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garder d'eulx lorsqu'ilz font plus de service et baillent plus d'onneur, et les avoir plus suspectz comme ennemis. Ilz font ceci affin qu'ilz décèvent ceulx qu'ils asseurent et les prengnent impourveus; et ceulx qu'ilz treuvent les plus soubtilz et les plus malicieux et qu'ilz voient trouver les plus belles et plus prestes mençonges et les mieulx sachans déduire une faulseté, à la fin que on prétend, ce sont ceulx qu'ilz eslièvent et loent souverainement, les honneurent, les promeuvent et exauchent. Si vous gardés doncques, mon souverain seigneur, que vous ne convinez point le feu en vostre sain, que vous n'ayez nul ennemi en vostre pis et que vous ne nourrissiez nul escorpion ou serpent en vostre géron.

1

LA SECONDE RAISON.

Fol. 34 v.

La seconde raison est, car jà soit ce qu'ilz participent avec les Orientaulx ès choses dessusdictes, toutesfois chacun d'eulz est de la maison la plus trayteuse de tout Orient et Septentrion. L'empereur des Grecz qui vit ad présent est extrait d'une lignie que on dist des Paléologiens 2, ainsi dénommée d'un qui premièrement ot nom Paléologus, duquel sont descendus tous ceulx de ce nom. Cestui Paléologus, pour les traysons qu'il avoit forfait encontre son seigneur, fu jadis prins et privé de tous ses biens et de l'ordre de chevalerie aussi; et de sa lignie fu né Paléologus, attave, c'est-à-dire grant père du tayon de cestui qui maintenant tient l'empire des Grecz, lequel Paléologus, après ce qu'il eut perpétré maintes maudittes traysons, débouta le roy Philippe, fil de Baudouin le second, et père de madame Katherine, espeuse de monseigneur vostre père, qui avoit pris à sa femme une fille de Charles le premier, roy de Sécile, et le déchaça hors de son royaume, lequel il usurpa à soy et se y bouta témérairement; puis après, ce mesmes Paléologus doubtant et crémant que pour ce qu'il avoit moult offensé le roy de France par l'expulsion dudit Phelippe hors de son royaume, et que, tant lui comme son père, estoient extrais de la maison de France, affin que son empire ne lui fust osté par monseigneur Charles premier, roy de Sécile, qui lors avoit fait grant appareil pour ce fère, se converti à trouver cautèles et fallaces: car, d'une part, il dist qu'il se vouloit soubmettre à l'église de Romme et recevoir et garder sa foy. Pour ceste cause, il envoia ses messagiers au saint concile qui estoit à Lion sur le Rosne. D'autre part il induit monseigneur Piètre, roy d'Arragon, par lui baillant grant somme de deniers, qu'il occupast Sécile, tandis que ledict Charles se rébelloit contre lui; et par ainsi il destourberoit que ledict roy Charles n'assauldroit point son empire; laquelle chose fu ainsi fette

1 Pis (pectus), sein.

* Voyez Du Cange, Familiae Byzantinae, pp. 230 et suivantes. Ces accusations de trahison et d'usurpation que le bon moine prodigue aux Paléologues, ne doivent pas être prises à la lettre, quoique l'histoire du Bas-Empire ne soit guère qu'une succession d'usurpations et de crimes.

