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de Perse. Il y a en après, en ce mesmes empire, des Jacobites, ainsi nommez d'un hérèse' qu'on appel'loit Jacob, et des Nestoriens, selon leurs démérites, nommez de Fol. 12 vo. Nestorius samblablement hérèse comme ledict Jacob. Item en tirant vers midi, il y a une assés grande isle en la mer de Inde, où les gens tiennent la circumcision et le baptesme. Et de dire comment je vins en ceste isle, de la condition des habitans, de leurs meurs, de leur manière de vivre, de leurs costumes, de leurs lois et de leur estrange manière de seignourie, s'il faisoit à nostre propos, les auditeurs les orroient voulentiers. Et en alant plus oultre envers Midi, y demeurent les Éthiopiens chrétiens, qui sont gens puissans et de grande estature, et pour leur multitude et le large payz qu'ilz tiennent, ilz font ung royaume que on apppelle Nubie, lequel confronte à Égypte, et a eu leur roy aucune fois victoire et triumphe du souldan de Babilonne. Ces gens ont une prophécie qu'ilz ysseront quelquefois hors les montaignes d'Égypte, qui les encloënt et destruiront les Égyptiens et les Arabes : ils prendront la Mecke et l'abateront; ilz despéchieront le sépulcre de Machommet, le faulx et maudit prophète, et brûleront son corps. Et, quant à nostre propos, il souffist avoir motif pour faire ledict passage, que une si grande multitude de pueple soit ostée hors de ses erreurs, et réduite à la congnoissance de vérité et de la foy, ainsi que autreffois ilz ont esté réduitz, comme nous lisons, lorsque la vérité et la bonne doctrine de la foy flourissoient ès parties de Orient.

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DU QUART MOTIF POUR FAIRE LE PASSAGE D'OULTRE-MER JUSQUES EN LA

TERRE SAINTE.

Le quart motif pour faire le passage d'oultre-mer, est le désir qui doibt estre ès Fol. 13 ro. cuers des chrétiens de recouvrer la très-sainte terre, qui est désignée une partie de nostre héritage, qui a esté désirée des sains prophètes, et promise et donnée à eulx et à nous, et qui a esté possessée de leurs enfans. Sur laquelle terre nous lisons que les cieulz ont esté ouvers souvent, et que les engèles de paradis y ont descendu pluseurs fois, et que maintz secrez de Dieu y ont esté démonstrez aux hommes en tous les temps: c'est assavoir ou temps de la loy de nature, d'escripture et ou temps de grâce aussi, tant qu'il sambloit que ce ne fust autre chose, fors la maison de Dieu et la vraie porte du ciel, de laquelle sont yssus à bon salut les roys géniteurs de Nostre Seigneur selon la char, et les prophètes messagers de nostre foy. En laquelle aussi ont esté démonstrez pluseurs respons divins, maintes visions, pluseurs signes et diverses figures qui

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Fol. 13 vo

Fol. 14 ro.

