grand-père du célèbre astronome, Lucas Watzelrode, sur son oncle, qui portait le même nom, sur son père Nicolas Koppernigk, et sur son frère André. Dans le chapitre suivant sont groupés des documents relatifs à la Warmie et à son organisation politique et ecclésiastique. On y trouve aussi une description du pays empruntée principalement à l'évêque de Warmie, Martin Cromer, mort en 1589, et dont le nom figure avec honneur dans l'historiographie polonaise. Le tableau du mouvement religieux local à cette époque fait l'objet d'une division spéciale, dans laquelle l'auteur nous raconte avec quelque détail les vicissitudes par lesquelles passa la Warmie dans la première moitié du xvIe siècle, sous le gouvernement des trois évêques, Fabien de Lossainen († 1523), Maurice Ferber († 1537) et Jean Dantiscus († 1548), qui finirent par étouffer absolument les germes de révolution religieuse, que la sécularisation de l'ordre teutonique avait semés dans le pays.

M. Prowe annonce l'apparition prochaine d'un second volume de Documents dans lequel il groupera les témoignages sur Copernic, datant des années qui suivirent sa mort. Son ouvrage formera donc une véritable Encyclopédie copernicienne, à laquelle devront avoir recours désormais tous ceux qui voudront s'orienter sur la vie et les travaux du fondateur de l'astronomie moderne.

R.

159, · Molière, tome IX (collection des grands écrivains de la France, publiée sous la direction de M. Ad. Régnier, membre de l'Institut). Nouvelle édition revue sur les plus anciennes impressions et augmentée de variantes, de notices, de notes, etc., par MM. Eugène DESPOIS et Paul MESNARD. Paris, Hachette, 1886.

Avec ce tome IX se termine la partie littéraire de la publication commencée il y a déjà quatorze ans par M. Eugène Despois, et continuée avec tant de dévouement et de patience par M. Paul Mesnard. Après avoir publié seul une édition de Racine qui peut être considérée comme définitive, M. M. a composé les notices biographiques de La Fontaine et de Sévigné; on peut être assuré qu'il donnera prochainement une excellente notice sur la vie de Molière. Cette notice, le public l'attend avec une certaine impatience, de même que le Lexique de la langue de Molière; le jour où ces deux compléments indispensables de l'édition Despois-Mesnard auront paru, cet ouvrage pourra soutenir la comparaison avec les plus belles éditions de n'importe quel grand classique. Les pièces contenues dans ce volume sont les Femmes savantes, le Malade imaginaire, la Gloire du dôme du Val-de-Grâce, et les Poésies diverses, le tout accompagné de notices littéraires qui ne laissent

rien à désirer. Celle des Femmes savantes est particulièrement remarquable; M. M., si grand admirateur de Molière, n'hésite pas à dire que la vengeance du poète est allée trop loin lorsqu'il a fait de Cotin. non seulement un pédant ridicule, mais encore un malhonnéte homme. Je me permettrai seulement une observation de détail : c'est au sujet de la Comédie des Académistes de Saint-Evremond. M. M. émet quel-. ques doutes sur l'authenticité de la comédie intitulée les Académiciens, publiée, dit-il, par des Maizeaux en 1753. Mais les indications fournies par des Maizeaux en 1711, et non en 1753, sont très précises. Il parle de la Comédie des Académistes, faite en 1643, imprimée d'une manière très défectueuse en 1650 à l'insu de son auteur, et refondue par ce même auteur en 1680. M. M. s'exprime ainsi parlant de cette pièce : « C'est une refonte des Académistes que l'éditeur dit avoir trouvée dans les papiers de l'auteur (p. 43). » Mais des Maizeaux affirme que SaintEvremond revit la pièce avec lui », et je ne vois pas de raison pour rejeter le témoignage d'un ami et d'un collaborateur aussi sérieux.

En somme, le tome IX est digne des précédents, c'est tout dire, et l'on ne saurait trop remercier M. Paul Mesnard et les éditeurs qui ont à cœur de continuer ainsi l'œuvre du regretté M. Adolphe Régnier. A. GAZIER.

160.

Fragment de la guerre des Camisards dans les environs d'Alais, Vernoux, le Cheylard, etc.. par un anonyme, 1692-1709, publié avec introduction et notes, par Marius TALLON. Privas, 1887, grand in-8 de x-105 p.

M. Marius Tallon, qui a été traité de Calviniste endiablé pour avoir simplement, dans son Histoire des Vans, donné raison aux huguenots, à une époque où ils n'avaient pas tort, déclare (Avis au lecteur) qu'il va donner tort à d'autres huguenots, parce qu'ils n'avaient pas raison, ajoutant que ceux qui considèrent encore la révolte des camisards comme une légende sans tache, comme une chose sainte, » l'appelleront sans doute écrivain impie, historien sacrilège ». Il se console de ces reproches contraires en s'appliquant spirituellement le mot de Montaigne: « Je fus pelaudé à toutes mains; au Gibelin j'estois Guelfe, au Guelfe, Gibelin ».