et accomplie, comme le tesmoigne véritablement le jour présent. Andronicus, fil de cestui Paléologus, tayon de cest empereur dont nous faisons maintenant mention, ne passa pas le cours de sa vie mortele sans fère pluseurs trahysons et mauvaistiez. Certes tantost que son père fu mort, le meschant sacrilège perdu et séduit fut encliné par le Fol. 35 ro. clergié et les moynes qui vouldrent assentir à sa coronation, à fère v seremens sacrilèges, faulx et desloyaulx. Le premier sèrement fu qu'il ne receveroit jamais la foy de l'église de Romme, ains le excommunieroit et tous ceulx qui lui sont adhérens, et les maudiroit perdurablement à tousjours. Le ij sèrement fu qu'il ne délairoit jamais la loy grégoise, et ne lui contrediroit de parolle ne de fait en riens qui fust. Le tiers sèrement fu, pour ce que son père avoit obéy à l'église de Romme et estoit mort en la foy catholique, qu'il le maudist, et, en l'excommuniant perpétuèlement, qu'il le obligast à malédiction éternele. Le iiije sèrement fu que, en détestation de la foy et de l'église rommaine, qu'il ne souffreroit jamais que son père fust enseveli. Le ve sèrement fu, pour ce que son père avoit respandu grant quantité de sang de moynes ad cause de ce qu'ilz se enforçoient d'empescher la dessusdicte union avec l'église de Romme, que jamais par lui ne par autrui il ne pronunçast jugement de mort ou de sang. Certes cest empereur garda toudis ces sèremens si estroittement et en tant grande persévérance que, jusques aujourd'huy, par lui n'en fu faitte nulle dispensation. Mais quant il se trouva paisible et ferme en son empire, jà soit ce qu'il ne respandist point de sang, comme il l'avoit juré et promis, toutefois il se abandonna expressément à autres manières de crudélité tirannique contre ceulx de son propre hostel. Car à ung sien frère mesme il creva les ij yeulx, et il fist l'autre morir de faim en chartre. Il fist aussi morir en prison une sienne suer, et tous ceulx de son lignage il les banni ou emprisonna, ne Fol. 35 vo. il ne permist onques que nul des dessu-dicts descendist ès enfers en paix de courage.

LA IIJ RAISON.

La iij raison est, car cestui qui à présent obtient l'empire de Grèce se nomme Andronicus 1, né et nourri en une maison si trahyteuse que nul autre plus, et a esté instruit par les obliquitez de ses parens hors de vérité et de justice, et se démonstre par ses males euvres le possesser par droit de héritage, affin qu'il soit veu en sa maison, de tant qu'il est plus loingtain en lignage, qu'il soit d'autant pieur, et, affin que de pluseurs choses j'en die ung pou, lui-mesmes tua de sa propre main son seul propre frère utérin, il déposa aussi son tayon Andronicus dessusdict qui l'avoit allevé et nourri come son père, et le bouta hors de son empire; puis le mist par force en ung monastère, et,

1 Andronic III, dit le Jeune, fils de Michel et petit-fils et successeur d'Andronic II, dit le Vieux, couronné le 2 février 1325, mourut le 15 juin 1361, âgé de 45 ans, après en avoir régné 20. Du Cange, Familiae Byzantinae, pp. 236-37, et l'Art de vérifier les dates, édit. in-8, t. IV, 323.

TOM. I.

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nonobstant qu'il résistast à l'encontre, le fist léans moyne où il vit en grant douleur et misère, telement que par force de plourer il est avugle 1; et jà soit ce que lui mauvais viellars eust bien déservi, tout ceci toutesfois il ne excuse point le jeune acteur de sa maudite trahison. Et ce vous souffise de l'empereur de Grèce.

Fol. 36 r.

Fol. 36 v.

S'ENSIEUT DU ROY DE RASSIE 2.

Certes, je ne sçay que je doy dire du roy de Rassie, pour ce qu'il n'a nul droit en ycellui royaume ne raison aussi, car il est noté et divulguié d'une samblable coulpe de infidélité, de trahison et de tyrannie, come est de l'empereur de Grèce, et infâme par une chaîne de péchiez qui se extent depuis ses ancestres jusques à lui; laquelle se accroist continuèlement en lui et augmente de mal en pis. Et pour déclairier ceci, il faut savoir qu'il y eut jadis ung roi de Rassie nommé Estienne : cestui ot ij filz, dont l'un fut appellé Estienne et l'autre Urose. Après la mort du roy Estienne, père de ces ij enfans-ci, Urose se drécha contre son frère Estienne, jà fait roy de Rassie; mais il advint que en champ de bataille ledict Urose fu vaincu; mais, depuis, ledict Estienne ayant mercy du sang de son frère, le reçut en pitié, et de son bon gré dévisa le royaume avec son frère Urose. Cestui Estienne prit à femme la fille du roy de Honguerie, nommée Katherine, suer de madame Marie, de bonne récordation, royne de Sicile et de Honguerie, qui fu mère de madame vostre mère. De ceste dame Katherine engendra ledict Estienne j fil qui ot nom Vlatislaus; lequel il laissa à sa mort héritier de la partie du royaume qu'il avoit retenu, par tele condition que Urose recongnoistroit soy tenir l'autre partie du royaume dudict Vlatislaus, son nepveu: si le print comme son vassal. Mais ledict Urose, après la mort dudict Estienne, fist guerre contre Vlatislaus son nepveu; si le prist et lui osta sa part du royaume; si le mist en prison dont il ne peut oncques estre délivré, tant que ledict Urose vesquist. Cestui Urose prist à femme madame Elisabeth, suer de madame vostre taye, laquelle il répudia, et, elle encoires vivant, il espousa la fille de l'empereur de Grèce qui lors estoit, c'est assavoir la suer de cestui qui est maintenant empereur 3. Or n'eut-il oncques enfant de ces ij femmes

