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Or tenez! vez-ci sa portée :
En devez-vous grant joie avoir?
Certes elle est digne d'ardoir,

Quant teulx iij chéaux vilz et ors
Sont nez et issuz de son corps,
Con je voi ci.

Thierri montre la même crédulité qu'Orient, et laisse à sa mère le soin de sa vengeance.

Or il arrive qu'un charbonnier, appelé Regnier, trouve dans la forêt les trois enfants d'Osanne; il les porte chez lui, et, par le conseil de sa femme, il les fait baptiser. Pendant ce temps l'infortunée Osanne conjure la Vierge d'avoir pitié de son innocence et de son malheur. Touchée de cette prière, la mère du Sauveur s'adresse à son divin fils :

Chier filz, ains que plus avant passe

Heure ne terme de ce jour,

Plaise vous qu'alons sans séjour

Conforter en celle prison

Celle qui est sanz mesprison,

Que si dévotement me tent

Cuer et corps et à moy s'atent

Que la sequeure.

DIEU.

Il me plaist. Alons sans demeure,
Mère, je vueil ce que voulez.

En conséquence, Jésus et sa mère, accompagnés de Saint-Jean et de quelques anges, se rendent dans la prison d'Osanne et lui promettent secours et récompense.

D'un autre côté, la mère du roi, qui craint que tant que sa bru vivra, la vérité ne puisse être découverte, redouble de rigueur à son égard. Ce qui excite surtout son dépit, c'est qu'Osanne, malgré ses souffrances, n'a rien perdu de sa beauté. Aveuglée par la haine, elle charge trois de ses

serviteurs de jeter la reine à la mer. Mais, émus par ses larmes, ils se bornent à l'abandonner seule dans une barque, sans voiles et sans rames1. La marâtre, qui se croit mieux servie, va annoncer à son fils la mort d'Osanne. Thierri sent, à ce coup, son affection se réveiller. Il soupçonne sa mère et prie Dieu que, si elle a calomnié la reine, elle en soit punie sur-le-champ. A peine a-t-il prononcé ce vœu, que cette femme cruelle tombe morte, et à l'instant tout son corps devient noir. L'innocence d'Osanne est manifeste; mais où trouver cette victime de tant de méchanceté? Heureusement Dieu ordonne à l'archange Michel d'aller chercher Osanne et de la conduire, dans son bateau, au port le plus proche de Jérusalem. La reine parvient dans une hôtellerie, où elle s'engage comme servante, sous le nom d'Osannette.

Sur ces entrefaites, le roi s'égare à la chasse et se réfugie dans la cabane du charbonnier qui avait élevé ses trois fils. Reconnaissance. Béthis confirme les dépositions de Régnier, et tout s'achemine vers le dénoûment, quand on avertit Thierri que les sarrasins sont débarqués dans ses états. Il marche contre eux et les repousse. Voulant remercier Dieu de cette victoire, il se met en voyage avec ses fils pour le Saint-Sépulcre. Sur la route, il va loger dans l'auberge où servait Osanne et que ses maîtres lui avaient laissée avant de partir en pèlerinage pour Rome. Osanne, à la vue du roi d'Arragon, tremble et se déguise afin d'échapper à sa colère. Thierri, qui ne la reconnaît pas, aperçoit au doigt de l'hôtelière un anneau qui ranime en lui d'anciens souvenirs :

Une foiz je le donnay
Une dame que moult amay,

Qui de cest siècle est trespassée.
En paradis soit repassée

1 Dans le roman de Partonopeus de Blois, ce prince trouve près du rivage un vaisseau à l'ancre, dans lequel il monte sans y rencontrer personne, et qui, poussé par un vent favorable, le conduit en pleine mer. Cf. ci-dessus la légende de Sceäf.

De gloire avec les sains son ame!
Car c'estoit une vaillant dame;
Mais ma mère, par traïson,

La fist mourir et sanz raison.....

A ces mots plus d'incertitude. Osanne se découvre, la joie est générale, et des ménestrels sont appelés pour célébrer sans retard un événement si heureux.

Sainte Anne et l'empereur Fanouel.

Le roman des Sept Sages.

Faites-me tost venir bonne erre

Les menestères qui joueront

Ou mes clercs qui bien chanteront.

Ainsi, la gaie science se mêlait à toutes les chances propices de la vie.

Il y a aussi une certaine similitude entre Béatrix, persécutée par Matabrune, et un personnage du poëme de Notre-Dame Sainte-Marie, composé par un trouvère du treizième siècle (on présume que c'est Herman 1). Là sainte Anne naît de la cuisse de l'empereur Fanouël, qui, honteux de cette naissance, ordonne qu'on porte l'enfant au milieu des bois et qu'on la tue. Une colombe descend du ciel.... Anne est épargnée; elle est déposée dans un nid de jeunes cygnes et nourrie par un cerf, ainsi qu'Hélyas. En allant à la chasse son père la retrouve 2.

D'où vient cette histoire? on l'ignore. A propos de la naissance de sainte Anne, on remarquera que dans le roman des sept sages 3, il est question d'un jeune valet, appelé Jessé, engendré par l'odeur d'une poudre confiée à sa mère. La cuisse de Fanouël n'est-elle pas un peu parente de la cuisse et de la tête de Jupiter, et sainte Anne ne rappelle-t-elle pas jusqu'à un certain point, et toute réserve sauve, Bacchus et Minerve?

1 Le rapport est plus intime encore avec Géneviève de Brabant. Le Roux de Lincy, Introd. à la nouv. bibl. bleue, p. xxxvj.