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prénunçoient véritablement la certaineté de nostre élection et réparation; et laquelle Dieu mesme a eslevée, honnourée et consacrée, affin que son fil Dieu y prinst char humaine, et que Dieu homme nasquist merveilleusement d'une vierge, affin que illec Dieu fait homme, se voulsist démontrer sur la terre, et converser avec les hommes ; affin aussi que Dieu le père fust illec ouy par sa voix, Dieu le fil fust manié et touchié des gens et baptisié dedens le fleuve de Jourdain, et que le benoît saint Esperit y fust veu en l'espèce de coulon ; et ainsi par la fréquentation des angèles, par la présence de la Trinité, ce samblast aucunement ung autre paradis; affin aussi que Jhésucrist y baillast exemples salutaires, il y enseignast les choses divines et merveilleuses et y démonstrast pluseurs miracles inusitez et de grant esbahissement, et que ou milieu de la terre il ouvrast nostre salut, et, là, nous fust osté l'oprobre de nostre servitude, et là fust payée la raençon de nostre rédemption; laquelle terre finablement receut en soy Nostre-Seigneur Jhésucrist et le garda l'espace de iij jours, tandis qu'il descendi aux enfers rompre les portes d'arain et les verrouls de fer; et là destruit-il la puissance du diable, et en délivra les sains hommes qu'il avoit longuement tenu prisonniers léans : laquelle terre aussi démonstra et rendi vif Nostre-Seigneur accompaignié d'une belle compaignie des sains pères, qui l'avoient prophétisié de bouche, représenté par figures et creu fermement; en laquelle il conversa encoires par l'espace de XL jours après sa glorieuse résurection, et souventeffois bailla sa présence à ses disciples et se laissa manier; et avec celle mesmes char qu'il avoit vraiement prinse de sa vierge mère et receu mort et passion en l'arbre de la croix, se monstra estre résuscité véritablement et l'approuva par pluseurs et divers argumens. Ceste sainte terre a aussi engendré les apostoles de Jhésucrist, les évvangélistes et ses disciples, affin qu'ilz fussent tesmoingz de tout quanques Nostre-Seigneur a fait, en y antrant et demourant et en yssant, et fussent recteurs et gouverneurs de la nouvelle église, docteurs et enseigneurs de la foy et salut nouvelle, et de laquelle aussi Jhésucrist mesmes, seigneur de la terre et d'enfer, a monté ès cieulx et a colloquié à la dextre de son père la substance de nostre char, en nous démonstrant le cler chemin par lequel les membres doivent ensieuvir le chief, et sur laquelle terre le benoit saint Esperit est descendu en fourme de langues de feu, et par ung son très-soudain, il a enluminé, enseignié et confermé les cuers de ceulx qui croient en lui; sur laquelle aussi Jhésucrist mesmes doibt venir de rechief, pour ouyr les causes de toutes gens, et là vendront finablement tous les hommes qui ont esté par ci-devant, qui sont maintenant et qui seront ci-après, pour rendre compte et raison de tous leurs fais bons et mauvais, et en avoir rétribution juste et égale. Mais s'il est nul qui pense et pleure en considérant de quelz gens est maintenant occupé et possessé cestui nostre propre héritage, certes c'est de gens sans Dieu, sans foy,

1 Coulon, colombe. Ph. Mouskes, v. 24742, 25619.

sans loy, sans alliance et sans miséricorde, qui sont hommes vilz et ors et ennemis de toute vérité, pureté, bonté et justice, adversaires de la croix, blasphémeurs de Dieu, persécuteurs du nom chrétien, abuseurs de leurs femmes espousées, coucheurs avec jeunes enfans mascles, oppresseurs de bestes brutes, subvertissans nature, destruiseurs de meurs et de vertus, trébuchans en vices et énormes péchiez, comme instrumens du diable, vaisseaulx de Lucifer, temples de mauvaistié, habitation de Sathan gardez au jugement de vengance et députez à l'embrasement de l'éternèle dampnation; lesquelz ont viles pensées, la char orde, la vie détestable, paroles abhominables, conversation contagieuse et toute leur voulenté et intention abandonnée à charnalité et plongié en volupté désordonnée: telz sont ceulx qui nous ont bouté hors des dessusdictes régions du monde; et nous ont déchacié en ce petit anglet de terre moult estroit, à la vergongne et opprobre de nous et de nostre foy; telz sont ceulx qui ont désolé la maison de Dieu et possessent la sainte cité mère de nostre foy et qui ordoient les sains lieux consacrez et bénéiz, et telz sont ceulx qui ont espandu le sang des chrétiens à l'entour de Jhérusalem et ont baillié aux bestes de la terre la tendre char des sains de Jhésucrist et ont abandonné les corps mortz des martirs aux oiseaulx du ciel. Certes, ilz sont soub'tilz à mal faire, ignorans tout bien et n'ont en eulx nulle preu- Fol. 14 vo. dommie, ains n'ont prudence senon en mal; et pour ce, mon souverain seigneur, que Dieu vostre Dieu vous a enoint de l'uile de liesse devant tous les nobles de vostre hostel et devant tous les roys chrétiens voz compaignons, pour ce que vous avez hay iniquité et avez amé justice; chaingniez-vous très-puissamment de vostre espée sur vostre cuisse, et alez avant : car l'angèle qui fu promis à Moyse vous précédera à conquester royaumes, et la protection de cest angèle mesmes vous gardera et deffendera tousjours, et la verge de prudence et de vérité, c'est assavoir la verge de vostre justice et équité, frapera et vaincra le duc Moab, et voz trenchans saiettes trespercheront les cuers de voz ennemis, et les grans ostz trébuscheront soubs vous! Oyés doncques révéranment le Saint Esprit comme vostre moniteur; recevez-le seurement comme vostre prometteur; retenez-le constamment comme vostre directeur, et sans nul doubte vous l'aurez deffenseur à vostre grant bien et prouffit.

