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à sa puissance, nous avons vu que chaque siècle, chaque pays a son genre de beautés littéraires; que les événemens politiques ont de l'influence sur les esprits, de même que le climat; que toutes les formes distinctives de style doivent être conservées; qu'en étudiant les littératures enfin il fallait étudier le génie des nations, et que ce qui avait été jugé jusqu'alors avec un esprit prévenu devait l'être sans préjugé. Alors la critique s'est élevée, elle a rejeté les discussions de mots pour se livrer à l'examen des pensées : en agrandissant le cercle de ses observations, elle a assigné à chaque peuple le caractère qui le distinguait.

Au dix-neuvième siècle, presque toutes les nations ont senti que leurs richesses devenaient trop considérables pour ne pas être classées, que l'on ne pouvait plus se servir de simples dictionnaires biographiques, et qu'il y avait des réflexions à faire, des analyses à donner, où l'on se contentait d'une vaine nomenclature d'ouvrages. Dans ce changement, M. Ginguené a exercé un grand pouvoir; il a montré surtout comment la littérature marchait avec les événemens politiques. Il a fait

sentir comment l'influence des grands poètes se répand sur leur siècle : son admirable talent, son esprit droit, sa persévérance, ont fait connaître l'étendue de ces génies dont souvent on n'osait entreprendre la lecture, parce qu'il fallait acquérir pour les comprendre trop de connaissances préliminaires. Si la mort eût respecté ce célèbre écrivain, il eût analysé toutes les littératures de l'Europe, et cet immense travail eût été un des plus beaux monumens de l'état des lettres au dix-neuvième siècle.

Alors que la littérature espagnole était plus connue en France que toutes les autres littératures étrangères, celle des Portugais ne l'était nullement. Enfin, l'esprit d'investigation qui caractérise notre siècle donna le désir d'étudier ce peuple extraordinaire, dont chaque effort réalisait un succès; qui ne se signala qu'un instant, mais qui remplit le monde de sa gloire, et que de nobles institutions vont faire briller de nouveau parmi les nations.

Un auteur comparait avec assez de justesse le Portugal littéraire à une de ces îles dont les navigateurs ont vu les côtes, mais

dont on ignore complètement les richesses. Bouterweck a fait les premiers pas, M. de Sismondi l'a suivi; toutefois ils n'ont consacré au Portugal qu'une faible partie de leurs estimables ouvrages; on leur aura toujours l'obligation qu'on a aux premiers explorateurs qui ont vu rapidement, mais qui ont vu les premiers: l'histoire littéraire de Portugal est encore à faire.

En m'occupant de l'ouvrage que j'offre maintenant au public, je me suis convaincu de la nécessité qu'il y aurait à la donner : étonné des richesses qui se présentaient devant moi, il m'est toujours resté le regret de n'en pouvoir faire connaître qu'une faible partie: cette fois il fallait rassembler la plupart des documens nécessaires à une histoire littéraire avant d'en faire le résumé. Obligé de rejeter une foule de détails, devoir sans cesse, sans pouvoir dire ce que je découvrais, il m'est resté la certitude de n'avoir fait sur la littérature portugaise qu'un travail montrant la nécessité d'un ouvrage plus étendu. Le mien peut-être pourra devenir de quelque utilité aux amis des lettres, parce que j'ai toujours puisé aux sources. Quoique les auteurs qui ont écrit pré

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cédemment sur la littérature portugaise n'aient indiqué que quatre périodes, j'en ai formé une de plus; elle se compose des successeurs immédiats de Camoens, et précède la décadence: il m'a semblé qu'elle était fort distincte. Je vais jeter un coup d'œil rapide sur les hommes les plus remarquables qui aient brillé aux diverses époques.

(Première période.) On verra, en parcourant cet ouvrage, combien, dans un faible espace de temps, la littérature portugaise offre de révolutions et de changemens complets dus aux circonstances politiques. Après avoir présenté d'informes essais, elle est encouragée, sous un roi législateur qui lui-même est poète. C'est alors qu'on voit briller ce Lobeyra, auteur d'un roman de chevalerie qui, traduit par le père du Tasse, exerce une si grande influence dans toute l'Italie1. Dès lors la littérature commence à se développer, mais elle est quelque temps sans offrir rien de remarquable, jusqu'à ce que la nature ait créé un poète. Au quin

J'ignorais d'abord cette circonstance rapportée par Couchu; je ne l'ai pas indiquée dans le corps de l'ouvrage.

zième siècle, paraît Bernardin Ribeiro, et c'est en s'adressant au cœur qu'il fait goûter le charme de sa poésie. Doué de la qualité la plus précieuse que puisse avoir un écrivain, il signale une période brillante. Sa mélancolie chevaleresque peint un siècle d'agitation: il est poète sans art, l'art naît après lui.

(2o période.) Au seizième siècle on voit paraître deux législateurs du Parnasse portugais: Sá e Miranda, Antonio Ferreira méritent ce titre. Présentant la réunion des qualités les plus heureuses et les plus brillantes, ils parlent à l'âme et à l'esprit; ils perfectionnent le langage. En méditant sur les anciens, ils introduisent de nouveaux rhythmes; ils rajeunissent d'anciennes idées. L'un, doué d'une sensibilité exquise, d'une naïveté touchante, d'une harmonie admirable, se laisse guider par les anciens, mais s'abandonne à une rêverie qui dénote l'admirateur passionné de la nature, et le sage ami des hommes, qu'il cherche à corriger. L'autre, brillant dans sa poésie, correct, élégant, joint la dignité du langage au charme de la versification; il s'occupe essentiellement des formes du style; on sent qu'il les a méditées. Une

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