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teur qui s'y est montré scrupuleusement fidelle quant à la connaissance qu'il donne des usages, des mœurs, des opinions, des caractères, des localités, s'en est joué avec la plus grande liberté, relativement à la chronologie. Dans son ouvrage, tous les tems se touchent, et sont méme intervertis et confondus. Tous les personnages célebres, ou peut s'en faut, se rencontrent vivans à la même époque, ou se trouvent, à point nommé, sur la route que fait son héros en parcourant rapidement toute la Grèce et une partie de l'Asie. On voit que le cadre dont il a fait choix, est encore celu d'un voyage. C'est celui d'Anacharsts, et c'est le plus commode sans doute, et le mieux approprié pour décrire d'une manière animée les lieux qu'on veut faire connaitre, leurs usages et les mœurs qui y règnent. Un personnage qu'on rend concitoyen de

monument d'histoire de la Grèce. Nous voulons parler de Fouvrage qui a pour titre : The history of Greece, ly William Mitford, dont il n'a encore paru que 3 volumes in-4°., et qui est cependant à la 3me, edition. L'auteur qui y travaille avec autant de zèle que de superiorité, canonce qu'il en fera para te incessamment un 4me. volume, qu'il presume, sans l'assurer positivement, qui sera le dernier. Nous croyons que cet ouvrage fermera la carrière ouve te par Herodote, et que lorsqu'il sera terminé, on aura enfin une histoire de la Grèce qui ne laissera rien à desirer. Nous ajouterons que nous avons connaissance que P'Homme-de-Lettres qui a traduit les Mémoi es de Gibbon, s'occupe de cette interessante traduction, qui n'avance moins dans ses mains que parce qu'il ne peut trouver un libraire qui ose, nous le disons avec honte, qui ose faire une entreprise d'une certaine etendue dans un genre solide et scrieux. Nous pensons que cette crainte, qui, si elle était fondec, nous ferait quelque tort, est un prejuge et une erreur; et que le 1 braire, qui en fesant cette entreprise, s'assurera un on rege de fonds d'un succès assuré et durable, fera à-la-fois une chose utile à notre Litterature et à son

commerce.

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tous les lieux, parle de ce qu'il voit, est acteur dans les scènes qu'il décrit, et vous fait très-agréablement de l'histoire, en n'ayant l'air que de vous raconter la sienne. Il est vrai qu'on a le désavantage de se placer ainsi dans un cercle étroit, et qu'en n'étant même que passablement rigoureux, et fit-on voyager son héros toute sa vie, il semble qu'on ne peut parler que d'un âge d'homme. Cependant il y a quelques ressources contre cet inconvénient, moyen desquelles on acquiert de l'étendue, sans trop choquer la vraisemblance. Un manuscrit ancien, qu'on a trouvé en fouillant une bibliothèque, et dont on fait l'extrait, donne occasion de parler d'aussi loin qu'il plaît, et de retracer des époques qui ne sont pas sur la ligne de vie de l'acteur lui-même. Un monument qu'il rencontre, en est une encore d'amener naturellement l'histoire de l'événement qui y a donné lieu; et de ces rencontres, on peut s'en procurer à volonté. Enfin on trouve aussi des vieillards sur son chemin, et les vieillards, comme on sait, aiment à causer; moyen nouveau et fécond que ce genre comporte pour se donner plus de matière qu'il ne paraît en fournir au premier coup d'œil. En fesant un usage habile, discret, et bien distribué de ces ressources, on voit combien ce cadre peut se prêter et s'étendre, et qu'il ne faut qu'un peu de soin dans la conception du plan, et la distribution des objets, pour tout dire presque , et pour tout amener sans trop d'efforts, ni se mettre dans la nécessité de rendre, en quelque sorte, tous les âges contemporains. Avouons que c'est un peu là ce qu'a fait l'auteur des Voyages d'anténor, et qu'il mérite à cet égard quelques reproches ; qu'on est trop choqué, pour n'en citer qu'un exemple, après avoir assisté aux obsèques de Phocion, au commencement de l'ouvrage, d'être présent, à la fin, à celles d'Aristide, qui durent les préceder de plus de cent ans; circonstance qui ne permettait guère de mettre cette phrase dans sa bouche:

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« Je me rappelle qu'un Roi de Macédoine envoya
cent talens à Phocion....»; disons-lui qu'il a abus de
la liberté dans un genre qui même en permet
coup; et que tout est hâté dans son ouvrage, le panes
et l'exécution. A la vérité il est résulté de ce dé-
faut un avantage précieux; c'est qu'il n'est jamais
froid. Conçu et écrit de verve, ce livre a le grand
mérite d'entraîner, sans jamais le fatiguer, le lecteur,
qui se trouve arrivé à la fin de trois volumes in-8°.
de belle et bonne histoire, à peu près comme si
c'était un roman d'aventures, et une lecture de dé-
lassement.

