Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

*

vois, et manda en Alexandrie deux naves grandes, chescung de mille et ije bottes. Sur l'ung estoit capitaine et imbassadeur missire Pollo Arqua, et de l'aultre estoit patron missire Pierre Naton Sovonèse 1; lezquellez joinctes qu'elle furent en Alexandrie, commensarent à guerroyer celluy port, pourquoy elles estoyent armée chescune avecques ije et hommes, nonobstant que pou dompmages povoyent faire, senon avecques lez leurs barques armées. Et toutefois ilz demandoyent de voloir la paix, par tel manière que au souldain fust escript que l'imbassadeur de Genevois demandoit de faire la Fol. 57 ro. paix sur quoy le souldain respondist que la paix ne se peut demander, pourquoy Dieu la commanda; mais Dieu ne commande pas que lez sarrasins de Dieu fussent robés et prins lez leurs biens, et ay spérance que premires contenteront lez dompmages fais à mes sarrasins; et puis la paix se fera et se confermera. De quoy missire Pollo imbassadeur vint en terre à chevaul, jusques à l'ostel de l'armirail, là que par beaucop de jours avoit practiqué. Et, à chief de trois mois, la paix fust concluse et confermée, mediante que Genevois payèrent pour lez dompmages par eulx fais xxx ducas; en tel façon que, depuis ensà 2, Genevois perdirent l'onneur et la réputation et leur grant hardiment qu'ilz avoyent par avant que ladicte leur armée fusse véue en celle pars; et en telle manière que, depuis ensà, pour tous petis deffect que leur entrevint par aulcun chatif genevois qui voisent en cours contre Mori, subbitement Genevois viennent à estre miées au Caire et en personne, et mangnent aulcune fois vint, xxv ou xxx" ducas. Et de temps en temps lez ay véu estre maingnié la somme de plus de vem ducas; et est tant que quasi ont abandonné celluy voyage. Et pourtant crestiens peuvent prendre de Genevois que ils ont perdus lez grant despens fais par celle armée ; et si payent lez dompmages et intérest fais au sarrasins et l'onneur et la réputation qu'il avoyent en celluy paix. Et pourtant est de conforter que se aulcuns seigneur crestiens ne se meuve contre poyens, se premiers il ne se voye si puissant qu'il peusse entrer et conquester pays et lieux de poyens, et la foy affermer, et li donner lez cops selon lez journées, ainsi comme que eulx tousjours lez donnent alla misère crestienté. Et tout se est occasion pour ce que poyens sont tous unis et à une volenté alla ruyne et destruction de la crestienté.

4

Pour la premier foys que missire Bossicart arriva à Rode, si se trova avecques lez x naves et avecques lez xiiij galées, au quel nombre estoit aussi la galée de Rode. Et se

[ocr errors]

il fust allé tout droit en Alexandrie, il eust prins la terre avecque très-grant avoir et Fol. 57 1. avecque son très-grant honnour, et aussi de toute la crestienté: de quoy il fist tout le

↑ Sovonèse, de Savone, dans l'état de Gênes.

• Ensà, ençà.

3 Mori, les Maures.

• Mieés, mot rouchi, mangés.

Fol. 58 ro.

contraire, qui li a esté une très-grant charge et aussi de toute la crestienté, priant à Dieu qu'il ne pourvoye pour l'avenir, en vous recordant que pour pou de movement que Alexandrie eust, de crestiens se perderoit. Pourquoy du Caire ne peut venir soccours de gens qu'il ne passassent plus de viij jours; mais quant Dieu permectera que crestiens ayent le dominie1 de la terre et entrevenisse, puis que toute la puissance du Caire venist, il seroit de la prisier, en lieu de bataille, pas ung denier, pourquoy ilz ne vaillent, ne scèvent, ne peuvent.

