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« Chevaliers, dist le roy, il n'ira mie enssy;
Elle m'amendera celle parolle-chy:
115 Avoec lui koucherai, pour voir le vous plévi ;
Mais ce sera afin que, diray sans détri,

Che sera ma moullier, je serai son mari. »

Dist ly roys Orians, à le chière hardie :
<«< Damoisielle plaisans et de biauté garnie,
120 Dès ichy en avant par amours je vous prie

Que soyés ma moullier car vous iestes m'amie. >>
Sire, dist la pucielle, bien seroie esragie

S'aloie refusant si bielle compagnie :

Vous iestes mon seigneur en haulte seignourie.
125 Se donner me voliés et mettre en la baillie

D'un de vos chevaliers de la mendre lignie,
Si convenroit de droit que je fusse otrye.

115 Le vous pléri, je vous le garantis.

116 Sans détri, sans détour.

118 A le chiere hardie, expression qu'on retrouve à chaque instant dans les chansons de geste. Elle signifie à la mine hardie.

122 Seroie, j'alloie, forme ancienne de l'imparfait et du conditionnel pour je serois, j'allois. Esragie, forcenée, hors de sens (enragée).

125 Baillie, garde, tutelle.

126 Mendre, moindre. Remarque à faire relativement au droit du suzerain sur ses vassales : C'est peut-être d'après ces anciennes idées de puissance féodale que Philippe-le-Bon et son successeur se permettaient de certains actes qui au siècle de J. Du Clercq passaient néanmoins Pour de criants abus : « .... En ce temps, dit-il, par tout le pays du duc de Bourgogne, sitost qu'il advenoit que aulcuns marchands, labouriers et aulcune fois bourgeois d'une bonne ville ou officiers trespassoit de ce siècle, qui fust riche, et il délaissast sa femme riche; Lantost ledit duc, son fils et aultres de ses pays, vouloient marier lesdites vefves à leurs archiers ou aultres leurs serviteurs, et falloit

TOM. I.

» que lesdites vefves, sy elles se vouloient ma

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rier, qu'elles espousissent ceulx que leurs

» sieurs leur voulloient bailler, ou feissent tant »> par argent, au moins tant à ceux qui les » vouloient avoir comme à ceulx qui gouver>> noient les sieurs, et aulcunes fois aux sieurs >> mesmes, que ils souffrissent qu'elles se ma» riassent à leur gré, et encoires estoient-elles » les plus heureuses qui, par forche d'amis et d'argent, en pouvoient estre deslivrées; car, » le plus souvent, volsissent ou non, sy elles se voulloient marier, il falloit qu'elles prenissent ceulx que les sieurs leur voulloient bail»lier. Et pareillement, quant ung homme estoit riche et il avoit une fille à marier, s'il ne >> la marioit bien josne, il estoit travaillé comme » dit est ci-dessus. » Mémoires, 2o édit., 1855, tome Ier, page 81, tome II, page 245. Il ne faut pas perdre de vue que Du Clercq ne parle pas des femmes nobles. Cf. Raepsaet, OEuvres, V, pages 36, 313.

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127 Convenroit, conviendrait, voir vers 106. Fusse otrye, sans élision.

2

Hélyas, fils d'Oriant.

Fol. 3 ro.

Je sui à voz commant, soit à mort u à vie. »>
Lors l'a pris par le main li roys par courtoisie,
130 Et s'a promist à la bielle : « Je vous affie

C'autre moullier n'aray tant que soyés en vie. »
Et la bielle respont : « Biaus sire, je le otrie,
Je sui à vo commant soit pour mort u pour vie. >>
Elaes! que ceste amour fu bien tos départie
135 Par la mère du roy, dont elle fu haïe,
Matabrune, qui puis en fu arse et bruie
Par le boin Hélyas et sa chevalerie.

Le Chevalier au Chine, à le chière hardie,
Vint de ceste rachine et de cheste lingnie,
140 Godefroy de Buillon qui conquesta Surie,
Witasse et Bauduin qui tant ot de seignourie,
Ensi
que vous orés en l'istore jolie.

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133 Je sui, etc., répétition du vers 128 sauf que vo remplace voz, et qu'au lieu de à mort et à vie il y a pour mort eɩ pour vie.

134 Elaes! hélas ! L'ae pour rendre un a long semble trahir une plume flamande. V. vers 246 et 385. Départie, éteinte; joli mot qui rappelle une chanson attribuée à Henri IV.

