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Jean Le Maire, Marc

Van Waernewyck,

frère Trudo, Juan de

Il a été publié pour la première fois, en 1824, par le Dr Louis Tross, érudit exercé et exact 1.

Goerres, qui l'invoque en 1815, ne l'a pas pris néanmoins dans l'original qui n'avait point encore paru, puisqu'il ne fut imprimé que onze ans après, mais il le cite d'après un abrégé de E. Hopp 2.

Les livres populaires danois sur Charlemagne, et dans lesquels la légende du Chevalier au Cygne est intercalée, n'ont guère été connus que vers cette époque. C'est probablement alors que cette saga pénétra aussi en Islande et y naturalisa Hélis le Chevalier au Cygne, fils de Jules César.

Caxton, qui avait fait aux Pays-Bas son éducation littéraire, porta probablement cette fable en Angleterre, et il est incertain si l'imprimeur Wynken de Worde qui la propagea après lui et qui se dit lorrain ou du duché de Lothier, n'était pas un belge.

XVI SIÈCLE. Versions de Jean Le Maire 3, de Marc Van Waernewyck, Rich, de Wassebourg, de Richard de Wassebourg, de frère Trudo de Gemblours, celui-ci sur Castillo, Pighius, etc. le géant d'Anvers ", de Juan de Castillo, sur le Lohengrin habillé à l'espagnole 6, de Pighius', et de beaucoup d'autres qui ne sont que les échos de leurs devanciers.

Antiquité de la légende.

Telle est la chaîne de la tradition de XIIe au XVIe siècle. On voit que Guillaume de Tyr en est incontestablement le premier anneau. Mais cette tradition, il ne l'avait pas inventée. Longtemps avant lui elle était populaire Licet id verum fuisse PLURIMORUM astruat narratio. Il ne l'aurait pas

1 Gert's Vander Schueren, Chronik von Cleve und Mark. Zum ersten Male herausgegeben und mit kurzen Anmerkungen versehen von D' Ludewig Tross. Hamm. 1824, in-8°, pp. 76-84. 2 Kurzen Beschreibung der Grafen und Herren zu Cleve. Cleve, 1655, pp. 148-150.

App., I, no 9.

▲ Ib., I, no 10.

5 lb., I, no 11.

6 Ib., I, no 12.

7 Ib., I, no 13.

d'ailleurs imaginée, pour la nier immédiatement. Reste à savoir comment elle était arrivée jusqu'à lui.

Des vingt-deux livres dont se compose l'histoire de Guillaume de Tyr, les quinze premiers ont été rédigés d'après des documents et des

récits étrangers.

Il a pu consulter des écrivains arabes, comme il l'avait fait pour Écrivains arabes. son histoire orientale. Ces auteurs n'auront pas inventé une fable qui faisait presque un être divin d'un des plus redoutables ennemis de la foi musulmane, mais ils auront pu l'apprendre par les Francs venus Francs. dans les contrées d'outre-mer, et, s'ils l'ont mentionnée, c'est pour témoigner probablement la même incrédulité que Guillaume de Tyr. En outre, celui-ci a été en position de connaître le poëme de Grégoire Béchada. Béchada.

Né au château de Las-Tours, en Limousin, ce chevalier avait écrit avant lui, vers l'an 1120, une chronique en vers de la première croisade et de la délivrance de Jérusalem. S'il n'avait pas été lui-même témoin de ce qu'il y rapportait, il l'avait incontestablement appris de Goufier, son frère aîné, qui avait été de cette guerre et qui revint en son pays l'année 1100, après la prise de la cité sainte par l'armée chrétienne. Il employa douze ans à composer son poëme, dans sa langue maternelle, à le retoucher et à le polir 1. Sans doute il y avait réuni tout ce