Environ l'an MCCCC et IJ, soy trouvant ung nomé Pierre de Laranda avecques ij siennes naves en Lavant; lesquelx avoit et tenoit très-bien en ordre et très-bien armée, et alloit en cours contre Cathalains et contre sarrasins: de quoy il entrevint, per son aventure, qu'il se trouva desoubz l'isole de Cipre envers Sathalie et Candiloro, qui est pays de Turquie. Et du port de Sathalie se leva une nave de sarrasins; laquel estoit d'Alexandrie, et estoit allé en celle pars et estoit environ de vije bottes; laquelle nave print ledit Pierre de Laranda. Et comment il la print, il la print chargié de marchandise d'une très-grant valeur, et avecque c et 1 sarrasins; et subbitement s'en ala à missire Jaque Grispo, duc de l'arcipiélago, auquel seigneur vendit ladicte nave avecques lezdis c et 1 sarrasins pour corte quantité d'argent. Puis ledit Pierre avecques ses naves se parti de là. Et depuis certain temps, par maulvais crestiens, fust donné à entendre au souldain du Caire comment le duc de l'Arcipiélago estoit soubzmis de l'obédience de la seigneurie de Venise; et ainsi subbitement manda en Alexandrie commandemens, et fist que le consoul de Vénitians vint au Caire. Et estant en la présence du souldain, dist audit consul: « Par ung coursaire a esté prise une miène nave avecques c et l sarrasins; lezquelx sarrasins a achaté le duc de l'arcipiélago; lequel seigneur est soubzmis alla seigneurie de Venise; et pour ce que lez leurs parens me combattent tous lez jours, que je veulle pourvoir de lez r'avoir. Et pourtant je commande que se vous, Vénitians, vollés estre en mon pays et estre mes amis, que vous pourvoyés que je r'aye lezdis sarrasins. De quoy ledit consoul respondist beaucop de raisons, en lui démostrant que ledit seigneur de l'arcipiélago estoit en sa liberté et non pas soubzmis à Vénitians; et avecques aultres raisons vrayes et avecque lez despens de mille ducas, il retourna en Alexandrie. De quoy depuis, par deux aultres fois, le souldain fist monter ledit consoul de Vénitians au Cayre en sa présence, avecque celles meismes raisons et paroles ainsi comme il avoit dit au premier consoul. Lezquelles consoulz se espachairent comme fist le premier consoul, et toujours, avecque lez despens de mille ducas, retournoyent en Alexandrie; en telle manière que depuis l'an MCCCC et VIIJ du mois d'octobre, estant faites la charge dez espices de iiij galées vénitians, et en estoit

Dominie, plus haut dominio.

capitaine missire Nicol Capelle; lezquellez espices estoyent tirées hors de la terre et jectées dessus la spiacza 1, et commensées jà à chargier; et en deffaillant de acomplir le terme des galées deux jours, l'armirail fist retenir tous lez marchans et toutes lez espices, en telle manière que le consoul congréga environ lxxx marchans qui là estoyent; et s'en alla devant l'armirail en lui agrevant que sez marchans et espices si estoyent retenues. Pourquoy subbitement l'armirail fist lire le commandement du souldain, lequel commandoit que dez Vénitians deust recevoir ijm ducas, et que il lez li mande, avecques lezquelx il doit mander ung de leur marchans à rachacter lez c et 1 sarrasins qui sunt à l'Arcipiélago, et ilz ceulx conduire en la présence du souldain; et si lez es- Fol. 58 vo, pices et marchandises soyent retenues que nésune chose puisse monter en galée. En tel manière que subbitement le consoul retourna à son fondigo avecque tous lezdis marchans, et fist conseil desputés. La caison fust délibérée de acchaster et mander à exécution le commandement du souldain, affin que lez marchans et les marchandises fussent délivrés; et avecque ceste délibération, il s'en revint devant l'armirail et content de obéyr le commandament du souldain. Et receurent lez ijm ducas, et avecques ce, toutes choses furent délibérées; par tel manière que, retournés que fust le consoul au fondigo, de rechief ilz firent conseil pour délibérer quel marchant il deust mander: par tel que, dit tous lez leurs raisons, délibérarent que je deusse estre L'auteur intermédiaire celluy qui deusse aller en ladicte facende; et ainsi référâmes à l'armirail, lequel demoura content. De quoy moy constraint et non povoir faire de mains que de obéyr pour non estre en disgrâce de ma seigneurie, je fus content de y aller. Pourquoy le conseil opponoit que par moy avoir la practique des sarrasins et des Gretz qui estoit meilleur amy que à aultre; et bien que je fus payés, mais Dieu scet quel desconchement et dompmage fust en mes fais: de quoy avecques ladictes galées je m'en allay jusques à Rode; et, de là avecques lez galées de la garde, de lieux en lieux, je vins jusques à l'isole de Acsia, à la présence du seigneur duc de l'Arcipiélago; avecque lequel fus et practiquai de rachatter lezdis sarrasins, en lui recordant et confortant qu'il volisse faire chose que il demorasse en la grâce de Vénitians, pourquoy eulx comme esforcés de poyens et non pas avecque raison; mais besoignera que esforcent aultres et passeront la mesure de la raison. Et avecques aultres raisons practiquâmes ceste occasion, en tant que alla fin de ij mois fûmes d'acors d'avoir lezdis sarrasins avecques aulcune