Il prit l'habit monastique sous le nom d'Antoine, et vécut ainsi trois ans et neuf mois, étant mort le 13 février 1332, à l'âge de 74 ans.

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P. 270. Reges Dalmatiae et Serviae, secundum Constantinum Porphyrogenetum.

P. 273. Priorum Dalmatiae et Serviae regum ac principum series altera.

P. 294. Familia Vacascini, regis Serviae.

P. 333. Despotarum Serviae et RASICAE stemma genealogicum.

3 Étienne, appelé aussi Dragut, s'empara de l'autorité royale en 1271 et épousa une fille d'Étienne IV, roi de

ci; mais il engendra ij filz de ij concubines, dont l'un fut appellé Constantin et l'autre Estienne, qui fu père de cestui qui ad présent occupe indeuement le royaume de Rassie. En la parfin, il fu commandé par son père que on lui crevast les yeulx, et fu envoié banny en Constantinoble avec ses ij filz. Et pour ce que le bourreau corrompu par argent ne lancha pas la flaimmette tout droit en la prunelle de l'ueil, comme il avoit esté ordonné et commandé par le père, toutesfois il véy depuis aucunement, jà soit ce que non pas plainement, par médecines que on lui fist aux yeulx. Et autant que son père vesqui, il voult ceci estre celé et tenu si secret que tantost de sa propre main il estrangla son propre fil pour ce qu'il avoit entendu que ceci avoit esté fait par la sagesse de l'enfant, en ressongnant qu'il ne le révélast à personne qui fust née; et par ainsi cellui qui voult tuer son père ne espargna pas son propre filz. Puis après son père en ayant pitié, cuidant qu'il fust avugle du tout, le rappella après pluseurs ans qu'il avoit esté en exil. Et quant son père Urose fu mort, il manifesta par lettres escriptes de sa main et fist savoir à tous ceulx du royaume qu'il véoit bien cler. Pourquoy il tira

à

soy par dons et par promesses une très-grande sequelle et priva et déchaça hors de son royaume Vlatislaus, le vray héritier, qui estoit délivré hors de prison. Et puis il empri- Fol. 37 ro. sonna son propre seul frère Constantin dessusdict, et le fist morir d'une manière de crudélité non ouye: car il le fist extendre sur une pièce de bois et le fist trespercher de cloux par les bras et par les cuisses; et puis le partist en ij par le milieu 1. Tele est ceste progénie serpentine qui jette et espant telz beuvrages envenimez. Et s'il est aucun qui vueille ouyr parler de cellui qui règne maintenant en Rassie, fil de cest avugle, pour certain il congnoistra que, jà soit qu'il soit moindre de corps et d'éage plus bas, toutesfois il sourmonte ses ancestres ou venin de malice, non ouye en fait, et par aventure en voulenté: car il prist et loya et emprisonna et plus que cruelement mist à mort son propre père, comme dit est, bastart, illégitime, mal né, cruel tirant, occiant son

Hongrie, laquelle est appelée Élisabeth par Lucerius et non pas Catherine, qui est cependant le véritable nom. Il mourut vers l'an 1317, selon Du Cange, Fam. Byzantinae, 288. Son fils Vladislaus fut dépouillé de la couronne par son oncle Urosius, surnommé le Saint, on ne comprend pas pourquoi. Du Cange parle longuement de ce prince. Pachymère et Nicéphore Grégoras disent qu'il eut cinq femmes: une princesse appelée Élisabeth, une fille de Jean l'Ange, duc de Patras et de Blaque, une fille de Terteris, roi des Bulgares, Eudoxie, sœur d'Andronic Paléologue l'ancien, empereur de Constantinople, et veuve de Jean Comnène, empereur de Trébisonde, enfin, dans sa quarante et unième année, une jeune fille de huit ans.

