1 2 en ladicte cité soubz poyens. Et pour ce, père sainct, celle sainstité vostre, de son enfance jusques au jour présent, a tousjours démostré et esté désidéreulx à la conqueste de Yhérusalem. Et pourtant, se depuis la création de la sainctité vostre, y eust tenu le cuer, deust avoir mis en déposito certe somme d'or; c'est assavoir tant pour chescun mois, ung pou de chose en une casselette; pour cescun mois quelque vm Fol. 43 v. ducas; qui fust esté tant seullement une petite vacation de quelque bénéfice, pour voloir avoir supplié à la saincte volenté que avoit la vostre sainctité, que au moins voz vous fuissiez trouvés, de x ans passé, en déposito, ducas deux c", lesquelx fust esté sufficient de conquester Alexandrie, Babilonne et Yhérusalem, et en brief jours, ce fust esté dénotez alla vostre sainctité, que par information que je eulx en court, ilz sont de oppinion que, en x ans, la chambre apostolique avecques les aultres voyes de l'estat temporel, a receu plus de deux millions de ducas; et jusques à le présent tous sont gettés en mer: pourquoy lez papes passés des fais de Yhérusalem l'ont mis à part; et celle mesmes provision a observé la vostre sainctité. Et pourtant Dieu a mis l'estat de Romme en la manière qu'il est, et a tant mis à l'estat temporel, que plus riens ne li est demouré, et tout est voloir de Dieu pourquoy que lez entrées de l'esglise de Romme, lezquellez se doivent despendre contre poyens et au soccours de la foy chrestienne, et ceulx sont despendez en soubdoyers pour guerroyer et aruyner l'estat de la crestienté et mettre desbat et desconcorde entre crestiens pour entretuer l'ung l'aultre. Père sainct, l'impereur Constantin a dotée l'esglise de Romme de tant entrée que se ne feroit une fontaine d'or, que a receu la chambre apostolique, sans les aultres entrées qu'elle a eu de jour en jour. Et ladicte entrée ledit empereur laissa et donna en espérance de cresser, moultiplier et augmenter l'estat de la foy crestienne, et quel chose est accresser et à moultiplyer la foy chrestienne? La raison et l'entention dudit empereur si fust que de celluy grant trésor d'or qui entre en ladicte chambre apostolique, qu'il se deust despendre en guerroyer et en conquester poyens et lez réduire à la vraye obédience de la foy chrestienne, affin que la foy poyenne s'en allaist consu- * Fol. 44 ro. ment et déminuant; et que la foy crestienne demorast souveraine comme lume de vérité. O seigneurs crestiens, la foy bestielle de Mahommet commande que la puissance dez seigneurs poyens doivent mettre tousjours leur force à la destruction de la cres 1 En deposito, italianisme; en dépôt. Certe, certaine. Eulx, eue, du verbe avoir. Allusion à la donation de Constantin, fabriquée au IVe siècle et dont, à la renaissance des lettres, Laurent Valla prouva la fausseté. Pagi l'attribue à un certain Isidore Mercator. Théodore Balsamon et Constantin Harménopule la traduisirent en grec au XIVe siècle. Pierre Vander Heyden, ou A Thymo, l'a insérée dans son recueil historico-diplomatique, d'après le texte latin du décret de Gratien. Voy. Fabric. Bibl. graec. Lib. V, p. 11, c. 3; Daunou, Essai hist. sur la puiss. temp. des papes, II, 1, 39 et suiv.; De Potter, L'esprit de l'Église, III, 41. Fol. 44 7. tienté et en augmentation et escressement de la foy poyenne; et ainsi observent et font que tous sont ungs et à une volenté alla destruction de la crestienté; que tout le contraire de celle fait le pape de Romme contre poyens. Et la raison et le oppinion que le monde respont, si est que se la foy poyenne fusse adotée et grâce 2 de tant de bénéfice comme est l'esglise de Romme qu'il tire de la foy crestienne, poyens attendroyent de eulx donner bon temps de tellez bénéfices, et si ne endroyent3 jamais contre crestiens, et viveroyent et garderoyent la costume de Romme qui se donne bon tempz des bénéfices et jamais ne vont contre poyens. Père saint, le monde est partis en xxiiij caractes; et pour chescune quaracte si à cent seigneurs, lezquelz seigneurs chescun, selon son grés et estat, a son conseil; et par ceste raison xxiiij quaracte sont ij" et iiije seigneurs avecque ijm et iiije conseilliers; et par ceste provision se régent et se gouvernent le monde. Mais vrayement, depuis que cez seigneurs et conseilliers