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1

« Gregorius, cognomento Bechada, de castro de Turribus, professione miles, subtilissimi ingenii vir, aliquantulum imbutus litteris, horum gesta praeliorum materna, ut ita dixerim, lingua, rythmo vulgari, ut populus pleniter intelligeret, ingens volumen decenter composuit, et ut vera et faceta verba proferret, duodecim annorum spatio super hoc opus operam dedit;

ne vero vilesceret propter verbum vulgare, non sine praecepto episcopi Eustorgii et consilio » Gauberti Normanni, hoc opus aggressum est. » Gaufredi prioris Vosiensis Coenobii Chronica, tom. II, Bibl. man. a Phil. Labbe editae, cap. XXX, p. 296. Cf. Maimbourg, Hist. des croisades, Paris, 1675-1676, in-4°, t. II, pp. 179 et suiv.; Jo. Collin, Lemovicini multiplici eruditione illustres, Lemovicis, 1660, in-12, p. 20; Hist. litt. de la France, t. VII, p. LXII; X, pp. 403-404; Raynouard, Journal des Savants, sept. 1833, p. 515. Nous reviendrons sur Bechada au volume

suivant.

Hypothèse byzantine.

I es croisés.

La légende du chevalier au Cygne antérieure à Godefroid de Bouillon.

qui pouvait flatter l'orgueil des croisés et rehausser leur gloire. Il est donc vraisemblable qu'il avait touché, ne fût-ce qu'en passant, l'origine attribuée à Godefroid de Bouillon.

Que si l'on soutient qu'un flatteur byzantin, un de ces fanariotes anticipés, prodiguant de basses adulations à un pouvoir qu'ils détestent, a imaginé pour le conquérant de Jérusalem, une origine céleste, on ne peut baser cette assertion que sur une pure hypothèse, car aucune autorité, si petite qu'elle soit, ne la confirme, à notre connaissance. Toutefois cette thèse ayant souri à un savant dont nous prisons hautement la pénétration, nous attendrons ses preuves avant de nous prononcer définitivement.

A défaut de ces moyens de renseignement, il y en avait un plus simple, plus naturel, plus direct, et qui ne devait point manquer à Guillaume de Tyr, vivant dans la Palestine sous la domination franque, chancelante, il est vrai, mais non anéantie : c'étaient les croisés eux-mêmes.

Ces fiers chevaliers qui aimaient à se vanter de leur naissance, les trouvères qui les accompagnaient et qui étaient leurs poétiques flatteurs, quelques livres apportés par eux et par les clercs, auraient-ils laissé ignorer au docte prélat une légende si chevaleresque et qui jetait un nouvel éclat sur les expéditions entreprises pour la conquête du tombeau de Jésus-Christ?

Selon toutes les apparences, la légende du Chevalier au Cygne a été appliquée à l'origine de Godefroid de Bouillon 1, pour combler d'une manière brillante une lacune de la généalogie de la maison de Lothier, lacune causée par une de ces alliances qui n'étaient pas rares alors, de quelque princesse d'un sang illustre et d'un aventurier inconnu, mais entreprenant et brave, auquel on ne tardait pas à prodiguer des aïeux. La descendance du Chevalier au Cygne fut commune aux ducs de Brabant,

1 Nous renverrons à ce qui est dit dans la suite de cette dissertation sur les sceaux de Godefroid.

même à ceux qui avaient précédé Godefroid de Bouillon. Nos grandes familles ont eu leurs temps héroïques comme celles de la Grèce.

La légende du Chevalier au Cygne a donc subsisté indépendamment de Godefroid. Quoique les croisades aient fait songer à la célébrer et à l'employer à l'exaltation du héros de ces guerres sacrées, elle appartient à une époque beaucoup plus reculée, et peut-être que Gorres n'a tort d'en entrevoir les vestiges jusque dans Tacite.

pas eu

On lit, en effet, au traité des mœurs des Germains, qu'une opinion accréditée conduisait Ulysse, dans ses longues navigations, vers les côtes de la Germanie et lui faisait descendre le Rhin, sur la rive duquel il bâtit Asciburgium : « Caeterum et Ulixem quidam opinantur longo illo » et fabuloso errore in hunc oceanum delatum, adisse Germaniae terras, Asciburgiumque, quod in ripa Rheni situm hodieque incolitur, ab » illo constitutum nominatumque Ασκοπύργιον.