156 Bruie, même sens que arse, réduite en cendres.

159 Ceste et cheste, les deux prononciations dans le même vers. On n'ose dire que cette différence a été observée dans la vue d'éviter la monotonie.

141 Bauduin n'a que deux syllabes. 145 A l'entrée; le manuscrit porte à l'entre, faute qui laisse la mesure incomplète.

Le choix du printemps ou de l'été, comme époque, est familier aux trouvères, et la description de ces saisons est un de leurs lieux communs préférés. Notre Adenès débute ainsi en racontant les touchantes aventures de Berte aus grans piés :

A l'issue d'avril, un temps dous et joli,
Que erbelete poignent et pré sont raverdi
Et arbrissel désirent qu'il fussent parfleuri.....

Le bon roi René, assez sage pour se consoler dans la culture des lettres de la perte de ses couronnes, donne ces vers pour exorde à son conte de Regnault et Jehanneton:

Vers my-avril, ou temps que la verdeur
Jà apparoist, commençant par doulceur
Du renouveau issir la fueille et fleur
En boutonnant, de laquelle l'odeur
Fait devenir l'air serain trop meilleur

Que ly arbre sont vert, joli et florissant,
145 Et li dous lossegnos va doucement cantant;
En itel temps, seigneur, enmena Oriant
La pucielle avoec li à Lillefort le grant :
Matabrune, la vielle, li vint à son devant.
Quant ly roys le cosy, se li dist en riant:
150 « Dame mère, dist-il, allés joie menant,

J'ay trouvé la plus bielle en ce siècle vivant
Et gentil damoisielle, noble tierre tenant;
J'en feray ma moullier, je lui ay couvenant. »

<«< Biaux fieux, dist Matabrune, bien te voy ignorent ;
155 Vous éuissiés éut la fille au roy Morghant,
Et le royalme oussy, et trestout l'apendant.

Qu'il n'a esté par la dure froideur,
Que le soleil a si fort combatue, etc.

Le comte DE QUATREBARBES, OEuvres
complètes du roi René. Paris, 1844,
gr. in-4o, II, 107.

Alain Chartier, qui allait fermer l'ère des vieux trouvères, commence par ces rimes le débat de deux grans amis :

Au commancement de l'esté,
Ainsy que le temps renouvelle,
Après que l'iver a esté

Et la saison si devient belle.....

Le Débat du cœur et de l'œil, publié en anglais par Warton, mais dont l'original est français et a été mis au jour par M. Th. Wright, offre un exorde analogue:

In the fyrst weke of the season of maye,
Whan that the wodes be covered in grene, etc.

C'est à peu près le

Vere novo, zephyris tepentibus austris,

de l'antiquité classique, sauf l'élégance et la Précision. Voyez notre notice dans le tome IX, no3, des Bulletins de l'académie de Bruxelles.

145 Lossegnos est plus près que rossignol du mot luscinia, dont il dérive. La substitution de

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rà et réciproquement de là r se remarque
dans le développement de la langue romane.
Par exemple le Roman de la violette donne auto-
lisiés pour autorisé, page 1, édit. de M. Fr. Mi-

chel.

146 Seigneur; le trouvère s'adresse de nouveau à ses auditeurs.

149 Le cosy, le au féminin.

155 Je lui ay couvenant; dans le MS le copiste a mis par distraction: J'ay lui ay couvenant. 134 Ignorent pour ignorant.

155 Morghant. Le nom de ce roi rappelle celui d'une fée célèbre (Ph. Mouskes, II, INTRODUCTION, CXXXVIII). Le chevalier de Fréminville (Antiquités de la Bretagne, Côtes du Nord. Brest, 1837, in-8°, pages 23-25) croit que Morgain était une de ces druidesses auxquelles le peuple attribuait une puissance surnaturelle. L'île d'Avalon (l'ile des Pommes, en celto-breton) était son séjour favori. Son nom, dit-il, est une altération de Morg-wen, écume de la mer, comme celui de Merlusine est mor-lusein, vapeur de mer, et celui de Vénus A'ppodity, écume. Il trouve la plus grande analogie entre Morgain et Merlusine, mais on comprend que tous ces rapprochements doivent cesser à l'égard du roi Morghant. 156 Oussy, aussi, wall. Hecart, Dict., p. 331.

Matabrune.

Le roi Morghant.

Méchant dessein de Matabrune.