Trois choses, dit M. T. au début de son Introduction, s'opposeront éternellement à la glorification de la révolte connue dans l'histoire sous le nom de Révolte des Camisards: 1o l'heure où cette révolte prit naissance; 2° l'indignité morale de la plupart de ses chefs; 3o le nombre et l'énormité des crimes dont elle se rendit coupable. Il développe ces trois idées, démontrant tour à tour que jamais les protestants n'avaient été laissés aussi tranquilles qu'en 1702, époque où nos armées étaient partout hors de nos frontières, ce qui rendait la révolte anti-patriotique

et ce qui justifiait les protestations du pasteur Pierre Carrière 1; que les chefs camisards, Laporte, Roland, Esprit Séguier, Ravanel, Vivens, Jean Cavalier lui-même, étaient des gens tarés; enfin que leurs œuvres. furent exécrables, œuvres qui sont résumées (p. xxxi) en ces lignes saisissantes « Églises brûlées 3, localités saccagées, familles ruinées, femmes, enfants égorgés, rien ne manque à l'actif des révoltés des Cévennes ». M. T. donne des détails minutieux (p. xxxii et suiv.) sur les meurtres commis par les Camisards, meurtres que « leur nombre incalculable signale moins à la malédiction publique que leur horrible raffi

nement ».

Après ce triple exposé vient une notice sur le manuscrit. Le Fragment de l'Histoire des camisards a fait partie, jusqu'à ces derniers temps, des archives du château du Pouget, près Casteljau, canton des Vans (Ardèche). L'auteur du manuscrit nous apprend qu'il a pris part aux évènements qu'il a racontés, au milieu des troupes chargées de maîtriser les révoltés des Cévennes. Il loue beaucoup le récit anonyme, lui attribuant une valeur historique réelle, affirmant que ce récit est « conforme à la vérité » et « presque absolument impartial ». C'est, dit-il (p. XLI) la déposition d'un honnête homme dans un procès fameux sur lequel l'histoire prononcera, je crois, comme je me permets de le faire moi-même, en condamnant la révolte des camisards, sans pitié pour les chefs de mauvaise foi et sans moralité, avec indulgence pour les pauvres simples qui les suivirent ».

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L'auteur du Fragment raconte d'abord « les guerres de M. de Rohan, en 1621 », comme il les entendit raconter à ses « prédécesseurs et à plusieurs autres personnes âgées de 80 ans ». Il retrace ensuite, presque jour par jour, l'histoire de la guerre des camisards, n'omettant pas les plus petits faits et nous faisant souvent connaître ses impressions personnelles, comme, par exemple, en ce passage (p. 11): « L'auteur dit avoir passé le lendemain, étant en détachement, près ce château [le 1. Mémoires de Pierre Carrière, dit Corteiz, pasteur du désert (Strasbourg, 1871,

p. 6).

2. M. T., oppose à cet emphatique éloge du prophète par Peyrat (Histoire des pasteurs du désert, p. 22, p. 305) : « Grande figure qui domine magnifiquement le soulèvement des camisards », les faits incontestables recueillis par Charles de la Baume, conseiller au présidial de Nîmes: Séguier était un ancien cardeur qui fut condamné aux galères pour divers larcins, qui fut aussi condamné par défaut à être pendu pour avoir violé une jeune fille.

3. On lit dans une note (p. xxxI) : « Court que, comme tout le monde, j'avais cru impartial et qui ne l'est pas toujours, avoue qu'il y eut 120 églises incendiées par les rebelles. Ce chiffre n'est pas exact. Il n'y avait guère que six mois que la révolte avait pris naissance que l'on comptait déjà plus de 230 sanctuaires catholiques incendiés ». Voir sur l'Histoire des troubles des Cévennes, une bonne appréciation, p. xvii, note 1. Voir (ibid., note 2) une non moins juste appréciation de la Relation historique de la révolte des fanatiques ou des camisards de Ch. de la Baume. M. T. n'a pas négligé de consulter un autre ouvrage spécial resté inédit : Histoire des troubles des Cévennes, par l'abbé Valette, prieur de Bernis, 2 vol. in-4° conservés parmi les mss. de la Bibliothèque de Nîmes, sous le n° 13848.

château de M. de Vallesquière] où il vit sa femme et ses enfants fondant en larmes, les exhortant vivement de chercher avec soin ces barbares assassins qui étaient la cause de leur ruine ». Le récit de la résistance désespérée de Vivens et de sa mort (p. 13) est fort dramatique. Le narrateur nous apprend que le cadavre du révolté fut « traîné à la queue d'un cheval », que le sieur Jourdan, qui l'avait frappé à mort, reçut 500 écus de récompense; que la veuve du sergent Canonge obtint 100 écus « pour la dédommager de la perte de son mari », tué par Vivens, etc. Il nous apprend encore, tant il tient à tout dire, que « ce jour là il y eust un brouillard si épais qu'on ne se voyoit pas l'un l'autre ». Une autre page émouvante, c'est la relation de l'assassinat de l'abbé du Cheyla au Pont-de-Montvert, le 23 juillet 1702 (p. 17): « Le feu fut aux quatre coins de la maison. L'abbé du Cheyla et ses gens se voyant environnés de flammes et vivement pressés par le feu et la fumée sautèrent par la fenestre. Il tomba à l'instant entre les mains de ces scélérats qui assouvirent leur rage et leur fureur sur cette victime par plus d'une manière. Ils le traînèrent de rue en rue avec un poignard à leur main qu'ils enfonçaient de temps en temps dans différents endroits de son corps. » Sur Cavalier, les particularités abondent. Le Fragment, en somme, est très curieux et les notes dont l'a enrichi M. Tallon sont généralement excellentes 1.