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» Aram quin etiam Ulyxi consecratam, adjecto Laertae patris nomine eodem loco olim repertam, monumentaque et tumulos quosdam graecis literis inscriptos in confinio Germaniae Rhaetiaeque exstare. Quae neque confirmare argumentis, neque refellere in animo est : ex ingenio suo quisque demat vel addat fidem 1. »

Voilà bien une opinion qui remonte au premier siècle de l'ère vulgaire. Mais au lieu du roman qui prolonge jusqu'au Rhin l'Odyssée d'Homère, est-il déraisonnable de supposer que Tacite a recueilli de seconde ou de troisième main une saga germanique, et que, suivant l'habitude des Romains, il l'a appropriée aux idées et au style de ses compatriotes?

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Sans vouloir tomber dans les rapprochements si chers à M. De Grave 2,

De moribus Germanorum, c. III. Les frères Grimm renvoient, on ne sait pourquoi, aux histoires de Tacite, IV, 55. Asciburgium, détruit par Attila en 451, n'est plus qu'un village des États prussiens, province de Clèves-Berg, régence de Clèves. Deux bras du vieux Rhin contribuaient à sa défense. Il se nomme Asberg.

* Un homme qui n'entre point en comparaison avec M. De Grave, un savant ingénieux a

Tacite.

Cette tradition ne vient pas de l'Orient.

sans abuser de l'artifice commode des étymologies, nous sera-t-il permis de remarquer que le nom d'Ulysse n'est pas sans analogie avec celui d'Élias ou Hélyas, qui n'est peut-être qu'un travestissement du mot elf, comme Asciburgium remplace Asburg, la demeure des Ases? Ce ne sont que des conjectures, nous l'accordons volontiers; toutefois elles n'ont rien d'invraisemblable et sont en harmonie avec la mythologie du Nord, où M. D. Buddingh cherche aussi le berceau des fictions qui roulent sur un thême analogue 1.

M. Mone, sans aller aussi loin que les époques antérieures à Tacite, paraît rapporter à celle des Francs tout ce cycle épique 2.

Quoi qu'il en soit, la légende du Chevalier au Cygne est originaire des Pays-Bas, de la contrée habitée par ceux que le moyen âge appelait Avalois, et on la trouve aussi bien sur les bords de l'Escaut que sur ceux de la Meuse, de la Merwede que sur ceux du Rhin 3. Les détails que contiennent les versions les plus populaires en font une fiction toute belge, et nous aurons bientôt l'occasion de nous en convaincre.

Cependant M. Le Roux de Lincy * prétend qu'elle est empruntée au génie de l'Orient. Cette affirmation lui a été suggérée par la consi

cependant donné dans quelques-unes de ses rêveries. M. le professeur Müller, de Wurtzbourg, ne vient-il pas de découvrir l'enfer des anciens près de Maestricht? Il est certain qu'on pourrait retrouver dans les Pays-Bas beaucoup de vestiges du culte d'Hella ou Hela, reine du royaume de la mort. M. J. Ab Utrecht Dresselius rappelle des noms de lieux tels que Helvoet, Helle, Ellemut, dans l'île de Schouwen; Hellenburg, Ellevoutsdijk, Eliw-erve, dans le Zuidbeveland; Axelle, Hellepolder, Hellegat, Ellemaar, dans la Flandre hollandaise, etc. Il va jusqu'à faire remarquer que la Notre-Dame de Hal et de Montaigu est noire, que certains crucifix le sont aussi, et il n'oublie pas le zwaarte God van Hoboken. De Godsdienstleer der aloude Zeelanders. Middelb., 1845, in-8°, pp. 204-206. Nous n'oserions pas, à l'aide de M. Dresselius, établir quelque rapport entre Hella et Helyas, le Chevalier au Cygne.

1 Verhandeling over her Westland. Leyden, 1844, in-8°, pp. 86-89.

2 Gesch. der Heidenth., t. II, p. 124.

N. Westendorp, Over het gebruik der Noordsch Mythologie, t. I, p. 103; t. II, p. 490-91. D. Buddingh, l. c., p. 87.

4 Essai sur les fables indiennes, Analyse du Dolopathos. Paris, 1858, p. 138. Dans le MS. de la bibl. royale de Paris, Sorb., p. 581, l'histoire du Chevalier au Cygne est racontée par le sep

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