la vostre sainctité, qui représente Christ du ciel en terre et supérieur seigneur et gouverneur de tous ses seigneurs et conseilliers, et devez tenir tous lezdis seigneurs en paix et en transquillité; et pourtant, père saint, la sainctité vostre doit avoir la fontaine des conseilliers; et là où se peust trouver, par le monde, personnes pratiques, fameuses et de réputation, la sainctité vostre lez doit mander, querre et le recouvrer et achatter à pois d'or et de ballas, affin que se il entrevenoit scandèle ne division entre lez seigneurs de crestienté, premiers que vensist telle scandèle ne telle division ne cressisse ne multiplicasse que subbitement, sans introduire ne demorance, la sainctité vostre mandasse ceulx telle fameuse et practique, et eulx entremettre entre ses seigneurs, et oyr la raison de l'une part et de l'aultre, et que eulx jujassent et reprennissent la part qui eust tort, et donner et contenter la raison à ceulx qu'il attendent. Et par tel industrie et provision de telz sages, la paix et l'accort seroit incontinent; et lez seigneurs crestiens demoreroyent en paix et en transquillité: et ne seroit guerre ne division entre eulx, et seroyent tousjours prest et apparillés de offendre et ruiner poyens; et l'onneur seroit de la vostre sainctité par toute la crestienté, que l'ung diroit bien de vous, et l'aultre mieulx. Pourtant, père saint, de telz conseilliers fameulx et pratiques la vostre sainctité s'en treuvent nudz et despoilliés comme la créature quant elle naist du corps de sa mère. Et ce est devenus seullement pour estre la vostre sainctité bénings et gratieux et serve de Dieu, et si donnés foy à ceux qui ne la méritent et qui n'a dévotion en foy. O père saint, de la saincte foy se fait marchandise qui lez vendent, qui lez achattent, qui la tire par Ponent, qui par Tramontaine; et chescun la demande pour la tirer en son hostel. Il n'est plus timeur de Dieu, ne foy ne charité : chescun attent à sez besoingnes et à sez propriété. O père sainct, tousjours de bouche et par escripture à la vostre sainctité ay manifesté, comme dessus est noté, de telz marchans et de tel marchandise, et tout pour l'onneur de la vostre sainctité et bien de la foy crestienne; mais toutefois, père sainct, pou y a aidié; ne ancores ne veuille estre que je ne le vous face savoir en cest présent livre pour perpétuel mémoire, affin que ung chescuns vrays crestiens et serviteurs de Dieu pour la leur dévotion puissent tout véoir. Père saint, antiquement, quant lez seigneurs crestiens de Ponent vollurent entrer ou pays du souldain du Cayre, toutes nations de crestiens mandarent leurs ambassadeurs en la présence du souldain; et là se accordarent, de toute lez leurs occasions, Fol. 45 r. avecques pactes que chescune nation déust tenir ung sien conseilliers en Alexandrie, lezquelx eussent de la doane d'Alexandrie, pour chescun an, ije ducas, et fondigue pour leur demeur. Et tous marchans de chescune nation on leur conseilliers, et ainsi fust tousjours observé; et que chescun desdis conseilliers eust à gouverner et à régier tous marchans de sa nation, pour attendre et despachier devant le souldain, et de tous aultres ses officiers, affin que ne leur soit fait tort nésun; et que eussent chescun ung de ceulx conseilliers son jour député, pour chescune semaine, pour povoir tirer et avoir ses marchandises de la doana, et ainsi tousjours fust observé et observent. Et dist le souldain que toutes conventions et patz que je fais avecques vous seigneurs crestiens d'avoir lez vostres conseilliers, est pour obéyr et garder de toutes scandels et division qui peust entrevenir; et affin que tous lezdis conseilliers ayent occasion de temps en temps d'escripvere et de manifester aulx seigneurs de Ponent la bonne compagnie que je vous fais; et en ceste forme et patz crestien ont usé en Alexandrie et à Damasque; et par occasion des conseilliers, le pays venoit estre conservé: pourquoy les ungs conseilliers escripvoyent bien à leurs seigneurs et lez aultres mieulx, qui estoit fame du souldain entre crestien. Père saint, pour desvier les inconvéniens et aconquester le pays, à la transquillité et à bonne fame, et donner consolation à toutes les ammes crestiennes qui ont à respondre à l'esglise de Romme et obédient