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commencement du xn, le chanoine Guillaume dirigeait, au Mans, les travaux de verrerie, comme le moine Jean dirigeait les travaux de maçonnerie, comme les évêques Vulgrin, Arnaud, Hoël et Hildebert donnaient et faisaient exécuter les plans généraux de la Cathédrale.

Mais, à raison de son titre de chanoine, Guillaume devait se faire une loi de reproduire dans son atelier ce qu'il y avait de plus parfait dans l'art de la verrerie, et il n'est pas douteux pour nous, que ce ne soit lui qui ait fourni à Hoël et à Hildebert les belles verrières de la Cathédrale et du Chapitre. Peut-être même est-ce là le motif qui l'engagea à faire le legs dont nous venons de parler (1).

Il paraît, au surplus, que l'établissement canonial des vitraux peints s'étendit aux siècles suivants; car un vitrail du xu® siècle, placé dans le clere-story et qui sera reproduit dans l'une des livraisons futures des Calques des Vitraux peints de la Cathédrale du Mans, représente le verrier ecclésiastique (LE VERRIER ECCLES.), et ce verrier est un prêtre, revêtu des insignes du canonicat.

Toutefois, on peut se demander si tout ce que nous venons de dire ne doit pas s'entendre de simples verrières en mosaïque. Nous ne le pensons pas; car l'admiration avec laquelle on parle de la magnificence et de la somptuosité de ces verrières, suppose qu'on ne connaissait rien alors de plus parfait, et même que ces verrières brillaient de beautés nouvelles. Mais, dans les dernières années du xre siècle, ni les verrières en mosaïque n'étaient nouvelles, ni les verrières historiées n'étaient inconnues, du moins si nous nous en rapportons à des données fort plausibles des chroniques contemporaines. Puis, l'admirable et somptueuse variété de l'art, dont parle l'historien de Hoël, ne désigne pas, croyons-nous, la variété et l'agencement des couleurs, comme on est d'abord porté à le penser; mais elle indique très-vraisemblablement la variété et le nombre des

(1) Hanc domum dimisit in manu dicti Hildeberti episcopi et totius capituli BeatiJuliani (Lib. Alb. Capit. Cenoman. Chart. CLXXXV ). »

sujets historiés. Il est bien remarquable, en effet, qu'à un demi-siècle de distance (1140-1144), Suger, le célèbre abbé de Saint-Denis, se serve de la même expression pour rendre la même pensée. « Nous avons fait peindre, dit-il, avec l'habile « talent d'un grand nombre d'artistes de diverses nations, une « admirable variété de nouvelles verrières, depuis la première qui commence à l'Arbre de Jessé, au chevet de l'église, jusqu'à celle qui est au-dessus de la principale porte, à « l'entrée (1). » Puis, l'abbé Suger commence l'énumération de cette magnifique galerie, et il en décrit les neuf premiers sujets. Nous sommes même tenté de croire que tel est aussi le sens que le moine Théophile attache à la même expression (ci-après). Ces diverses considérations sont plus que suffisantes pour nous autoriser à croire que notre chroniqueur a parlé, non de simples mosaïques, dont, au reste, il ne nous est pas parvenu un seul fragment, mais bien de véritables verrières historiées, dont il nous reste encore plusieurs panneaux entiers, offrant précisément les qualités tant vantées par le chroniqueur, la variété et la richesse de l'ordonnance.

Nous venons de dire, mais toujours sous la forme dubitative, que les vitraux historiés étaient connus au x1° siècle. En effet, outre nos annales du Maine, l'histoire de l'abbaye de Saint-Hubert-en-Ardennes nous apprend qu'à l'abbaye de Saint-Rémi de Reims, il y avait, vers 1060, deux moines célèbres par leurs talents, Herbert et Roger; et ensuite elle ajoute que ce dernier (Roger) fit, vers 1070, de magnifiques vitraux pour le monastère de Saint-Hubert: Illuminavit quoque oratoria quæ extruxerat, pulcherrimis fenestris (2).

