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Source du poëme.

Pierre, roi de Lillefort.

D

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Seignour, or entendés, francque gent honnourée, 25 Chy commenche canson qui doit estre contée,

Faitte de miracle par vérité ordonée :
En la cronicque en est la vérité trouvée.

Il ot jadis ung roy de haulte renommée ;
Roys fu de Lillefort, une riche contrée :
30 Chieus royalmes-chy est viers Sausonne, la lée ;
Cils royalmes marcist à le gent deffaée.

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plaçât sur sa tête la couronne d'or, en disant : Je ne suis point digne d'un tel honneur. Dans ces lieux où le Christ a porté une couronne d'épines, il ne convient pas à un pécheur » d'orner son front d'une couronne d'or. » Le MS 4459-70 de la bibliothèque royale, à Bruxelles (XIIIe siècle), contient une représentation des signes de la passion du Sauveur, précédée de cet avis: Quicunque hec cotidie inspexerit in commemoratione passionis et armorum Jhesu Christi, habebit x dies indulgenciarum datas a Leone papa et ab eodem confirmalas. Plus bas on lit ces vers:

Lancea, crux, clavi, SPINE, mors quam
Ostendunt qua vi miserorum crimina lavi.

toleravi

Annuaire de la bibliothèque royale pour 1842, page 132.

23 Chy, même observation que sur le vers 10, et que nous ne répèterons plus à l'avenir.

25 Canson (v. vers 52). Quoique le trouvère ajoute, qui doit être contée, il est certain que ces récits, du moins par fragments étaient quelquefois une espèce de mélopée, ou de récitatif accompagné d'un ou de plusieurs instruments. Voy. le Fabliau des deux troveors ribaux, publié par M. Robert en 1854, et la note (*) sur le début de ce présent poëme.

26 Faitle par vérité, de miracle ordonée?

27 En la cronicque; j'ai cité ailleurs beaucoup d'exemples de cette habitude des trouvères d'appuyer leurs récits sur des autorités historiques. Introduction au premier volume de Philippe Mouskes, pages CCXXXVI-CCXL. J'y ai nommé, entre autres, Georges Chastellain qui, dans

l'Instruction d'un jeune Prince, se réclame d' ancien manuscrit trouvé en Norwège. Il s'a en réalité du Miroir des Rois ou Kongsskuggsja, dont M. Wheaton s'occupe dans son Histoire des peuples du Nord. Paris, 1844, pages 145-145.

M. Avenel, en s'élevant avec raison contre l'admiration exagérée des critiques et des philologues, qui placent les chansons de geste du moyen âge à côté de l'épopée antique, remarque que l'invention, cette faculté suprême du poëte épique, le trouvère la dédaigne, la répudie; qu'il s'en défend comme l'historien pourrait s'en défendre; qu'il atteste sans cesse la vérité et invoque à tout moment les traditions sans oser rien mettre sur le compte de son imagination. Journal des savants. Novembre 1844, page 677. M. Fauriel avait dit précédemment qu'un romancier carlovingien ne manque jamais de s'annoncer pour un véritable historien. Revue des deux mondes, VII, 554 (édit. de Paris). Mais l'observation de M. Fauriel doit être généralisée.

29 Lillefort, voir l'introduction. Ogier, dans le poëme publié par M. Barrois, vers 6604, se réfugie en un château appelé Castel - fort :

Castel-Fors est fermés en un valcel,
Sus une roce qi est du tans Abel;
Caïns le fist et li fil Ysraël.

30 Sausonne (Saxonnia), la Saxe; la lée, la grande (lata). Dans l'introduction au second volume de Ph. Mouskes, page XLV, on a mal imprimé l'alée.

31 Marcist, confine, du mot marche, frontière; à le pour à la. Le wallon a gardé cette

Par une pays qui fu de ij roys acordée,
Ly roys Piètre n'avoit nulle dame espousée :
Une dame i avoit qui tenoit Orbendée,
35 Et celle dame fu Matabrune appiellée ;

Et, pour le grant avoir dont elle fu douée,
L'espoussa icheux roys, dont j'ay fait devisée.
Mariages qu'est fait par telle désirée,

As paines vient à bien; c'est bien cose prouvée :
40 Quant c'est par avarisce, il ne valent riens née,
Quant par amours est fais, de cuer et de pensée
Sy voit-on bien souvent que c'est oevre encombrée.