Mad. Élise Voïart désigne ce prince sous les noms d'Étienne Milutin Urosch et le juge avec beaucoup d'indulgence. Sous presque tous les rapports, dit-elle, son règne fut honorable et heureux. Il ne se montra que fort dur envers son fils naturel Étienne. Chants populaires des Serviens......., trad..... par Mad. Élise Voïart. Paris, 1834, in-8°, I,

30-33.

1 Selon Du Cange, Vladislaus, fils du roi Étienne, fut tiré de prison après la mort de son oncle Urose, et fit pendre, puis couper en deux son frère Constantin qui lui disputait le trône. Étienne, fils naturel d'Urose, fut inauguré roi de Servie ou de Rassie en 1322 ou 1323. Brochart, lui, attribue à Étienne ce qui est imputé par Du Cange à Vladislaus. I. c.

fil et son frère, et, quant en lui fu, son père mesme (de Grèce 1). Véez-ci, mon souverain seigneur, que je vous descrips l'empereur de Grèce et le roy de Rassie dessusdict, et leurs hostelz aussi, telz que tout Orient tesmoigne qu'ilz sont et dont j'ay eu expérience pour la plus grant partie. Si pourvoye doncques maintenant vostre prudente circumspection et discerne assavoir se on se doit aucunement confier en ceulx-ci de leur promesse, de leur serement et de leur loyauté; lesquelz sont d'une perverse et male nation, extrais comme de une génération desloyale. Ilz sentent mal de Dieu, ilz ne obéissent point à l'église; ilz occient leurs parens et amis; ilz n'espargnent point leurs enfans; ilz tuent leurs frères; ilz destruisent et confundent leur propre lignage. Ce sont ceulx aussi qui sont estrangés à leurs cousins, ennemis à leurs amis, domestiques à leurs ennemis, faulx à ceulx qui les aiment, trahitres à leurs adjuteurs, oppresseurs de leurs subjetz, invaseurs du droit d'autrui et très-cruelz occiseurs de leurs seigneurs.

LA IIIJ RAISON.

Fol. 38 r.

La iiij raison pourquoy on ne se doit point confier en eulx, est pour celle trahison que autresfois les Grecz ont machiné trahiteusement contre les nostres. On list ès hystoires d'oultremer que à j passage qui se fist jadis, les Grecz meslèrent chaulx vive avec farine, et le vendoient à l'ost des chrestiens 2. Et le pain qui en fu fait et mengié portoit plus de grief que de salut et ne confortoit point le cuer, ains plus enfermé le rendoit : laquelle deffaulte non ouye par avant et trayson firent périr pluseurs de nos genz par diverses maladies et mortz soudaines. Item, une autresfois, ils convertirent leur malice à tele iniquité que les nefz et gallées qui estoient nécessaires pour fère ung passage oultremer, ilz firent percher3 au plus bas fondz d'icelles reposans ou port de Constantinoble; et cela firent-ilz fère par hommes nommez plongons, affin qu'elles fussent plustôt plaines d'eaue et par conséquent périlliés en mer; et tout ce qui estoit neccessaire pour l'ost fust perdu. Pourquoy l'ost venist à tele extrémité ou qu'il retournast chacun en son pays, ou qu'ilz fussent occis en la mercy des Grecz et des autres infidèles laquelle chose eust esté faitte et accomplie, se Dieu, qui est propice aux siens et leur deffenseur, n'eust descouvert le conseil des malostrus Grecz. Pourtant doncques, en ce qu'il appartient en ce traittié, il a esté souffissamment démonstré comment on ne doit prendre nulles alliances avec les Grecz et Rassiens, et qu'on ne se doit point aussi confier en eulx: il reste maintenant à procéder au tiers point touchié en dessus.

'Latin: et, quantum in eo fuit, etiam patricidam..... Le texte français offre donc une faute de copiste, qui est une faute de sens. De Grèce n'est qu'une surcharge, à supprimer.

2 Cette industrie a été de nos jours renouvelée des Grecs et se pratique encore.

3 Percher, percer.

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