A la même époque, sous l'abbé Girard (1080-1107),

(1) Vitrearum etiam novarum præclaram varietatem ab ea prima, quæ incipit à <STIRPS-JESSE, in capite ecclesiæ, usque ad eam quæ superest principali portæ, in << introitu ecclesiæ, tam superius quam inferius, magistrorum multorum de diversis <nationibus manu exquisita depingi fecimus (De Administr. cap. XXXII, Patrol. < tom. CLXXXVI, pag. 1237). »

(2) Histor. Andagin. monaster. apud Martenne et Durand (Ampliss. Collect., tom. 1 pag. 925, 926, 930 et 936).

l'abbaye de Saint-Aubin d'Angers donnait une maison et un arpent de vigne en fief viager au peintre Foulques (Pictoris arte imbutus), à la condition qu'il ferait les diverses peintures du monastère, ainsi que les verrières. A sa mort, le fief devait faire retour à la communauté, à moins qu'il n'eût un fils, qui pût exercer lui-même le même art (1). Mais il est un texte plus ancien et plus précis encore; c'est celui du chroniqueur de Saint-Bénigne de Dijon, concernant le vitrail de sainte Paschasie. L'abbé de Saint-Bénigne, S. Guillaume, qui mourut en 1031, fit rebâtir son église. Pendant le cours de cette reconstruction, c'est-à-dire, de 1002 à 1016, on exhuma les corps saints de l'ancienne église, entre autres celui de sainte Paschasie, au sujet de laquelle l'écrivain s'exprime ainsi : « Cette sainte, ins« truite et baptisée par saint Bénigne, fut, après le martyre de celui-ci, traînée elle-même au supplice, par la cruauté des « payens; et, comme elle persévérait inébranlablement dans « la foi de Jésus-Christ, après avoir subi l'horreur de la pri« son, elle fut condamnée à mort, pour la confession qu'elle « faisait de sa foi en Dieu, ainsi que le prouvait l'élégante « peinture d'une vitre, vitre peinte anciennement et conservée (( jusqu'à nos jours (2). » L'auteur était contemporain (son

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(1) Quidam homo, nomine Fulco, pictoris arte imbutus, venit in capitulum SanctiAlbini, ante Girardum abbatem et totum conventum, et ibi fecit talem convenientiam. << Pinget totum monasterium illorum, et quidquid ei præceperint, et vitreas fenestras faciet. Et ibi frater eorum devenit, et insuper homo abbatis liber factus est; et abbas « et monachi unum arpennum vineæ dederunt ei in feuvum, et unam domum: tali << pacto, ut in vita sua habeat, et post mortem ejus ad Sanctum redeat, nisi talem habue« rit filium, qui sui patris artem sciat, et inde Sancto-Albino serviat. Huic facto inter<< fuerunt isti laici : Raginaldus Grandis; Warinus Cellerarius; Calvinus, frater Roberti; << Warinus Villanus; Gualterius Avis; Rainerius Gaudinus. » Cette intéressante Charte, publiée d'abord par M. Marchegay (Bulletin de la Société d'Angers), a été ensuite reproduite par l'École des Chartes (Biblioth. 2o série, tom. II, pag. 271).

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(2) Hæc (sancta Paschasia), a sancto Benigno edocta et baptizata, post ejus mar<< tyrium, sævitia paganorum, rapta est ad supplicium. Cumque immobilis in fide Christi persisteret, primo carceris afflicta squalore, postea pro confessione Deitatis sententia <fuit mulctata capitali, UT QUÆDAM VITREA, ANTIQUITUS FACTA ET USQUE AD NOSTRA PER<< DURANS TEMPORA, ELEGANTI PRÆMONSTRABAT PICTURA (Chronic. S. Benigni Divion., < apud Spicileg. Dacherian., tom. 1, pag. 351-488; Patrolog. tom. CLI, pag. 857; Act. <SS. O. S. B. tom. vIII, pag. 535). »