Après che mariage dou riche roy Piron,
Qui Matabrune prist, qui d'avoir ot foison,
45 Ly roys en ot ung fil, qui Oriant ot non,
Qui fu roys de la tierre et de la région,
Quant son père moru, qui d'aige avoit foison
Mais Matabrune estoit en sa régnasion;

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34 Orbendée, voir l'introduction.

37 L'espoussa; j'ai déjà remarqué cet emploi de l's double pour l's simple. Introduction au second volume de Ph. Mouskes, page CCLXXXV. 38 Par telle désirée, dans un tel but.

59 As paines, le manuscrit : arpanies, qui trouble la mesure et ne se rencontre nulle part ailleurs. Nous avions déjà fait cette correction dans l'introduction au tom. 2d de Ph. Mouskes. 40 Riens née, chose qui soit au monde.

42 Encombrée, où se rencontre quelque encombre.

45 Oriant. On trouve une femme appelée non pas Orians, mais Oriaus, dans le Roman de la Violette :

Vint à Novers li desloians;

Et ma damoisielle Oriaus

Fu en haut à la tour montée.

Édit. de FR. MICHEL, 1834, in-8°, p. 19.

48 Estoit en sa régnasion, exerçait encore l'autorité.

Matabrune d'Orbendée.

Folio 1 v.

Naissance d'Oriant.

Oriant s'égare à la chasse.

Fol. 2 r".

Trop longement vesqu à sa maléïchon;
50 Tant li convient régner par grande traïson,
Fu arse Matabrune en ung fu de carbon,
Ensy que vous orés, s'entendés le canson.
De ce roy Oriant vous feray mension :
Biaux fu, sages et grans et de bielle fachon.
55 Ançois que li roys eust ne barbe ne grenon,
Aloit j jour chacier, o lui de gens foison :
Ung grant cierf esleva qui couroit de randon.
Orians le siévi par tel devision

Qu'il ne trouva o lui chevalier ne baron;

60 Apriés le cierf aloit qui couroit de randon,
Et tant qu'il se trouva sans haye et sans buisson
De lès une rivière qui couroit el sablon :
Ly cierf se féry ens pour sa sauvacion.
Ly roys se retourna tous seus sans compaigon ;
65 Une fonteine vit, qui moult li vint à bon :
Là endroit descendi sans nulle arestison;
Pour li à rafreskir descendi de l'arçon,
Son cheval atacqua à sa devision.
Desous ung abre biel est asis li baron.

49 Vesqu, vécut; à sa maleïchon, pour son malheur.

51 En ung fu de carbon, au vers 14 dedens ung fu d'espine; carbon, la suppression de l'h dans les mots où le mettait le dialecte de l'île de France, est encore un caractère distinctif des patois picard, wallon, rouchi ou flandro-français. 52 Canson, voy. vers 23.

55 Grenon, moustache, favori. On a dit aussi gernun. Chanson de Roland, page 187 :

Trueve Milon o le grenon flori.

P. PARIS, Garin, II, 64.

57 Esleva, fit lever.

59 0 lui, avec lui.

60 De randon, impétueusement, avec grande

vitesse. Hécart, Dictionnaire rouchi-français
(1833), page 388. Raudamente en espagnol si-
gnifie avec rapidité; raudal est un torrent.
62 El sablon, sur le sable.

64 Seus, seul. Compaigon, pour compai

gnon.

65 Vint à bon, vint à propos.

66 Endroit, tout droit; arestison, retard. 67 Rafreskir, changement du ch en k, autre caractère du dialecte picard ou flamand. A sa devision, à sa fantaisie, à sa commodité, à son gré. Pour li à rafreskir, tournure remarquable.

68 Atacqua, attacha; à peu près même remarque.

69 Desous pour dessous, tout à l'heure en re

70 Enssi comme il esuit en consolacion,

Evous une pucielle de moult bielle fachon :
Conduire se faisoit par chevalier de non
Et de deux escuyers de sen estracion ;

Si avoit ij pucielles qu'elle ama de cuer bon.
75 U qu'elle vit le roy, se li dist à hault son:

«Biaus sire, qui vous fait dedens ma région
Quachier bisses et cierfs, en avés vous le don?
J'ay bien véut le cierf aler à garisson.
Se vous l'éuissiés pris à vo devision,
80 Amendet l'éuissiés, u volsissiés u non;
Et ne pourquant j'ay bien en moy entession
Que de ce fait n'arés manaide ne pardon.
Sy l'arés amendé à ma devision :

Car par dedens ma tierre n'avés nulle action,
85 Pour mes foriès trachier ne prendre venison. »
Quant Orians l'oy, sy leva le menton.