2 Le Roux de Lincy, Introd. au Livre des légendes, pp. 24 et suiv. L.-J. Alfred Maury.

3 Ad. Keller, p. 130; Essai sur les légendes pieuses du moyen âge. Paris, 1843, in-8°, p. 170.

Griselidis, l'infortunée et intéressante Griselidis, ne peut-elle pas aussi Griselidis.

se présenter à notre souvenir?

La comtesse d'Anjou, poëme d'Alart Peschotte, auteur du XIVe siècle, La comtesse d'Anjou. rappelle beaucoup le fond du Chevalier au Cygne. M. Paulin Paris, dont le tact est si délicat, n'a pas manqué de saisir ce rapprochement.

L'héroïne, dont on tait le nom, était fille du comte d'Anjou. Une fois, en jouant avec lui aux échecs, elle lui inspira, sans y penser, une passion criminelle. Pour éviter l'infamie qui menaçait sa famille, la jeune fille quitta furtivement la maison paternelle, erra longtemps comme une malheureuse; enfin, le comte de Bourges, rendant hommage à sa beauté et à ses qualités aimables, la choisit pour épouse.

Pendant un voyage que le comte fut contraint de faire, elle devint mère d'un fils; mais, seconde Matabrune, la comtesse de Chartres, furieuse de ce qu'elle appelait la mésalliance du comte de Bourges, son neveu, donne ordre au châtelain de Lorris de précipiter dans un puits la jeune et belle comtesse et son enfant. Le châtelain ne peut se résoudre à obéir; il épargne les jours de la mère et lui donne les moyens de s'éloigner. Le com te revient, découvre la trahison, cherche en tous lieux sa femme et la retrouve. Cependant, comme le comte d'Anjou avait expiré de honte après le départ de sa fille, et que son frère, héritier de la terre, venait lui-même de mourir, la comtesse de Bourges avoue le secret de sa naissance à l'évêque d'Orléans, et dote de la comté d'Anjou le mari qui avait, en s'unissant à elle, cru prendre une infortunée sans naissance et sans fortune. La comtesse de Chartres est brûlée vive en punition de son crime, et les deux époux vivent enfin heureux, aimés de leurs vassaux, entourés d'une nombreuse postérité 1.

Nous avons déjà indiqué les auteurs qui ont traité notre sujet sous Lohengrin. la forme du Lohengrin. Voici comment l'expose le poëte publié par Gorres 2.

1

2

Les manuscrits franç. de la bibl. du roi, t. VI, pp. 40-44.

Grimm, Deutsche Sagen, t. II, pp. 306-310; trad. franç., tom. II, 366-370. Parcival,

Le duc de Brabant et de Limbourg était mort sans laisser d'autre héritier qu'une jeune fille nommée Els, Elsa ou Elsam 1. Sur son lit Frédéric de Termonde. de mort, il la recommanda à un de ses vassaux. Frédéric de Telramund (Termonde). Frédéric, qui était d'ailleurs un vaillant guerrier, et avait tué, à Stockholm, en Suède, un dragon terrible2, devint présomptueux; il convoita la main et les domaines de la jeune duchesse, sous le faux prétexte qu'elle lui avait promis mariage. Comme elle se refusait obstinément à l'accepter pour époux, Frédéric s'en plaignit à l'empereur Henri l'Oiseleur, qui prononça qu'elle aurait à se défendre contre ce chevalier, dans un combat judiciaire, par l'entremise d'un guerrier chargé de sa cause.

Personne ne se présentant, la duchesse pria intérieurement Dieu de la sauver. Alors on entendit dans le lointain, retentir le son des cloches de Mont Salvatch (Mons Salutis) 5, près du Gràal (l'oracle du Saint-Sang

V. 24624-24715, et nos Append., I, no 6. Fuertrer bei Hofstaeter, Altd. Ged. aus den Zeiten der Tafelrunde, aus Handschriften der K. K. Hofbibl. Wien, 1811, in-8°, t. II, pp. 131-173. J.-W. Wolf, Nied. Sagen, pp. 83-87; trad. holl., pp. 94-98. Koberstein, Grundriss zur Gesch. der D. nat. Literatur. Leipz., 1830, in-8°, p. 53. Vonder Hagen und Busching, Litterat. Grund., pp. 98-158. Grimm, Recens., Heidelb. Jahrb., 1813, t. IX, p. 849.

1 C'est celle que MM. Henry et Apffel appellent la Duchesse d'Elsang. HIST. DE LA LITT. ALLEM. Paris, 1839, p. 63. Ils disent plus bas que Gorres a publié une nouvelle (!) édition de ce poëme; ces messieurs ne paraissent pas très-bien renseignés. Cf. F.-C. Vilmar, Vorlesungen über die Gesch. der D. nat. Literatur. Marb. und Leipz., 1845, in-8o, p. 173. G.-G. Gervinus, Gesch..der poetischen nat. Literatur. Leipz., 1842, t. II, p. 57, etc.

2 Do was da an den ziten Kunt,

Das derselbe Friderich von Telramunt;

Zu Stokhalm scluc den Wurm von Sweden landen.

(LOHENGRIN, Heidelb., 1813, in-8o, p. 11.)

3 Gorres dit que le temple du Montsalvatch ou Montsalvaez, dans le Titurel, est une copie de celui de Sainte-Sophie à Byzance. Préf. du Lohengrin, p. xvi.

Von Munsalvaesche wart gesant

Der den Swane brâhlt.....

(PARCIVAL (plus bas, p. 206).)

Le Mont du Salut ne serait-il pas une métamorphose chrétienne du royaume païen d'Hellia,

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