A la suite du récit anonyme, l'éditeur a publié divers extraits et pièces complémentaires: No 1. Antoine Court et les inspirés; extrait des Mémoires d'A. Court publiés à Toulouse par M. Edmond Hugues, 1885; N° 2. Relation de ce qui se passa à Vagnas le 10 février 1703 entre les troupes du Roy et les fanatiques, tirée par M° Jean Boisson no. taire, sur les mémoires d'autre sieur Jean Boisson, son ayeul, dressés sur lieux dans la semaine d'après; N° 3. Relation de ce qui se passa à Potellières le 13 septembre 1703. Extrait d'un rapport du commandant du Roure, aux Archives du ministère de la guerre ; N° 4. Soulève. ment huguenot en Vivarais de mars 1704.

T. DE L.

1. Quelques indications bibliographiques manquent de précision. On ne cite plus guères Anquetil et, quand on le cite, il ne faut pas se contenter de dire, comme dans la note i de la page 1x : « Voir Anquetil, Histoire de France ».

161.

1. Une ambassade française en Orient sous Louis XV. La mission du marquis de Villeneuve, 1728-1741, par Albert VANDAL. Paris, Plon, 1887. In-8, xvi et 461 p. 8 fr.

2. Choiseul-Gouffier, La France en Orient sous Louis XVI, par Léonce PINGAUD, professeur d'histoire moderne à la Faculté des lettres de Besançon. Paris, Picard, 1887. In-8, Ix et 297 p.

3. La fin d'un empire français aux Indes sous Louis XV, LallyTollendal, d'après des documents inédits, par Tibulle HAMONT. Ouvrage accompagné de cartes. Paris, Plon, 1887. In-8, iv et 328 p. 7 fr. 50.

Voici trois excellents ouvrages sur l'histoire du xvIIIe siècle; on nous permettra de les réunir en un article d'ensemble.

I. Après avoir retracé, dans un chapitre préliminaire plein de détails curieux, la situation de la France en Orient au commencement du XVIIIe siècle, M. Vandal nous présente le marquis de Villeneuve, l'ambassadeur que, sur la recommandation du chancelier d'Aguesseau, le cardinal Fleury envoyait en 1728 à Constantinople et qui devait y rester jusqu'en 1740. C'était un de ces « serviteurs loyaux et consciencieux, rompus par une longue expérience à la pratique des affaires, les abordant avec sérieux, les suivant avec une prudente habileté, instruits enfin à continuer toutes les traditions du grand règne » (p. 69). Il remplit avec succès le rôle auquel il était soudainement appelé, toujours habile, toujours actif, dirigeant presque de son propre chef notre politique orientale, profitant des circonstances pour relever et augmenter notre influence. Il revendiqua d'abord pour la France le droit de châtier les Barbaresques par les moyens qu'elle choisirait et sut rétablir la paix avec Tripoli. Il évita à deux reprises de fâcheuses complications et arrêta le mouvement qui précipitait le déclin de notre influence. Puis, par instants aidé du rénégat Bonneval, qui poursuivait par intérêt le même but que lui, et profitant d'une révolution de palais, il obtint du capitan. pacha Djanum Khodja et du grand vizir Topal-Osman la restitution de tous nos privilèges commerciaux et de tous nos droits religieux. Une nouvelle révolution amena au Divan des hommes circonspects et timides, quoique sympathiques à la France; malgré leurs hésitations, Villeneuve aurait réussi à les entraîner dans la guerre de succession de Pologne, si Fleury n'avait, selon le mot de Frédéric, escamoté la paix. Mais le plus beau moment de la carrière diplomatique de Villeneuve allait venir. La Russie qui voulait déchirer le traité du Pruth, et l'Autriche qui cherchait déjà des dédommagements sur le Danube, s'unirent contre la Turquie qui se trouva dans un extrême péril. Mais Villeneuve encouragea la résistance de l'Islam; il inspira toutes les résolutions poliques et militaires; reconnu médiateur, il profita des succès passagers des Ottomans pour conclure cette paix de Belgrade qui rendit un instant à la France la direction de l'Europe, qui assura à l'Orient près de trente années de paix et qui fait de la mission de Villeneuve, selon le mot de Hammer, la plus brillante que signale l'histoire dans les rapports de

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