Quant la pucielle vit en tel establison

Et bielle et sy plaisans, de si doulche raison, Plaisance entra en lui, c'est d'amours le sourgon, 90 Qui tient tous vrais amans en la subjection.

vanche espoussa pour espousa; abre pour arbre, prononciation du wallon hennuyer.

70 Comme il esuit en consolacion, comme il reposait, comme il se laissait aller au repos. Esuit est dans le MS, peut-être pour estut? 71 Evous, voici.

71-75 Ces trois vers se lisent dans l'introduction du second volume de Philippe Mouskes, Page xvi. Au lieu de sen estracion on y lit fénestracion, et sur ce mot il y a une note qui devient inutile au moyen de cette leçon.

72 Dans le MS on lit: par ung chevalier de on, ce qui est une faute contre la mesure. 75 Sen, son.

74 Si avoit, le MS: s'avoit.

75 U qu'elle, dès qu'elle.....

77 Quachier, chasser; bisses, biches; en avés vous le don? en avez-vous le droit? la permission? 78 J'ay bien veut, heureusement j'ai vu ; cierf, le MS: cierfs; aler à garisson, cherchant son salut dans la fuite.

80 Amendet, payé.

81 Entession, intention.
82 Manaide, grâce.

83 Trachier, traquer; venison, venaison:

De boin mangier ont à fuison,

Et volilles et venison.

J. BEKKER, Flore und Blanceflor. Ber-
lin, 1844, in-8°, page 57.

87 En tel establison, en tel état.
89 Sourgon, source.

Beatrix, la pucelle.

Savary.

Quant ly roys Orians le pucielle coisi,
Tost et isnièlement se leva contre li.
Moult grascieusement ly roys li respondi:
« Damoisielle, dist-il, se je suy venus chi,
95 Sur le vostre embatu, bielle, tant vous en di,
Se la tierre est à vous, vous le tenés de my,
L'ommage m'en devés, sy le me payés chy.
Je suy roys Orians, pour voir le vous affy;
Et ceste foriest est du royalme genty.

100 Moy samble que mespris n'ay point d'un seul espy,
Et se meffet avois d'un petit paresy,

Amender le volroie du tout à vostre sy,

Car vous iestes tant bielle et de corps agenssy,
Douche, quoie et plaisans, et de maintieng joli,
105 Que pitié et mierchi avec boine mierchi

Venront en vous manoir, se Dieux l'a consenty. »>
Esvous ung chevalier qui ot nom Savary,
Qui à le dame fu et lonctamps l'ot servi.
Quant Oriant conneut, du cheval descendi ;

110 Il est venus au roy et à genouls s'ouffri.

« Ou nom de la pucielle, je vous prie le mierchy,
Elle ne vous congnoist. » Pour tant parla enssy.

91 Coisi, vit, fixa ses regards sur....
92 Isnièlement, vivement.

95 Sur le vostre embatu, si j'ai pénétré dans
vos domaines.

97 Sy le me payés chy, ainsi payez le moi ici.
98 Pour voir le vous affy, pour vrai je vous

l'assure.

99 Foriest (voy. vers 85), forme mouillée particulière à nos dialectes wallons, par opposition au dialecte Normand, où Fallot remarque que prévalent les formes sèches. Recherches, pages 25, 26; Le Roux de Lincy, Les quatre livres des rois, p. LX.

101 Avois, le MS: avoit. Paresy, parisis, petite monnaie et, par suite, chose de peu de valeur.

:

On a dit plus récemment cela ne vaut pas un denier, un liard, un maravédis, un centime, etc. 102 A vostre sy, à votre vouloir. Introduction au second volume de Ph. Mouskes, p. XLI, au lieu d'à vostre sy, on a imprimé à vostre fy, qui vaut peut-être mieux.

105 Agenssy, bien fait, bien agencé.

105 Mierchi, la répétition de ce mot permet de conjecturer que le copiste l'a substitué une fois à une autre expression.

106 Venront, viendront. Le d est une addition euphonique.

107 Esvous, au vers 71 evous.
109 Conneut, le MS: le conneut.
110 S'ouffri, s'offrit, se mit.

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