récit finit à l'an 1052), et paraît mériter toute confiance. Néanmoins, jusqu'ici, on s'est arrêté avec hésitation devant ce texte : il est trop précis pour qu'on puisse le rejeter, et en même temps trop isolé pour qu'on puisse, quant à présent, l'adopter sans réserve (1). Mais ce qui est admis par tout le monde, c'est que la Peinture sur Verre est un art tout français; que c'est en France qu'il a pris naissance ou au moins son plein accroissement, et qu'il est devenu l'une de ses gloires monumentales, dès l'époque dont nous parlons. Écoutons le moine Théophile, dont on ne peut contester ni la bonne foi ni la grande érudition (2): « Si tu approfondis attentivement cet (Essai sur « divers Arts), dit-il à son cher lecteur, tu trouveras là tout « ce que possède la Grèce, sur les espèces et les mélanges des « diverses couleurs; toute la science des Toscans, sur les «< incrustations et sur la variété du niello; toutes les sortes « d'ornements que l'Arabie emploie dans les ouvrages faits au « moyen de la malléabilité, de la fusion ou de la ciselure; tout « l'art de la glorieuse Italie, dans l'application de l'or et de « l'argent à la décoration des différentes espèces de vases, ou « au travail des pierreries et de l'ivoire; tout ce que la France « recherche dans la somptueuse variété des vitraux ; tous les « ouvrages délicats d'or, d'argent, de cuivre, de fer, de « bois et de pierre, qu'honore l'industrieuse Germanie. » Jusqu'ici, l'on a attribué, en général, la Diversarum Artium Schedula au xe ou au XIe siècle. Mais, lors même qu'il faudrait la faire descendre jusqu'à la renaissance de l'art chrétien

(1) En effet, il n'est pas bien prouvé que ce fût une vitre de fenêtre. N'était-ce point un simple émail incrusté? Ou plutôt encore, n'était-ce point une de ces peintures, obtenues par divers procédés, comme on en voyait sur les calices, les patènes, les cyathes, et autres objets de verre, dès la plus haute époque du christianisme?

(2) Quam (diversarum Artium Schedulam) si diligentius perscruteris, illic invenies <quidquid in diversorum colorum generibus et mixturis habet Græcia; quidquid in << electrorum operositate seu nigelli varietate novit Tuscia; quidquid ductili vel fusili, seu << interrasili opere distinguit Arabia; quidquid in vasorum diversitate, seu gemmarum, » ossiumve sculptura auro (et argento) inclyta decorat Italia; quidquid in fenestrarum

<< pretiosa varietate diligit Francia; quidquid in auri, argenti, cupri et ferri,lignorum, < lapidumve subtilitate solers laudat Germania (Præf. in Libr. 1, pag. 8). ›

(1150-1250), selon le sentiment de M. Guichard (1), le grave témoignage de Théophile conserverait encore une grande valeur. Car, pour qu'elle se fût élevée dès lors à un tel degré de supériorité, en cette partie, parmi les nations, il fallait que la France cultivât cet art depuis longtemps.

Comme on le voit, la science n'a pas encore pu nous faire connaître l'auteur de cette belle découverte, ni la province qui a été son berceau, ni même l'époque précise qui l'a vue sc produire. Il nous est donc tout à fait impossible d'indiquer quels maîtres ont pu avoir nos premiers peintres verriers, pour les initier et les diriger dans cet art, qui devait fleurir bientôt après et rendre la France célèbre parmi les nations. Mais, si on admettait que la Peinture sur Verre et la peinture sur émail incrusté n'ont eu qu'une seule et même origine, ou que la Peinture sur Verre n'a été qu'une application particulière de la peinture sur émail, comme M. du Sommerard en paraît assez persuadé, nos artistes manceaux auraient été bien placés pour profiter des premiers de cette frappante découverte, à raison de leur voisinage des Limousins. Si, au contraire, on veut reconnaître, dans la création et la culture de cet art, une influence ou même une inspiration byzantine, Le Mans n'avait encore rien à envier à aucune autre province de France. Ses évêques étaient pour la plupart riches, puissants et amis des arts; ils faisaient de fréquents voyages en Italie ( Arnaud, Hoël, Hildebert), et, en outre, ils étaient assidus près des papes, qui vinrent souvent en France, à cette époque ; Hoël même accompagna presque toujours Urbain II, dans son long itinéraire d'Italie et de France, et eut l'insigne honneur de le recevoir, au Mans, dans son propre palais, avec toute sa cour, les 16, 17 et 18 février 1096 (2). Nos évêques du Mans, disons-nous,

(1) Essai sur divers Arts, par Théophile, publié et traduit par M. de l'Escalopier, Toulouse, 1843, 1 vol. in-40, avec une Introduction de M. Guichard.

(2) Hoël fèta le pape Urbain II, avec toute sa cour, pendant trois jours entiers, et avec une incroyable magnificence: Memoratum Papam cum incredibili magnificentia in domo sua Cenomannis excepit; eique cum omni comitatu suo per triduum cuncta necessaria hilariter et abundantissime ministravit ( Anal. III. 300).

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