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Fol. 2 ro

très-fervens desquelx tous estiés constraint contre telle préponiment1; et, aussi contre l'oppinion et la volenté de tout homme, pour le grant zel d'amour spirituel eûtes, non apprisant richesses ne parens ne amis, mez seulement voloir estre serve de Jésu-Crist, afin du sauvement de l'âme de vostre corps, et avecques ceste intention, suvites la voye de la religion; par lequel préponiment et continuel service de Dieu, il vous a prospéré, conservé et augmenté en grant honneur, gloire et fame, en tant que il vous a surmonté et mis jusques à la cheyre de sainct Pierre; sus laquelle pierre Dieu fonda sa saincte foy, duquel service volsistes à l'onneur de Dieu; et y celluy Dieu vous a donné continuement, en vostre cuer et en vostre pansée, ung ardent désir que jamais nésun a failli, ne fault, ne peut fallir, pour ce que certainement il est donné de Dieu de voloir véoir l'acquest de la terre saincte dez mains de poyens et réduire ès mains de cristiens, pour cultiver l'onneur de Dieu en celle Terre-Saincte, selon la manière deue, et pour honnorer cez saintz lieulx, comme il est deu, et aussi pour soy vengier* d'icelle gent payene 2, ennemie de Dieu; lesquelx, par non cognostre la vraye foy, ont fait et font tous les jours continuelment infinites choses abominables à Dieu, all'encontre de ycelluy sacré lieu du sépulcre très-sacré du filz de Dieu : amprès procure et soit désirant la vostre sainctité de povoir réduire celles, tantes de années que se treuvent en ses pays, alla vraye foy; et non tant pour celles que sont en présent, comme pour celles que sont à venir par le temps viengent, et tout à l'onneur et gloyre du très-hault Dieu. Adonques veulliés efficacement procurer et diligentement soliciter cestui vostre désir aulx temps présent plus que mais, pour ce que ceste saison, par les choses que le temps produit, se treuve et se trouveront, j'ay espoir, à l'ayde de Dieu et la bonne disposition, par manière que trouverés que la matière sera bien disposte 5, mais qu'ellui soit donnée forma deue et convénient ; laquelle donnée pour venir à vostre saint désir, et, pour ce, plaise-vous estre aulx royaulx et princes du monde avecques le manières que semblera alla vostre sainctité, en les confortant de ceste sainte entreprise, et qu'ilz mettent darrier toutes offenses l'un contre l'autre, selon le commandement de Dieu. Et souffist que jà tant de diseynnes d'ans, et que continuelement les crestiens sont en guerre continuelle et mortelle, et ont fait de la crestienté bocherie, comme de bestes brutes; desquelles manières les payens se sont resjoys pour ce que la division des crestiens est salvation des payens, et eulx le dient publiquement, quant ilz sentent les nouvelles de Ponent, par les nefs que arivent vers eulx, et pour ce il souffist du mal qui est ensuvi yci, et veullent faire l'esmende pour humilier Dieu. A ceste saison, 1 Préponiment, latinisme ; résolution.

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2Payene, plus haut poyens. | Alla, italien, à la. | Viengent, à venir. | Disposte, disposée.

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pource qu'il est désormais temps, veullent soy réduire à acord et paix entre eulx, pour povoir pourvéoir à ceste saincte enterprise par honneur de Jhésu-Crist: lesquelx ségneurs, ouyant la vostre sainctité et les vostres saintz confors, j'ay espoir en le trèshault Dieu, exausiront et vous donront trestous la faveur et ayde, là où vous voldrés, pour ceste saincte enterprise de Jhérusalem, en avisant la vostre sainctité, père saint, et semblablement à tous les royaulx princes et ségneurs du monde, que, despuis Fol. 2 v. que l'esglise de Rome a oblié les fais de Jhérusalem, Dieu a oblié la crestienté et a mandé continuelement des fortunes assés, tant en spirituel comme en temporel, comme euşt la nef de saint Pierre en la mer de Tibériadis 2, et fust de besoing que Dieu montast dessus et faire que la fortune cessast, et ainsi est-il de besoing que la crois de Jhésu-Crist monte en nef et passe en Jhérusalem avecques la puissance des crestiens, et que tous y alons à adorer cellui sacré lieu, et véoir et ouyr la saincte messe en cellui sacré lieu du saint Sépulcre triumphablement, avecques les banières desployées, sans peur des payens, et réduire cellui Levant alla saincte foy, comme jà il fust, pour ce qu'il fust le premier lieu que receust la foy de Jhésu-Crist. Et faisant en ceste manière, farés l'euvre de Dieu, la salvation de vostre ayme, la salvation de tant de crestiens, l'onneur de toute la crestienté, à croystre vostre fama et vostre gloire, jusques à tant que serés en cestui monde, par manière que jamais rien ne vous fauldra, ains aurés tout fait; que je prie à Dieu que vous ayde et conseille avecques tous ses aultres royaulx princes et aultres ségneurs fidelz crestiens; lesquelx à ceste bonne et perfecte euvre vous suivront.

