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a été compliquée de celle de Persée et du mythe oriental de Chederles, fut de bonne heure le patron de la chevalerie 1.

Le comte de Blancquebourc succombe; la duchesse de Bouillon obtient justice, et, dans sa reconnaissance, donne à son défenseur ses états et sa fille, qui était

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Les fées passaient pour avoir la beauté en partage, et nous avons dit que les sorcières étaient ordinairement laides et vieilles; mais, dans l'ordre de la magie, la fée tenait un rang plus élevé que la sorcière, celle-ci n'est qu'une dégénérescence, une espèce de dégradation de cellelà. Toutefois, aux charmes qu'on accordait aux fées se mêlait d'habitude l'idée de quelque difformité secrète, de quelque affreux défaut. La charmante Mélusine, qu'on prétendait voir apparaître au château d'En- Mélusine. ghien, devenait tous les samedis un épouvantable serpent 3.

Hélyas part avec Ydain pour Bouillon; avant d'y arriver, il eut à combattre encore Galien, un parent du comte de Blancquebourc, mais il l'eut bientôt expédié; il ne devait pas triompher si aisément de la curiosité de sa femme. Interrogé par elle sur sa lignée, malgré la défense qu'il lui en avait faite, il part avec le cygne, qui lui sert toujours de guide. Cette scène est décrite par le trouvère d'une manière intéressante. Le texte latin nous montre Hélyas entraîné avec sa barque au milieu de la mer, puis le manuscrit présente une large lacune.

La duchesse va confier son désespoir à l'empereur, qui était toujours à Nimègue. Hélyas s'arrête un moment dans cette ville pour recommander

1 A. Maury, Essai sur les légendes pieuses du moyen âge, p. 145, note 4. Aufsatz über die Legenden der heiligen Georg, wozu zwei alte ihm zugekommene Handschriften dieser Legende gelegenheit gaben; pp. 113-134, Deutsche Gesellsch. zu Erforsch. Vaterl.-Sprache. Bericht. Leipzig, 1831, in-8°.

2 V. 2701.

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3 A. Maury, Les fées au moyen âge. Paris, 1843, in-12, p. 53. Mélusine, Mère-Lusine, mère des Lusignan. Genin, Variat. du lang. franç., p. 29.

Souvenir de la patrie.

à Otton sa fille Ydain. En vain on veut le retenir, le cygne jette un cri, et Hélyas s'empresse d'obéir à l'avertissement du ciel. Il retourne à Lillefort, où le cygne Esméré (Esmerés) reprend les traits d'un homme et reçoit le baptême.

Il est bon de remarquer qu'Hélyas à son retour est accueilli par le roi son père et par la reine sa mère, quoique précédemment 1 le trouvère eût conté qu'Oriant avait abdiqué en faveur d'Hélyas; mais, en l'absence de son fils, il avait probablement consenti à exercer de nouveau l'autorité suprême, ce que le trouvère ne dit point toutefois.

Hélyas, sur l'emplacement de la cabane de l'ermite, où le roi Oriant avait déjà fondé un monastère, fait bâtir un château d'après le modèle de celui de Bouillon; il lui en donne le nom et nomme Ardennes la forêt voisine. Ces souvenirs attendrissants des lieux où nous avons laissé nos affections, pourraient passer pour une imitation classique et pour une contre-épreuve de cet endroit de l'Énéide, où Andromaque, exilée en Épire, donne à un ruisseau le beau nom de Simoïs, où Helenus refait en petit Troie, Pergame, le Xanthe :

Ante urbem, in luco, falsi Simoentis ad undam

Procedo, et parvam Trojam, simulataque magnis
Pergama, et orentem Xanthi cognomine rivum
Agnosco, Scaeaeque amplector limina portae.
(Æneid., lib. III, v. 302, 349-51.)

Mais le sentiment est partout le même et les ignorants colons de l'Amérique ne songeaient certainement pas à Virgile en baptisant des noms de la patrie absente les déserts où ils venaient s'établir.

Hélyas embrasse la vie religieuse.

Moine fu Hélyas, et Jhésucris l'ama 2.

1 V. 2188.

2 Voyez v. 3185.

L'empereur, fidèle à sa promesse, marie la fille du chevalier à Eustache, comte de Boulogne. Les comtes de Boulogne-sur-Mer se sont con- Les comtes de Boulogne, sidérés en conséquence comme les représentants de la race du Chevalier au Cygne, et les deux faces d'un ancien sceau de cette commune portent, dit-on, une figure tirée du roman. Les sculptures d'un coffret d'ivoire, de la collection de M. du Sommerard, sont toutes empruntées à la même légende. M. Francisque Michel se propose d'orner de la copie du sceau et du coffret une dissertation sur l'influence des romans de chevalerie. Malbrancq blasonne ainsi les armes du comté de Boulogne: « Comitatus ac ditionis insignia tres globos rubeos, aureo in aequore, prae se ferunt. » De Morinis, Tornaci, 1659, in-4o, I, 35, 40. Mais ailleurs, ainsi qu'on l'a vu, il nous offre un sceau de Godefroid, comme comte de Boulogne, avec le cygne en plein. C'est peut-être celui de M. F. Michel.

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Ydain ne tarda pas à mettre au jour Godefroid, Baudouin et Eustache. Ici se place l'anecdote d'Eustache, à qui une personne étrangère donna le sein, pour apaiser ses cris. Le trouvère en avait déjà touché quelques mots auparavant. On a, plus tard, attribué le même mouvement d'indignation à la reine Blanche, mère de saint Louis.

