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implicitement contenues, et l'on devine d'instinct la part importante qui leur sera réservée dans l'« exposé général des résultats des fouilles ». Nous apprenons que le gouvernement hellénique vient d'accorder à la France l'autorisation d'entreprendre aussi des fouilles sur l'emplacement des sanctuaires de Delphes; on ne peut mieux souhaiter à ceux qui les dirigeront et en feront connaître les résultats que d'employer la méthode dont M. Homolle nous a donné le modèle. Les œuvres d'art, les documents épigraphiques que le sol couvre seront retrouvés, sans aucun doute; cela est affaire de temps, d'argent, de main-d'oeuvre. Mais ce qui importe à la science, en dehors du pittoresque de l'entreprise et des conditions purement matérielles, c'est la mise en œuvre de ces précieux monuments. Puissent les fouilles de Delphes trouver un historien consciencieux, mais capable aussi de vues hautes et générales, comme la bonne fortune de l'Institut et de l'Ecole d'Athènes l'a voulu à Délos. Marcel DUBOIS.

139. Léon RENIER. Inscriptions romaines de l'Algérie. Publication posthume des Tables II-V, des Addenda et Corrigenda, in-fol. p. 561-580, avec feuille de titre et faux-titre. - Paris, Alphonse Picard, 1886.

On sait que par suite de difficultés provenant du fait de son ancien éditeur, Léon Renier n'avait publié à la fin de son grand recueil épigra phique que le premier des index qu'il lui destinait, Noms d'hommes et de femmes. Il était triste de voir ce beau volume rester privé des autres tables formant son indispensable complément. Désormais, les amis de l'illustre épigraphiste n'auront plus ce regret; M. Edouard Renier a retrouvé dans les papiers de son père les épreuves des tables II (Noms propres et surnoms) et III (Tribus romaines), ainsi que le manuscrit des tables IV (Dieux et déesses) et V (Noms géographiques) et il en a décidé la publication. M. Chatelain a bien voulu en surveiller l'impresseon et a eu, en outre, la bonne pensée d'ajouter, sous la rubrique Addenda et Corrigenda, les notes marginales écrites de la main de l'auteur sur quelques pages de l'exemplaire pieusement conservé par son fils. On possède donc aujourd'hui l'oeuvre du maître sous la forme complète et définitive que lui-même lui avait assignée, car il paraît probable qu'au moment où il confectionnait ces tables, il avait déjà renoncé à composer un deuxième volume qui aurait contenu, suivant l'annonce primitive, l'explication des principales inscriptions, les dissertations archéologiques, historiques et géographiques auxquelles elles peuvent donner lieu, enfin, deux cartes et nombre de gravures sur bois représentant les monuments les plus remarquables sous le rapport de la paléographie. C'est ce programme attrayant, qui répond si bien aux goûts et aux besoins des érudits français, que nous eussions aimé voir repris et mis à exécution par quelqu'un des élèves les mieux qualifiés

du maître disparu. Il y a là une œuvre d'archéologie nationale qui attend son ouvrier et dont les matériaux sont déjà réunis dans les huit tomes de notes et de dessins autographes du commandant De La Mare, classés par son ami dans l'ordre géographique adopté pour son recueil des inscriptions de l'Algérie. Néanmoins, on ne devra pas oublier que le Commentaire projeté pendant quelque temps par Léon Renier, puis délaissé quand il s'éprit de l'épigraphie romaine de la Gaule, a été rédigé, au moins pour une bonne part, sous forme de fragments dispersés en diverses publications où l'on parviendra à les retrouver en s'aidant de quelques indications bibliographiques 2. Grâce aux tables complémentaires dont nous signalons l'achèvement et qu'il sera toujours facile d'encarter, même dans les exemplaires reliés, le recueil des inscriptions de l'Algérie va reprendre son importance par la facilité rendue aux recherches; le tome VIII du Corpus latin ne dispensera pas d'en faire usage ni de le citer, pas plus que le futur Corpus grec n'effacera l'œuvre de Boeckh et de Franz.

Robert Mowat.

140. - C. WEIZSECKER. Das apostolische Zeltalter der christlichen Kirche. Freiburg 1886. Academische Verlagsbuchhandlung von Mohr. I vol. in-8, p. 698.

Cette histoire critique du premier âge de l'Église chrétienne est la contribution la plus importante qu'ait fournie la théologie allemande depuis vingt ans sur cette matière. Les livres de Néander, de Baur, de Ritschl, de Lechler dessinent la ligne dans laquelle l'ouvrage de M. Weizsäcker vient de prendre place en la prolongeant d'une façon très heureuse. Il est original de fond et de forme de forme d'abord; pas une note au bas des pages, point de littérature du sujet, point de noms de savants dans le texte; un genre de composition spécial à notre auteur, où s'unissent et se fondent perpétuellement l'exposition historique et la discussion critique. Ce n'est pas que M. W. ignore ou dédaigne les opinions de ceux qui l'ont précédé en ces recherches. Le lecteur compétent s'aperçoit bien vite au contraire qu'il tient compte de tout, et se met en règle avec tous les travaux scientifiques de quelque valeur. Mais 11 ne cite aucun livre, ne nomme personne, et c'est une surprise agréable que cette rencontre d'un écrivain allemand se débarrassant du fardeau devenu accablant de l'érudition bibliographique et n'ayant d'autre souci que d'exposer et de justifier sa propre pensée 3.