Fol. 3 vo.

Mariage d'Oriant et de
Béatrix.

« Dame, che dist li roys, je ne l'aroy noient;
Car oncques ne l'amay, en jour de mon vivant :
Si fait ne si estat ne sont mie plaissant ;

160 Et qui n'a sa plaisance, il a petit vaillant. »

«Dame, ce dist li roys, or le voel tant amer,
Que demain au matin le volroy espouser :
Ceste me plaist sy bien que je ne puis durer. >>

<«< Biaus filz, dist Matabrune, tout çou laissiés ester.
165 Point n'est contre vous, je le vous dy au cler. »
Ainsi le va disant et le voet destourbler.
Puis visa en son cuer et prist ymaginer
Que la dame fera à male mort livrer.

Ly roys fist faire joie quant ce vint au souper,
170 Et a fait la pucielle Béatris honnourer,

Com la pluis souffisant que on péuist trouver.
Toute nuit fist li rois dansser et caroler;
Et l'endemain, au point de l'ajourner
Béatris la pucielle a volut espouser.

175 Ne scay que vous volsisse lonc conte démener;
Bielles noeches fist-on, de chou n'ester,

Et de maint instrument y véist-on juer.

Et on leur fist oussy mult de biaus dras donner;
Noble fuirent li més qu'il orent au digner.

L'apendant, tout ce qui en dépend, toutes les
dépendances.

159 Si, ses; plaissant pour plaisant.
161 Le au féminin a déjà été remarqué.
165 Ceste, sans substantif, tournure dont on
doit regretter l'abolition.

164 Tout çou, tout cela.

165 Point n'est contre vous. Il manque une
syllabe à cet hémistiche. Peut-être faut-il lire:
Ce poins est contre vous, je le vous dy au cler.
167 Pristymaginer, se dit à elle-même que...,
conçut le dessein de....

172 Caroler, voy. plus bas.

173 Et l'endemain, vers aussi trop court. On pourrait le corriger ainsi :

Et l'endemain venu, au point de l'ajourner.

Ajourner, faire jour.

175 Volsisse, voulussiez.

176 Bielles noeches, etc. Le vers, mutilé dans le manuscrit, redevient clair et complet par ce léger changement :

Bielles noeches fist-on, de chou ne voel ester.

179 Noble, le manuscrit porte roble, faute manifeste du copiste.

observée

180 Mainte jolie dame y véist-on parer,
La nouvielle royne aloient saluer,

185

Et elle les savoit très-bien honnourer :
Car le boin cuer se met à elle endoctriner,
Mieus que tous les consaus c'on lui saroit donner.

Seigneur, à cheli jour que li rois espoussa,
Matabrune, la vielle, joie n'y démena :
Che furent faussetés, se samblans en monstra.
Jhésucris le congfonge, qui nous fist et créa,
Car par la fausseté qui son cuer doctrina,
190 Le roy et la royne de joie sépara.
XVI ans tous accomplis li hayne dura,
Ainsi

que vous orés quant li poins en venra.
Ly roys, quant vint la nuit, avoec sa dame ala,
Et en celle nuittié li roys engenra

195 Une fille et vj fieux, de tant en délivra.

Lendemain au matin joie recommencha :
La fieste fu moult bielle et longuement dura.
Après ung pau de temps que la dame engrossa,
Li roys en fu moult liés, quant il le supposa.
200 Savint que la royne à
ung jour s'apoïa

As feniestres royaus, et ly roys l'aprocha ;
Qui de parfaite amour et certaine l'ama ;
Ly roys par bonne amour à la dame parla ;
Adoncques la royne cosi et regarda ;
205 Une dame a véue qui ij enfans porta

Baptisier au moustier, ensi qu'elle penssa;
Dist la royne I mot que depuis achata.

182 Et elle les savoit, pour que la mesure fût
il faudrait compter bien pour deux
ce qui n'était pas d'usage.

syllabes

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- се

183 Seigneur, nouvelle apostrophe aux audi

teurs; espoussa pour espousa.

188 Congfonge, confonde.

189 Doctrina,

triner. Voy.

nous n'avons plus qu'endocvers 185.

194 Li roys engenra, lisons pour la mesure :
Li roys li engenra.

200 S'apoïa, s'appuya.
204 Cosi, plus haut cosy.
206 Moustier, église.

207 Achata, expia, paya cher.

Béatrix devient mère.

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