Cy fine la première partie de ce premier livre.

Cy commence la seconde, qui est de V préambules qu'on doit ordonner avant

ledit passage.

LE PREMIER PRÉAMBULE et première ordonnance qu'on doit faire avant le passage, 31

TOM. I.

* Fol. 15 r.

Fol 15 vo

c'est de invoquier l'ayde et conseil de Nostre-Seigneur Dieu, de qui se traitte proprement le fait en ceste partie. C'est assavoir qu'on ordonne par toutes les églises du monde à faire oroisons et prières, affin que par les continuèles intercessions et requestes de dévotes personnes, cellui à qui pou de chose est vaincre beaucoup, enlumine les cuers dévotz du roy et des siens, conferme leur bonne voulenté et saint propos par l'infusion du bénoit saint Esperit, euvre leurs sens pour véoir ce qui fait à eslire en choses doubteuses, et ce qui fait à exécuter ès choses patentes, les adréche à la voye de salut, leur baille ayde en adversité, prospérité en batailles et la couronne en triumphes finablement en toute joie et léesse, montons en Jhérusalem, qui est la cité de Dieu, affin de confesser son nom glorieux et au lieu où ses piez ont arresté; que nous aourons plus dévotement, et puissons illec faire voix de loënge. Certes, l'assiduèle oroison d'un homme juste vault moult, car elle noya jadis en la Rouge Mer le roy Pharaon, ses chariotz et son ost, lorsqu'il vouloit oster aux enfans d'Israël le chemin de la terre de promission! Tandis aussi que le roy Ezéchias faisoit ses oroisons, l'angèle de Nostre-Seigneur abati les chasteaulx des Assiriens, et y tua plus de cent et iiij mil personnes. Elle destruisi aussi en ung moment les Ihériconites détenteurs de l'éritage des enfans d'Israël et subverti leur cité forte et puissante. Nichanor aussi jadis grand ennemi des Juifz, entrementes que les prestres faisoient leurs oroisons à Dieu, fu du tout craventé et son ost aussi, tèlement qu'il n'y demoura oncques homme qui en raportast nouvèles aux autres. Judas Machabeus faisant ses oroisons avant ce qu'il entrast en bataille, obtenoit toujours victoire sur ses ennemis; mais on list qu'il perdi une fois une bataille, pour ce qu'il n'avoit point fait par avant son oroison. Et Théodosius le jeune suppédita 2 les Grecz et pluseurs autres nations d'Orient, non pas tant seulement par force d'armes et puissance de gens, ains plus par religion, par dévotion et par oroisons, duquel l'oroison fu de si évidente vertu que par icelle il vainqui plus d'ennemis qu'il ne fist par armes : car il mist à mort Eugène et délivra la chose publique de la tirannie que on lui faisoit.