à la vostre sainctité, ainsi de la foy comme de l'estat temporel; et cestes sont lez choses principales que la sainctité vostre doit tousjours penser, et pour penser lesquelles toutes choses veullant la vostre sainctité les avoir en effect et à sécution, sans aulcunes contradiction, se soit ou noin du saint espirit, est que la sainctité vostre face requeste à impereurs, royaulx princes de la crestienté que par chescune nation douisse tenir ung de leur cytoyens fameux et practique en court de Romme; lequel eusse lieux et noin de conseilliers, pour consouller son seigneur et à * Fol. 45 v•. Fol. 46 ro. L'auteur. tout le peuple de sa nation; lequel eust en court de Romme à questioner tout sa nation Seigneurs crestiens, toutes choses et lez raisons que je escrips, en ce présent livre, dez fais de la court de Romme, de tous au sainctissimo pape Eugénie, de ma propre bouche, en sa présence, et ancores par lettres et escriptures de ma main l'ay bien avisé copiosament, et pour ce de neuf ne l'avise en cest présent livre de une petite part pour consolation de tous. Seigneurs crestiens, en court de Romme de ma venue, je véis telles personnes du pays d'Ytalie et Lombardie, de petite et minime réputation, que en court ne hors de court n'estoyent coigneu ne remembrés; lesquels sont cressie en si hault estat que toute nation crestien besoingnent que ilz voisent par leurs mains. Père sainct, la sainctité vostre représente Dieu de ciel en terre plus que seigneur du monde; mais depuis ceste dignité et seigneurie est de besoing de donner exemple et occasion que impereurs, royaulx princes et seigneurs de la crestienté soyent à vous obédients et à l'église de Romme pourquoy elle est la saincte porte de la foy crestienne pourquoy noins de seigneurs, sans obédience de son peuple, ne peut faire* Fol. 46 v°. nésun fruis. Et se aulcune parz de crestiens ne font bien le leur devoir envers l'esglise de Romme, il pecchet; mais toutefois ilz respondent que le pecchié non est le leur; mais est de celluy qui a recevoir et gouverner l'estat de l'esglise de Romme; et ceulx leur donne maulvais exemple de faire le leur devoir envers Dieu. Et pour ce, se veult faire la saincte provision de consoler toutes ammes crestiennes et lez retraire de toute maulvais pois, et les remettre à la bonne voye et saincte disposition, afin qu'ilz retornent à la dévotion et obéyssance de l'esglise de Romme. Et cest est la voye de les povoir conduire, de prétendre et confermer, d'avoir les conseilliers de chescune nation crestiénes; et par ceste voye se aura l'amour, l'obéissance et charité de tous lez seigneurs de la crestienté: pourquoy telz seigneurs attendent d'avoir honnour et dignité, spétialment ceulx qui ont à gouverner l'estat temporel de la crestienté, et obéyr et à garder l'estat spirituel; et cest est la raison vraye et que l'esglise de Romme retornera en bon estat et prospérité contre poyens et souccours de la saincte foy. Père sainct, médiante la grâce du puissant Dieu, par lez raisons vrayes notés en cestui livre et ancore des aultres infinites raisons que se porroit dire, la conqueste de la cité d'Alexandrie si est celle qui doit relever et recouvrer l'estat de la crestienté, et la remettre en grant triumphe; et si sera apellé celle cité Romme nouvelle, ainsi comme s'appeloit Constantinoble. En après en ladite cité seront lez grandes disputations de la foy crestienne contre celle des poyens. Et, enfin, de toutes disputations poyens avecque la lume de la vérité se convertiront et donront obédience alla saincte foy de Jhésu Christ. Adonques que la crestienté l'estant d'avoir par ceste voye, elle a ancore de besoing de avoir beaucop de ducas pour soubstenir telle cité, comme contre la grant puissance de poyens; et cest est le premier fondement. Et pourtant, père sainct, la principale Fol 47 1 fontaine d'or pour tel occasion si est l'esglise de Romme, laquel fust dotée seullement pour ceste occasion, pour se soubstenir et augmenter l'estat de la crestienté et pour ruyner et conquester poyens. Adoncques, père sainct, la vostre sainctité est constraint à concéder par bulles apostoliquales que chescun seigneur et prince de la crestienté, puis mettre la main de retenir de chescun bénéfice, submis soubz son estat et pays, la |