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POÈME.

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CHANT PREMIER.

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La raison dans mes vers conduit l'homme à la foi :
C'est elle qui, portant son flambeau devant moi,
M'encourage à chercher mon appui véritable.
M'apprend à le connoître, et me le rend aimable.
Faux sages, faux savans, indociles esprits,
Un moment, fiers mortels, suspendez vos mépris.
La raison, dites-vous, doit être notre guide;
A tous mes pas aussi cette raison préside;
Sous la divine loi que vous osez braver,
C'est elle-même ici qui va me captiver,

Et parle à tous les cœurs, qu'elle invite à s'y rendre :
Vous donc qui la vantez, daignez du moins l'entendre.
Et vous qui du saiot jong connoissez tout le prix,
C'est encore pour vous que ces vers sont écrits.
Celui que la grandeur remplit de son ivresse,
Relit avec plaisir ses titres de noblesse :
Ainsi le vrai chrétien recueille avec ardeur '
Les preuves de sa foi, titres de sa grandeur:
Doux trésor, qui d'une ame, à ses biens attentive,
Rend l'amour plus ardent, l'espérance plus vive.
Et qui de nous, hélas ! n'a jamais chancelé ?

Religion

Le prophète lui-même est souvent ébranlé. a
Il n'est point ici-bas de lumière sans ombres;
Dieu ne s'y montre à nous que sous des voiles sombres;
La colonne qui luit dans ce désert affreux
Tourne aussi quelquefois son côté ténébreux.
Puissent mes heureux chants consoler le fidèle !
Et puissent-ils aussi confondre le rebelle!

L'hommage t'en est dû, je te l'offre, ô GRAND ROI:
L'objet de mes travaux les rend dignes de toi.
Quand, de l'impiété poursuivant l'insolence,
De la religion j'embrasse la défense,
Oserois-je tenter ces chemins non frayés,
Si tu n'étois l'appui de mes pas effrayés ?
Ton nom, roi très-chrétien, fils aîné d'une mère
Qui t'inspire un respect si tendre et si sincère ;
Ton nom seul me rassure, et mieux que tous mes vers,
Confond les ennemis du maître que tu sers.

Et toi, de tous les coeurs la certaine espérance,
Et du bonheur public la seconde assurance,
CHER PRINCE, en qui le ciel fait croître chaque jour
Les grâces et l'esprit autant que notre amour;
Dans le hardi projet de mon pénible ouvrage,
Daigne au moins d'un regard animer mon courage.
C'est ta foi que je chante, et ceux dont tu la tiens
En furent de tout temps les augustes soutiens.

Oui, c'est un Dieu caché, que le Dieu qu'il faut croire,
Mais, tout caché qu'il est, pour révéler sa gloire,
Quels témoins éclatans devant moi rassemblés !
Répondez, cieux et mers; et vous, terre, parlez.
Quel bras peut vous suspendre, innombrables étoiles? b
Nuit brillante, d-nous qui t'a donné tes voiles ?
O cieux, que de grandeur, et quelle majesté !

a Suivant ces paroles du psaume 72, Mei autem penè moti sunt pedes, enè effusi sunt gressus mei... pacem peccatorum videns.

b Les anciens, qui croyoient voir toutes les étoiles, en croyoient aussi ouvoir fixer le nombre; mais, depuis que le télescope nous en a tant ait connoître que nos yeux seuls ne peuvent découvrir, les astronomes youent que les étoiles sont innombrables,

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J'y reconnois un maître à qui rien n'a coûté
Et qui dans nos déserts à semé la lumière,
Ainsi que dans nos champs il sème la poussière.
Toi qu'annonce l'aurore, admirable flambeau
Astre toujours le même, astre toujours nouveau,
Par quel ordre, ô soleil, viens-tu du sein de l'onde
Nous rendre les rayons de ta clarté féconde?
"Tous les jours je t'attends, tu reviens tous les jours; b
Est-ce moi qui t'appelle, et qui règle ton cours?

Et toi dont le courroux veut engloutir la terre, c
Mer terrible, en ton lit quelle main te resserre ?
Pour forcer ta prison tu fais de vains efforts :
La rage de tes flots expire sur tes bords.
Fais sentir ta vengeance à ceux dont l'avarice
Sur ton perfide sein va chercher son supplice;

a La grandeur des corps célestes nous paroît inconcevable. Saturne, di sent nos astronomes, est 1000 fois plus gros que la terre; Jupiter 14000 fois le soleil 140000 fois. Notre imagination se perd dans l'espace immense qui renferme tous ces grands corps. C'est une sphère infinie dit M. Pascal, dont le centre est partout, la circonférence nulle part. La petitesse des animaux que le microscope nous fait découvrir, est égale. ment inconcevable en sorte que nous nous trouvons placés entre deux infinis, l'un en grandeur, l'autre en petitesse; et notre imagination se perd dans tous les deux.

b Il rend et retire sa lumière insensiblement, parce que, s'il nous la rendoit tout-à-coup, nos yeux seroient éblouis, et s'il disparoissoit tout-à-coup, l'horreur des ténèbres nous alarmeroit. S'il étoit plus ou moins grand. ou plus ou moins éloigné, nous serions brûlés ou glacés. Qui donc a réglé, suivant nos besoins, la grandeur, la distance et la marche de ce globe de feu ?

c Quelque grande idée que les astres nous donnent de la puissance de Dieu, nous devons encore dire avec l'auteur du psaume 92. Mirabiles elationes maris, mirabilis in altis Dominus. Ces flots qui dans leur colère menacent si souvent la terre d'un nouveau déluge, viennent se briser à un grain de sable; et quelque furieuse que soit la mer en approchant de ses bords, elle s'en retire avec respect, et courbe ses flots pour ado rer cet ordre qu'elle y trouve écrit: Usque huc venies, et non procedes ampliùs. Job. 38.