Il conte ensuite avec quelle fierté la comtesse Ydain avait reçu le duc de Brabant, le comte de Namur, l'évêque de Liége et d'autres grands personnages. Son mari, mécontent de cette conduite, lui en avait demandé la raison, et Ydain avait répondu qu'on lui devait plus de respect qu'à une reine, puisque ses trois fils iraient outre-mer venger le Seigneur. Guillaume de Tyr présente autrement cette prophétie :

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LIB. IX, cap. VI, Matris praesagium de futuro statu filiorum 1.

«

Guillaume de Tyr.

Horum tantorum principum mater, sancta, religiosa et Deo placens Légende rapportée par femina, dum adhuc essent in aetate tenera, spiritu plena divino, fu

turas praevidit conditiones, et statum qui praeparabatur adultis quasi

» quodam praedixit oraculo. Nam dum semel circa matrem, sicut mos

Recueil des hist. des croisades, t. I, p. 371.

TOM. I.

r.

Princes maliométans.

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» est puerilis, luderent adinvicem, et sese lacessentes ad matris gremium frequentem haberent recursum, accidit quod, eis sub ejus chlamyde latentibus, vir venerabilis comes Eustachius, eorum pater, ingressus est. Ubi cum mutuo se provocarent, pedes et manus agitantes, ma>> tris qua induta erat operti chlamyde, quaesivit comes quidnam esset quod ibi tam crebro moveretur. Cui illa respondisse dicitur : Tres magni principes, quorum primus dux, secundus rex, tertius comes esset futurus. Quod postmodum, benigna dispensatione, divina implevit clementia: » et verum praedixisse matrem rerum eventus subsequens declaravit. Primus enim dominus Godefridus, ut praemissum est, defuncto suc>> cedens avunculo, ejus ducatum obtinuit, regnum etiam Hyerosolymorum postmodum, universorum principum electione, consecutus, >>> in quo secundus natu dominus ei Balduinus successit; tertius, do>> minus Eustachius, qui, defuncto patre, succedens in universum, avitam » eorum, ut praemissum est, obtinuit haereditatem. »>

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Ne dirait-on pas d'un fragment de chanson de geste, traduit en latin? Cependant la duchesse Clarisse de Bouillon, inconsolable de l'absence de son mari, avait envoyé à sa recherche deçà delà la mer. Enfin elle dépêcha en Syrie un chevalier appelé Ponce. Celui-ci se dirigea droit sur Jérusalem. Presque tous les princes mahométans s'y trouvaient réunis, Corbadas, roi de Jérusalem, ayant voulu, en leur présence, remettre sa couronne à son fils Cornumarant.

Au moment où les croisés allaient assiéger Jérusalem, cette ville, à ce que nous apprend Aboulféda, était tenue en fief par l'émir Ortok, qui l'avait reçue de Tanasch, maître de la plus grande partie de la Syrie et dont les fils Redhwan et Dekkak, régnèrent l'un à Alep et l'autre à Damas. Ortok transmit ce fief à ses fils Ylgazy et Sokman. Ortok est donc le Corbadas du roman, et un de ses fils est Cornumarant. Autour de lui se groupent Kerboga, prince du Moussoul, Corbaran ou Corboran 1,

1 Voy. vers 3185.

Thogdekin, Tochteghin ou Dodequin 1, gouverneur (atabek) de Dekkak, prince de Damas, et qui finit par s'arroger l'autorité; Djenah'Eddauleh, prince d'Émesse, avec d'autres princes et chefs dont les noms sont désignés d'une manière méconnaissable par le romancier.

Trond.

Ponce accoste, dans la foule des pèlerins qui étaient venus visiter le L'abbéGérard de SaintSaint-Sépulcre, un abbé de S'-Trond, appelé Gérard 2. Ils retournent ensemble en Europe comblés des présents et des bons procédés de Cornumarant, à qui l'éloge que l'abbé lui avait fait de la France, avait inspiré le désir de visiter ce pays. Ils s'égarent et arrivent dans une contrée où ils ne comprennent personne, excepté les clercs qui parlaient latin. Or, ils étaient en Lillefort: Ponce, chevalier du duché de Bouillon, et Gérard, abbé de S-Trond, à moins qu'ils n'ignorassent tout à fait le flamand, devaient-ils être si dépaysés en Flandre; d'ailleurs, cette ignorance du flamand était-elle de nature à les embarrasser dans la Flandre gallicane? Les trouvères n'y regardaient pas de si près.

Une ville fermée s'offre à leurs yeux, et ils se croient à Bouillon: c'était en effet Bouillon-le-Restauré. Instruit par un ecclésiastique, ils apprennent les faits qui ont été racontés précédemment et qu'Hélyas est moine au monastère de Saint-Thiéry. Ils voient Esméré et sont parfaitement reçus par le roi et la reine, que l'on ne nomme point, mais qui semblent être encore Oriant et Béatrix. Ponce va trouver, dans l'abbaye, Hélyas, qui le charge de remettre son anneau de mariage à la duchesse. Celle-ci, de son côté, était entrée en religion. Ponce et Gérard, tout couverts d'or, reviennent chez eux. Ponce s'acquitte de sa commission, et la duchesse de Bouillon, accompagnée de sa fille Ydain, se rend auprès d'Hélyas, qu'elle trouve malade et qui meurt entre ses bras. Elle ne tarde pas à le suivre au tombeau, consumée par le

regret.

Ainsi finit, à proprement parler, le roman du Chevalier au Cygne.

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