1. Msc. 22955, à la Bibliothèque de l'Université.

2. Voir, dans le Bulletin épigraphique, t. V, 1885, p. 160-163, la liste détaillée des mémoires, articles et notes publiés par L. Renier.

3. L'abstention de M. W. va même trop loin. Son livre n'a point de préface, ce

Ajoutons que cette pensée est bien à lui. Toute son exposition est non-seulement faite d'après les sources minutieusement et longuement explorées, mais encore elle a jailli d'une conception très personnelle. Et c'est là le second mérite de son livre. Nous n'avons pas devant nous une lourde compilation des idées ou du savoir des autres. D'autre part le souci de l'originalité n'emporte pas M. W. jusqu'au paradoxe. C'est un savant droit, consciencieux, examinant les textes à la loupe, faisant chaque jour une petite récolte d'observations fines, neuves souvent, justes presque toujours, puis les mettant en œuvre, les coordonnant dans un ensemble systématique et arrivant ainsi à nous présenter, sous un jour relativement nouveau et avec un air très grand de vraisemblance, un chapitre d'histoire qui semblait presque épuisé. Cependant la méthode de M. W. a son revers. A raconter ainsi directement et tout uniment l'histoire, à la construire en toute liberté, faisant la critique des documents par la seule manière dont on les utilise, on gagne sans doute une grande facilité d'allure et l'on est plus sûr d'intéresser le lecteur. Cette méthode convient très bien pour les temps où les témoignages abondent et sont d'une origine indiscutable. Mais, dans les époques primitives où tout doit être établi par des recherches qui souvent n'aboutissent qu'au doute, la méthode de narration directe de M. W. a peut être le tort d'ouvrir trop grandement la porte au subjectivisme historique. Aussi, après avoir lu son ouvrage, le lecteur un peu difficile, se demandera-t-il : Est-il vraiment possible d'écrire une histoire du siècle apostolique? La critique peut-elle au-delà de la discussion objective des documents?

Cette réserve faite, voici le plan et l'analyse de cette œuvre considérable. Elle comprend cinq chapitres principaux. Le premier est consacré à la première communauté juive-chrétienne et expose le cours probable des évènements, de la mort du Christ à celle d'Étienne martyr. Le second appartient à l'apôtre Paul. M. W. discute d'abord la vocation de l'apôtre, puis expose sa théologie et enfin les rappports de l'apôtre des gentils avec la communauté juive chrétienne de Jérusalem. Dans le troisième chapitre, à l'aide des grandes épitres de Paul, est racontée l'histoire des églises pauliniennes. Celle de l'église de Corinthe est reconstituée, en particulier, avec une précision remarquable. Comme documents véritablement pauliniens, M. W. n'accepte, à côté des quatre lettres aux Galates, aux Corinthiens et aux Romains, que la première aux Thessaloniciens et celle aux chrétiens de Philippe. Le quatrième chapitre suit tour à tour le développement de l'église de Jérusalem avec Jacques, celui de l'église de Rome avec Paul et sa tradition, celui de l'église d'Ephèse avec Jean. Enfin le cinquième et der

dont nous ne nous plaignons pas. Mais il manque à la fin un registre des matières ou des questions traitées, indispensable pour se retrouver dans un volume de 700 pages très compactes.

nier expose les formes de réunions et de culte, la constitution des communautés, et les mœurs des premiers chrétiens.

Dans ce vaste ensemble de questions obscures et fort compliquées, le chapitre sur la renaissance du christianisme après la mort de Jésus, l'exposition de la théologie paulinienne et des grandes missions de l'apôtre des païens, l'histoire des rapports de Paul et de l'église de Corinthe, l'étude sur la vie intérieure des premières communautés chrétiennes et l'origine des charges ecclésiastiques m'ont paru tout à la fois les parties les plus originales et les plus satisfaisantes du livre. Sur maint détail il y aurait à discuter; mais ce n'est pas ici le lieu. Il suffira de marquer la méthode critique de l'auteur. Encore ne dirons-nous rien de la seconde partie de son ouvrage, de celle qui va de la mort de saint Paul à l'apparition du quatrième Évangile. Il y a là un demisiècle en pleine nuit et les questions critiques que soulèvent les documents que l'on rapporte à cette période, tels que l'épitre aux Hébreux, les Evangiles synoptiques, l'apocalypse, l'évangile de Jean, etc. rendent la tâche de l'historien encore plus difficile, sinon impossible. Les conjectures de M. W. en valent d'autres, mais ce ne sont jamais que des conjectures.