Nous aurons fait suffisamment la partie d'extrait que requiert cet article, en disant que l'ouvrage dont nous entretenons nos lecteurs, est un extrait luimême, rédigé sous la forme la plus agréable de l'histoire de la Grèce, que tout lecteur connait. Facilement on remettra les choses et les hommes à leur place et à leurs époques, qui y sont un peu tiraillées et tourmentées, comme nous l'avons dit. Mais après avoir lu, nous croyons que beaucoup de personnes avoueront qu'elles n'ont rencontré nulle autre part des détails plus exacis et en plus grand nombre, sur mille objets intéressans et trop disséminés; sur les usages civils et domestiques; les habitudes et même les modes; les sectes des Philosophes, les opinions qui ont eu cours, les personnes qui ont été célébres; les apophthegmes des sages, et les bons mots des beaux esprits. Toutes trouveront du plaisir à la manière dont ces souvenirs leur sont rappelés; et l'épigraphe modeste de l'auteur, Ament meminisse periti! aura ainsi toute son application. Nous disons modeste, en songeant aux deux mots supprimés dans le vers qui l'a fournie, et que rétabliront ceux, en assez grand nombre sans doute qui conviendront qu'ils trouvent dans ce livre à apprendre aussi bien qu'à se rappeler: indocti discant.

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Nous avons dit qu'on lira cet ouvrage comme un

roman; et en effet, il tient autant de ce genre que de celui des voyages. Le héros a une maîtresse, d'un ..caractère même assez singulier, et qui n'est rigoureument ni une honnête fille, ni une courtisanne; ou, si c'est à cette dernière classe qu'elle appartient, il faudra convenir que les courtisannes grecques étaient des filles bien sages. Il est vrai qu'elles nous sont représentées en général, niéme par l'histoire, sous des traits qui nous paraissent singuliers. Ce sont des êtres qui n'ont pas eu leurs analogues ailleurs; un composé assez piquant, ou l'on ne trouve ni la sévérité des mœurs, ni la dépravation. On voit qu'elles ne négligeaient pas plus le soin de l'esprit que celui de la personne. Elles avaient de l'instruction et des graces, de la philosophie et des faiblesses, de la bienséance et de l'abandon; enfin, si l'on peut croire qu'elles se vendaient quelquefois, il parait au moins que ne les achettait pas qui voulait, et qu'il fallait leur plaire pour avoir le droit de les enrichir. On comprend comment un état ainsi exercé ne fut pas avili, et qu'il dút contribuer à répandre une aisance, et même une élégance de mours, qui en effet, caractérisa la Grèce, et qui s'unit toujours à l'idée qu'on s'en forme. Ce n'est pas précisément l'amour; ce n'est pas cette passion tumultueuse, exclusive et tyrannique qui paraît y avoir exercé son empire; c est un autre sentiment, ou si l'on aime mieux une autre sensation, qui a bien quelqu'analogie avec elle: c'est l'attrait naturel, assaisonné de quelques-uns des raffinemens de la société ; l'instinct du plaisir, perfectionné par un instinct de délicatesse et de goût qui l'embellit lui-même; qui n'exclut point le choix, et admet la préférence enfin, c'est la volupté, dont il ne faut pas dire tout ce qu'on pense, par égard pour l'amour qui est en possession de la première place, et par respect pour la sagesse à qui elle est due sur l'un et sur l'autre. L'auteur des Voyages d'Anténor n'a pas manqué de se saisir de ce trait caractéristique des Grecs dans le tableau qu'il en

présente. Il paraît même s'y être plu singulièrement; et comment résister à peindre des couleurs de la volupté, la Grèce voluptueuse; la Grèce, où les courtisannes, telles que nous les avons représentées, étaient presque honorées ; où l'on priait publiquement Vénus dans son temple à Corinthe, de les conserver et d'en augmenter le nombre; où Socrate regardait comme une faveur d'étre admis à la société d'Aspasie; où Fériclès ne s'avilissait pas en l'épousant; où Phriné, accusée du crime d'impiété, accusation si fatale à tant d'hommes, citée devant les juges, pour toute défense, découvre sa gorge, et est renvoyée absoute.

Pour que rien ne manquât aux développemens que l'auteur s'est plu à donner à cette partie intéressante des mœurs de la Grèce, il a associé à Anténor dans ses voyages, un ami, qu'il charge particulièrement de ce doux emploi, Phanor (c'est son nom) est celui qui a dans ce genre les grandes aventures, dont les détails amènent toute l'instruction qu'on peut désirer à cet égard. Au moyen de ce personnage, l'auteur a jeté beaucoup de gaieté dans son ouvrage. Il en a sur-tout tiré un parti très-piquant dans son chapitre de la sévère Sparte, le plus gai du livre et, pour décrire avec exactitude toutes les belles institutions de ce peuple, il fait voler à Phanor une perdrix et un levraut qu'il portait soigneusement sur lui pour se régaler, celui-ci, certes, dérobe bien autre chose à l'accordée de son voleur.

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Il faut voir dans l'ouvrage ces détails et tous les autres, dont nous ne fesons que donner ici une idée, pour engager à les lire à leur place, et sans en rien perdre. Déjà, par ce que nous avons dit, on peut assez bien juger de son objet, de sa nature, et du ton qui y règne en général. En estimant qu'on peut le regarder comme un Anacharsis de boudoir, on se trompera de peu; cependant, on doit dire qu'il peut passer au salon sans y être déplacé, comme celui de l'abbé Barthélemi, du salon, qui est sa place natu

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