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Père saint, se remembre vostre sainctité que le strénuissime empereur Sigismont 5, par la novité qu'il eust en Italie, despuis son élection, veullent soy couroner, perdit grant temps avant qu'il peusist avoir sa coronne; par laquelle dilation de tamps, les crestiens portarent domage grant des Turs, par là continuer stimulation qu'ilz persévérèrent à offendre tous leurs voysins vers Ponent, et premier la duché de Servia 3, le royalme de Hungrie, en tant qu'il acomplirent d'aquester trestout ladicte duché, et entrèrent en Ungrie, et prirent des aymes plus de c mille. Lesquelles novités de Italie, despuis que vostre sainctité est monté alla dignité de pontifice, avecques les manières sceutes tenir 10, vous tout apaysiates, et si le feites venir à Roma 11, et le cou

Veullent, le MS veullet.

2 Tibériadis, Tibériade ou Tabarieh, sur un lac.

5 Farés, ferez, italianisme.

4 Fama, l'italien se montre partout.

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5 Sigismont, Sigismond, fils de l'empereur Charles IV et d'Élisabeth, né le 28 juin 1368, empereur de 1410

à 1458.

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Veullent, voulant. | 1 Peusist, pût. | Servia, Servie. | o Aymes, âmes; p. 320 : ammes. 10 Sceutes tenir, lisez que sûtes tenir." Roma, italianisme,

Fol. 3 ro.

* Fol. 3 yo

ronastes de plein et le contentastes du tout, et despuis le feites acompagnier de toute la puissance de saincte esglise triumphablement, ainsi qu'il méritoit, jusques à tant que il fust hors de Ytalie, et s'en alla fère ses fais. Lequel par soy trouver à tel temps vieux, pour avoir consumé son aige en la novité desusdicte, il ne peusist faire les fais que il voloit faire et qu'il désiroit contre les payens, spécialment contre les Turs, desquelx avoit esté terriblement offendu ; mais quant l'éage l'eust mieulx servi, il eust fait crue vengense contre les Turs.

Ancores remembré-je alla vostre sainctité que la grande division et guerre qu'estoit entre le illustre empereur dessusdis et la sérénissime signorie de Venise; laquelle guerre empêchoit moult l'abilité du sérénissime empereur dessusdit contre lex Turs, pource que nésun ne peult faire aulcune chose de conte, faillant l'ayde et la puissance de la ségnorie de Venise, par la voye de la mer, par respit du passage et estroit de Constantinoble, et la vostre sainctité fust occasyon totale à faire faire ladicte paix, avecques cesi que la ségnorie de Venise se avoit offerte, par la voye de la mer, de faire de très-grans fais contre les Turs. Et se l'aige de l'empereur eust esté plus abille aulx fais, il aroit peu acomplir ses désirs contre les Turs; mais la vieillesse l'empêcha, ancore tout le bien dit de l'acort la vostre sainctité ne fust totelment cayson, et tout affin de paix entre les crestiens et encontre les payens.

Après scet la vostre sainctité que, au temps que le réaulme de France estoit en division avecques le illustre prince le ségneur duc de Bourgoingne; lesquels sont les primiers et principaulx ségneurs et chief des crestiens; laqueille division amenoit trèsgrande dommage et ruyne de toute la crestienté, aulxquel inconvénient la vostre sainctité y pourvéust par pluseurs manières, et envoya légas et ambassadeurs ausdis princes par manière que, alla fin, avecques l'ayde du Saint-Espirit, ilz demorarent d'acort et en bonne paix par lequel acort et paix a esté et est très-grant confort de crestiens par l'espérance qu'il ont de provision et, par le contraire, confugion * de payens. Lesquelx ségneurs et chief principaulx des crestiens Dieu mainteigne, gouverne et conserve pacifiez jusques alla fin du monde, pour ce que de telz ségneurs la crestienté a eu par le passé et a percorse d'avoir par l'advenir, moyénent la grâce de Dieu, grande faveur contre payens et tout à l'onneur de Dieu.

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Moultes aultres euvres de grant provédiment de la vostre sainctité se porroit re

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3 Provédiment, prévoyance, sagesse, ital. provedimento.

membrer, depuis monta aulx pontifique, et tout affin de faire l'office que Dieu vous a donné; duquel office ung des deux principaulx est à tenir les crestiens en paix; mais je ne vuelle dire plus aultre pour abrégier, pour ce que de toutes, suis certain, avés eues à mémoyre, et aussi de ceulx que sont vrayment informés de vostre vie, et souffist. Mais, ce que je veulle dire, si est que veulle souvenir alla vostre sainctité des choses passées, faites par vous, et seulement afin de povoir réduire les crestiens en paix, en terme qu'ilz se puissent pourvoir contre les payens. Et, comme par le passé, avés telle fin sollicité, playse vous faire ainsi pour le présent, et, par l'advenir, par manière que tant de bien suivent que ses benois crestiens se puissent movoir à faire leur devoir à l'onneur de Dieu, contre le payens, et tirer des mains d'icelle gent barbara et payène la saincte cité de Jhérusalem que est le lieu saint de Dieu en ceste vie; lequel demorant en mains de payens, alla manière qu'il demeure, devroit affliger jour et nuit tout cuers de fidelz crestiens pour révérence de Jhésu-Crist.