Les philosophes ont cherché quelles causes retenoient ainsi la mer. Quae mare compescant cause... curve suos fines altum non exeat æquor ? disent Horace et Properce, Quelle autre cause que l'ordre d'un Dieu ?

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Hélas! prêts à périr t'adressent-ils leurs vœux
lls regardent le ciel, secours des malheureux.
La nature qui parle en ce péril extrême
Leur fait lever la main vers l'asile suprême:
Hommage que toujours rend un cœur effrayé
Au Dieu que jusqu'alors il avoit oublié.

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C

La voix de l'univers à ce Dieu me rappelle. La terre le publie. Est-ce moi, me dit-elle, Est-ce moi qui produis mes riches ornemens ? C'est celui dont la main posa mes fondemens. Si je sers tes besoins, c'est lui qui me l'ordonne; Les présens qu'il me fait, c'est à toi qu'il les donne : b Je me pare des fleurs qui tombent de sa main; Il ne fait que l'ouvrir, et m'en remplit le sein. Pour consoler l'espoir du laboureur avide, C'est lui qui dans l'Égypte, où je suis trop aride, Veut qu'au moment prescrit le Nil loin de ses bords Répandu sur ma plaine, y porte mes trésors. A de moindres objets tu peux le reconnoître : Contemple seulement l'arbre que je fais croître ; Mon suc dans la racine à peine répandu, Du tronc qui le reçoit à la branche est rendu ; La feuille le demande, et la branche fidèle, Prodigue de son bien, le partage avec elle.

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a Quand l'homme voit de près la mort, dit Pline le jeune, c'est alors qu'il se souvient qu'il y a des Dieux et qu'il est homme. Tunc Deos, tunc hominem esse se meminit. Plus d'un esprit fort a changé de langage dans

ce moment, et a fait dire de lui:

Oculis errantibus, alto

Quæsivit cælo lucem, ingenuitque repertâ.

Pline dit que la nature nous vend bien cher ses présens. Hominis causâ videtur cuncta alia genuisse natura, magnå et sævâ mercede contra tanta sua munera: ut non sit satis æstimare parens melior homini, an tristior noverca fuerit. La nature est devenue marâtre, depuis que l'homme est devenu rebelle à Dieu : ce que Pline ne savoit pas.

c Dans la moindre fleur, la moindre feuille, la moindre plume, Dieu, dit saint Augustin, n'a point négligé le juste rapport des parties entre elles. Noc avis pennulam, nec herba flosculum, nec arboris folium, sine partium suarum convenientiâ reliquit,

4 Le suc de la terre circule dans les arbres et dans les plantes comme le sang coule dans le corps des animaux

a

De l'éclat de ses fruits justement enchanté,
Ne méprise jamais ces plantes sans beauté,
Troupe obscure et timide, humble et foible vulgaire :
Si tu sais découvrir leur vertu salutaire,
Elles pourront servirà prolonger tes jours;
Et ne t'afflige pas si les leurs sont si courts:
Toute plante en naissant déjà renferme en elle
D'enfans qui la suivront une race immortelle ;
Chacun de ces enfans dans ma fécondité
Trouve un gage nouvead de sa postérité.

Ainsi parle la terre, et, charmé de l'entendre, Quand je vois par ces noeuds que je ne puis comprendre Tant d'être différens l'un à l'autre enchaînés,

La cendre de la fougère, du chardon, et d'autres herbes qu'on méprise, sèrt à faire le verre, le cristal et les glaces. L'ortie est un remède et elle est hérissée de dards, parce que, suivant la réflexion de Pline le naturaliste, la nature protége les plantes salutaires contre les insultes des animaux. Ne se depascat avida quadrupes, ne procaces manus rapiant, ne insidens ales infringat, his muniendo aculeis, telisque armando, remediis ut salva sit. Il faut avouer cependant que cette réflexion de Pline est plus ingénieuse que solide. Le chardon a beau crier ne se depascat avida quadrupes, l'âne ne l'entend point. Nous ignorons pourquoi telle plante plutôt qu'une autre est hérissée de pointes.

b La fécondité des plantes prouve le dessein du Créateur, qui nonseulement veille à la conservation de l'espèce, mais au besoin de tant d'animaux qui se nourrissent de ses graines. Ceux qui ont des terres, disent souvent que l'abondance du blé est un malheur, parce qu'il ne se vend pas. Dieu qui n'écoute point ces plaintes de notre cupidité, pro. digue le grand nécessaire aux hommes, Isaac, Gen. 26, retira le centuple du blé qu'il sema près de Gerare Pline le naturaliste, liv. 18 assure qu'un boisseau de blé en produit quelquefois cent cinquante, et qu'un gouverneur envoya à Néron trois cent soixante tuyaux sortis d'un seur grain; ce qui lui fit faire cette réflexion, qu'il n'y a point de grain plus fertile que le blé, parce qu'il est le plus nécessaire à l'homme, Tritico nihil fertilius: hoc ei natura tribuit, quoniùm eo maximè alat hominem. Par la même raison, c'est le grain qui se conserve le plus long-temps. On a mangé du pain fait avec un blé qui avoit plus de cent ans. Pline qui savoit si bien admirer les merveilles de la nature, chose étonnante ! on oublie l'auteur. Cependant elles ramènentsi nécessairement à un Dieu, que la philosophie, comme dit saint Cyrille, est le catéchisme de la foi Philosophia catechismus ad fidem.

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