En revanche, dans la vie de l'apôtre Paul, il y a une dizaine d'années éclairées par sa correspondance authentique et à peu près sûrement datée. C'est là, dans ce point lumineux, que l'historien doit s'établir pour pousser ensuite des reconnaissances soit en avant soit arrière. Cette méthode est la seule qui puisse conduire à des résultats scientifiques. M. W. l'a appliquée avec une rigueur plus grande qu'on ne l'avait fait avant lui. Peut-être faudrait-il lui faire le reproche d'avoir été trop systématique et d'avoir cru qu'on pouvait faire une histoire complète avec les allusions indirectes et toujours fragmentaires des épîtres pauliniennes, en abusant, pour écarter tout le reste, de l'argumentum e silentio. Nous sommes d'accord avec lui pour rejeter tout ce qui, dans les Actes des Apôtres, est en contradiction positive avec les indications de Paul. Mais nous ne le sommes plus pour croire qu'avec ces indications éparses on puisse faire une histoire complète et systématique.

Les épîtres authentiques de Paul supposent beaucoup plus de choses qu'elles ne nous en apprennent. Le livre des Actes est une source d'ordre secondaire, cela va sans dire; mais il n'est pas, croyons-nous, d'une saine critique de l'écarter trop facilement et de montrer le scepticisme presque absolu que professe l'historien allemand, même à l'égard de la seconde partie de ce document. Voici un exemple de ce que nous. voulons dire. Dans l'épître aux Galates, Paul dit qu'il a prêché l'évangile en Syrie et en Cilicie avant les conférences de Jérusalem (Gal. I, 22). M. W. en conclut qu'il n'est allé nulle part ailleurs et met en doute, sinon le fond historique du récit de mission en Galatie des chapitres XIII et xiv des Actes, au moins la date de cette mission et, par

conséquent, l'association missionnaire primitive de Paul et de Barnabas (p. 94). Quelques lignes plus loin, dans l'épître aux Galates (II, 5), l'existence des communautés galates au moment de la conférence de Jérusalem, est nettement supposée. Voilà comment, en systématisant rigoureusement les indications de Paul, on peut arriver à contracter ou tre mesure l'histoire réelle et, par conséquent, à la fausser.

Le rapport du récit des Actes avec les épîtres de Paul reste toujours la question décisive pour l'histoire du siècle apostolique. Or, nous doutons très fort que la critique s'arrête à la solution que M. W. lui a donnée soit pour l'ensemble, soit dans le détail. C'est un retour à l'opinion de Baur. La défiance du théologien allemand est justifiée à son point de vue. Il admet, en effet, que l'auteur de cette chronique apostolique a connu et exploité les épîtres de Paul, et, dès lors, il ne peut avoir eu pour dessein que de falsifier l'histoire au profit d'une dogmatique ou d'un parti. Si Luc, en effet, a connu les lettres de Paul, le jugement de M. W. est forcé. On ne peut plus faire aucun fond sur un document dont l'auteur, avec une préméditation bien consciente, a pris à l'égard des affirmations de l'apôtre de si étranges libertés. Mais a-t-il connu les letttres de Paul? Nous savons qu'en Allemagne on n'en doute guère. Pour notre part, nous en doutons beaucoup. Le contraire même nous paraît infiniment plus vraisemblable. La question n'a pas encore été examinée, au seul point de vue historique et littéraire, et il serait important qu'elle le fût. Toute la crédibilité historique du livre des Actes des Apôtres en dépend. Suivant que l'auteur a connu ou n'a pas connu les épîtres de Paul, l'aspect de son écrit change totalement. Dans le premier cas, on est scandalisé à bon droit des licences qu'il prend à l'égard de ses sources et de pareilles sources. Dans le second, au contraire, on ne peut qu'admirer qu'un chroniqueur, écrivant à la fin du premier siècle, recueille une tradition si précise et, sur tant de points essentiels, en harmonie si merveilleuse avec les indications éparses des lettres de Paul. Les différences ou les erreurs constatées étonnent beaucoup moins alors que les coïncidences imprévues, et l'on n'est plus porté à dédaigner une chronique qui, sans être indiscutable, renferme des renseignements du plus haut prix, comme dans les parties où le récit est fait à la première personne et vient certainement d'un témoin oculaire. Nous ne pouvons ici que poser la question en faisant entrevoir que, si elle venait à être résolue dans le sens que nous pensons, la plus grande partie de la construction du nouvel historien de l'âge apostolique en serait ébranlée. Après tout, n'est-ce pas le sort de toutes les constructions de ce genre? Fait-on jamais, dès qu'il s'agit de l'antiquité, de l'histoire définitive? Il suffit pour mériter l'éloge de la critique, qu'un livre pose les problèmes avec plus de rigueur, serre les textes de plus près, les analyse avec plus de finesse, présente des hypothèses nouvelles qui profitent à la science autant par la contradiction qu'elles soulèvent que par leur valeur intrinsèque. Or, l'ouvrage de M. W. est de cet ordre et rend tous ces services.

A. SABATIER.

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