DU SECOND PRÉAMBULE QU'ON DOIT ORDONNER AVANT LE PASSAGE.

Le second préambule est que ceulx qui vouldront acomplir cestui tant saint voyage, se aprestent diligamment quant à deux choses. La première est qu'ilz corrigent et amendent leur vie, et de là en avant se disposent de mieulx en mieulx. Certes NostreSeigneur ne vuelt point donner ses saintes choses aux chiens, ne celle précieuse mar

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guerite' qu'il a acheté par le pris de sa douloureuse mort, c'est assavoir la sainte terre qu'il a eslevé pardessus tous les pays du monde, ne le vuelt point jetter devant les pourceaulx. Nous avons ceci expressément du pueple d'Israël que Nostre-Seigneur avoit puissamment mené hors d'Egipte, car de vr iij combatans, sans compter femmes et enfans dont il y avoit très-grant multitude, il y en eut tant seulement deux qui rentrèrent en la sainte terre jadis promise à leurs pères, et tous les autres périrent ou désert comme rebelles et incrédules, en tèle manière que Moyses mesmes, qui n'avoit semblable en tout le pays, n'y peut entrer, pour ce qu'il n'avoit donné honneur ne gloire à Dieu, aux eaues de contradiction. Josué aussi, par le commandement de Nostre-Seigneur, enjoigni que le pueple fust circumcis et saintefié ainçois qu'il entrast en la terre de promis'sion, afin que nulz, senon sains, ne possessassent ung tel sain- * Fol. 16 ro. tuaire; et puisqu'ilz entrèrent en ladicte terre à tout signes et miracles merveilleux, et y eurent demouré moult longuement, chacun en la portion qui lui fu distribuée par sort, toutes les fois qu'ilz relenquissoient la loy de Dieu, il permettoit qu'ilz fussent autant de fois molestez et réduitz soubz la servitude de leurs ennemis, comme il appert ès temps des juges et des roys. Finablement, par continuer en péchiez, ils provoquèrent Nostre-Seigneur à si grande ire qu'ilz se rendirent indignes de plus jouir d'un tant saint héritage. Pour ceste cause les bailla Dieu à pugnir aux Babiloniens, aux Égiptiens, aux Assiriens et aux Romains; les expardi en extrême servitude par l'universel monde. Si advint que Salmanazar, roy des Assiriens, qui de celle terre sainte tira le pueple pécheur, encontre lesdicts Assiriens mist au royaume de Samarie des estrangers en lieu des enfans d'Israël; et comme ils ne cremissent point Nostre-Seigneur, il leur envoya des lyons qui dévourèrent tout ce pueple, et le molestèrent plus pour ce qu'ilz ignorèrent la propriété d'icelle terre. Affin doncques que nous ne nous eslongons plus loingz, garissons nostre propre maladie par noz voisins, recongnoissons noz faultes; et, tant que nous povons, y mettons remède: car se nous advisons bien depuis le temps que la malice des Sarrasins commença, il y a environ passez viie ans. Et quant à moy, j'ay commencié à l'an vie xxxix, du temps que Jhérusalem fu prinse par Humaire 2, disciple et compaignon du faulx prophète Machommet, et que l'empereur Eracle ocupoit tout Orient, et le tindrent iiije Ix ans, c'est assavoir jusques au temps de Pierre l'ermite, que elle fu prinse par noz gens, l'an mil iiij xix; et en joïrent les nostres tant seulement iiij** et viij ans, et puis elle fu prinse de rechief Fol. 16 vo. par les Sarrasins l'an mil e iiij et vij, qui la tiennent jusques aujourd'huy. Et ainsi en venant du premier jusques au dernier, depuis vijc ans que la pestilence des Sarrasins vint avant, Jhérusalem a esté ocupée d'eulx presque les vjc ans, et noz gens l'ont eue seulement par l'espace de iiij et viij ans, comme dit est; durant lequel temps

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