La spiacza, le plage; plus haut et mieux la spiaggia.

Dit tous, dites toutes.. dictis omnibus.

3 Facende, facienda; en esp. : hazienda, négociation.

7

5

Le conseil opposait que j'avais des relations habituelles avec les sarrasins et les Grecs, qui étaient plutôt mes amis que ceux des autres ; et bien que je fusse payé....

s Desconchement, préjudice.

• Acsia, Naxos?

1 Que esforcent, que n'efforcent d'autres, qu'ils ne fassent violence à d'autres.

entre les Vénitiens et le soudan.

TOм. I.

51

Fol. 59. ro.

Fol. 59 vo.

fammes sarrasines, qui estoyent avecque eulx, pour iij" ducas; et ainsi* li fist le payement dénotant à chescune personne que lezdis sarrasins, avecques viij marchans qui estoyent entre eulx, lezquelx me cognoissoyent, estoit puissans de poyer x ducas; mais le seigneur duc, pour estre bien avecques Vénitians, consenti tout.

Depuis que je fus partis de l'Arcipiélago et joint en l'isole de Crède, en la cité de Candie, avecques tous lezdis sarrasins et marchans qui estoyent de réputation et de plus que tous lez aultres, et ilz me disoyent : « Nous nous tenons si obligé et bénéficié de Vénitians par lez vostres euvres et travaille que vous avés porté et eu pour nous afranchier, que nous délibérons que vous noz faites faire ung pilon' magnifique avecques lez enseignes de Vénitians: pourquoy spérons de le mettre et desployer en Alexandrie, et de là puis au Cayre, en la présence du souldain. » De quoy véue leur si faite bonne volenté, leur fis faire ung beau pilon d'or qui me costa xxxij ducas, avecque l'enseigne de missire San Marc euvangéliste; avecque lequel monta en nave avecque tous lez sarrasins. Et si nous partimes, et joinct que nous fùmes au port de Alexandrie, tout le peuple de la terre, hommes et fammes, vindrent alla marine; et aussi tous lez consoulz de chescune nation crestiennes, et tous pour véoir ceulx sarrasins qui estoyent esclaves. Et estant cestui pilon d'or dessus la poppe de la nave, lez marchans sarrasins le levarent avecque leur mains, et si le mirent en une de barque armée 2 qui vint pour lever lezdis marchans; et ce véirent tous lez consoulz et marchans de chescune nation. Cestui pilon vint à estre porté dedans la terre, de quoy lesdit consoul doubtant que le peuple ne se movisse à fureur contre eulx et contre toute nation crestienne, que non lez taillassent en pièce; et avecque ceste dubte tous lez consoulz et marchans s'en allarent en la terre, et firent serrer lez leurs fondigues, et se firent fort lez portes, et firent serrer tous leurs fenestres; et estoit avecque grant doubte et peur* et disoyent que la venue de Mannolinous fera taillier en pièce.