Pour ce que les raysons et occasions de ceste entreprise sont tres-doulces et incitatives ad mouvoir chescun cuer de crestien, et lez faire très-prest all'enterprise, pour ce qu'elles sont choses que touchent alla partie spirituelle, et la condition des choses spirituelles sont de nature que, quant elles se commensent à taster, elles scèvent très-bon et légièrement, porroit enduire moult à telle enterprise, et beaucop de fois le cuer de l'omme, par bonne volunté qu'elle a, souffist plus que ne porte la forsse de l'omme, et la puissance; et pour ce, à tous notifie et se faiz assavoir et tous entendent que veult entendre, ô père saint pape, Eugène quart, très-devoit de Jhésu-Crist, et pour s'amour très-fervent à ceste benoite enterprise, que chescun fidel crestien, commensant du Fol. 4 ro. pontifique romain et suivant l'empire universel du monde, et aussi romain, et ainsi chescun aultre roy, duc, prince et chescun aultre ségneur du monde, à qui volenté par dévotion venise de faire tel passage contre payens, veullent premièrement voir et considérer et bien mesurer la condition et la grandeur de la sienne puissance, et la condition de son estait, s'elles souffisent bonnement à la grandeur de l'enterprise présent; et trouvant qu'il soit chose perfecte, seroit alla suir, et, quant non mieulx, seroit laissier le faire à ung aultre. Et pour desclaration de tous, désédirons les conditions que doivent estre en icellui, tel que tel enterprise volsist prendre à mener à perfection: lesquelles sont quatre. Première, d'avoir o lui hommes sages, prudens et pratique des choses du monde et bien veullens à son estat, pour povoir estre, à toutes heures, bien conseillé. La segonde veult richesse d'or assez et non pas peu. La tierce, que son peuple soit zélateur de sa gloire et fama. La quarte, que à l'empereur tous réyaulx et prince du monde facent grant réputation de lui pour deulx respitz 5 principaulx; et premier que

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* Fol. 4 v.

chescun si soit paisible et non ose contredir à ses commandemens; et entre les aultres choses, que ceste chose passe secrète pardessus tout, pour ce que le secret la favorise et le publier la desfait: l'aultre respit, si est que du ségneur soit fait grant réputation, car, besognant ayde, moult plus prest l'aura de tous les ségneurs du monde, faisant de lui grant réputation, que se n'en fust fait réputation si grande; déclarant que aulcun ségneur, pour gran qu'il soit, non desprise ayde ou susside1, et aussi des aultres, pour ce que l'enterprise est grande. Et toute ayde sera bonne, aviengne que aulx commencement de l'enterprise il ne fault pas trop de puissance; mais au mains fault que la chose voyse secrète: cestes conditions est meilleur que puissance grande, comme en procès de cestui traitié clèrement vous monstreray. Adonques ycellui ségneur qui volsist prendre telle enterprise, considère ses fais, et puis délibère à faire selon son pouvoir; aiant de respit que quand la puissance ne fust suffisente, mieulx seroit le layssier, l'inconvénient amenroit alla crestienté par plus voye 2.

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Une aultre condition est de nécessité que touche sus la qualité de la personne de cellui prince que telle enterprise volsist, seusist et peusist prendre; que sans ceste condition nésune euvre bonne ne porroit yssir: laquelle est ceste, que le capitaine et gouverneur d'icelle gent vuelt estre ung, que en lui soit toute liberté, et que de nulle personne aye résistense contre ses délibérations, fors que par voye de souvenance ou par voye de conseil, mais aultrement non, en tant qu'il faille que tous les principaulx et toutes les aultres gens, que en tel compagnie se trouveront, fault que se disponent totalement de soubz estre, révéir et obéir compliement cellui prince, ségneur et gouverneur de ycelle gent, comme se Jhésu-Crist fust propre en terre, pour ce que pour l'amour de Jhésu-Crist telle entreprise se prent; et se doit voloir suvir toutes révérence et somme 5, obéysance. Et pour obtenir ceste condition, se il peusist estre que toutes ycelle gens fussent d'une nation des propre païs de cellui tel gouverneur, seroit très-avantageuse chose, pour ce que en eulx ne porroit faillier 6 grande révérence et grande obéysance; mais pour ce que ceste chose seroit difficille pour la grande puissance qu'il convient à ce fait, il fault que gens de diverses nacions concorre à faire ceste grande compagnie et souffisente; et pour ce fault pourvoir sus tel doubte de tous escandre et de division et de diversité d'opinion et petite obéysance qui peusist entrevenir. La manière est ceste, selon ma raison, que en ycelles gens estranges, qui vendra oultre les gens du

Susside, secours, latin: subsidium.

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* Cette phrase semble inachevée. Le sens est : l'inconvénient qui en résulterait pour la chrétienté serait plus petit (amenroit), si on renonçait à l'entreprise (par plus voye).

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