Par tel manière que moy, avecques tous lez esclaves et avecque tout le peuple de la terre et avecque l'enseigne de san Marc, de la rive de la mer venîmes en la terre jusques à l'ostel de l'armirail, qui demoroit au bout de la terre. Et si fûmes de tout le peuple bien véus ; et ne fust personne qui nous contradist. Et estant en la présence de l'armirail, il en eust grant plaisir, disant que Vénitians méritoyent tous honneurs et bien cestuy nostre pays, et avecques paroles assés gratieusses de tout le peuple, disant tout bien de mes fais. Puis avecque tout le peuple retornâmes car ilz me compaignarent jusques au fondighe de Vénitians, avecque le penon desployé. En lequel fontigue consoulz

Pilon, plus bas penon, drapeau ; italien: pilone.

Une de barque armée pour une des barques armées. 3 Et barricadèrent les portes.

• Mannoli?

ne marchans ne se monstroyent; mais tous se estoyent serré et muchiés. Mais tant que eulx se aseurarent par ma vois que ilz cognoissairent, et tous vindrent hors, et furent bien receu et honnourés de tout le peuple et citoyens de la terre. De quoy tous consoulz et marchans de toutes nations crestiens demorèrent content et consoulez de ma venue; et leur sambloit chose merveilleuse que le peuple ne se meust contre crestiens.

Depuis trois jours partîmes d'Alexandrie pour aller au Caire avecques lezdis esclaves, et, avecque eulx et en leur compaignie de leurs parens et amis, de personnes plus de c et 1; et joinct au flume sur pluseurs cermes montâmes, et le pelon d'or mismes dessus la poppe de ma cerme. Et nous acostant sur la rive du flume, là où estoyent lez villages, tout le peuple venoyent à nous avecques présens de chose de mangier, à grant sufficience; et puis nous arivâmes au Caire, et tant de peuple innumerable nous viendrent entour, que nous ne podiens1 passer avant; et avecques grant travaille arivâmes au chasteau, en la présence du souldain. Et là, par moyen d'ung trischement, je dis : Fol. 60 ro. << Seigneur souldain, le beau présent que je apporte à la vostre seigneurie si est cest pénon d'or, qui est l'enseigne que portent Vénitians; lezquelx sont seigneurs de la mer. Et tous coursaires qui voyent ceste enseigne, s'enfuyent et ne s'acostent pour le peur qu'il ont de lui. Et avecque ceste seurté nous avons passés la mer salée, et arivâmes en Alexandrie saulvement; de quoy le grant Dieu en soit loé!» De quoy le souldain, avecque joyeuse chière et paroles gratieusez, dist qu'il acceptoit celluy présent, pourquoy li sambloit chose de grant seigneur; en tel manière que depuis tousjours le faisoit porter dessus ses galées pour une excellente chose; et tout son peuple veyoient vollentier.

Et mis à fin cestuy premier parlement, puis je dis : « Seigneur souldain, la vérité, qui est Dieu grant, gouverne et soubstient le monde; et la mensoignes, qui est l'ennemi, si fa le contraire. Pourquoy la vostre seigneurie a esté informée que le duc de l'Arcipiélago si estoit soutzmis alla seigneurie de Venise; et par tel information la vostre seigneurie manda ung commandement, en Alexandrie, que Vénitians deusse recevoir de l'armiraille vostre ij" ducas, et avecques ceulx mander ung de leurs marchans, lequel deusse aller à cellui seigneur duc de l'Arcipiélago, et racchatter le2 sarrasins qui se trouveroynt en ses mains, et lez conduire et porter en la présence de la vostre seigneur; de quoy ne fust jamais vérité que cellui seigneur soit soubmis au Vénitians; mais pour conserver la vielle paix et bonne charité que tousjours ont eu avecque lez vostres passer et à présent avecque la vostre seigneurie, ont volut obéyr à vostre commandement et receu lez ijm ducas et mandé ung de leur marchans qui fust ma personne

[blocks in formation]
« VorigeDoorgaan »