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che. Enfin le nombre l'emporta. Loherangrin reçut au bras gauche une blessure si grave, qu'aucun médecin ne la put guérir. Quand ses ennemis le virent mortellement blessé, ils se prosternèrent devant lui, désarmés par sa grande vertu. Belaye mourut de douleur en recevant la nouvelle de sa mort. Loherangrin et Belaye furent embaumés et ensevelis ensemble, et, dans la suite, un couvent fut bâti sur leur tombeau. On montre encore, dit le poëte, leurs corps aux pèlerins. Le pays nommé auparavant Lyzaborie, prit du paladin le nom de Lotharingie (Lorraine ou Lothier). Cet événement eut lieu cinq cents ans après la naissance du Christ.

Il est inutile de le répéter: des saga belges forment toujours la trame de cette broderie épique. Dans ce concours peut-il y avoir rien d'arbitraire et de fortuit?

Un épisode intéressant du sujet ainsi exploité nous apprend comment la curiosité de l'épouse d'Hélyas fut punie. Par cet endroit la fable austrasienne se rapproche de celles de Psyché et de Partonopeus de Blois 1, sans qu'elle en soit nécessairement une imitation postérieure au fait fondamental de la légende. Il n'est pas indispensable que le souffle de la littérature classique ait fait éclore cette fleur, qui a pu naître spontanément sous des climats différents. Pighius trouve tout simple qu'un aventurier, intéressé à cacher sa naissance, ait imposé la loi du silence sur cet objet, à une épouse d'un rang élevé. Quant à sa disparition, circonstance également naturelle et motivée, elle a dû être facilement recouverte d'une teinte de merveilleux.

Molitor, en son traité de Pythonicis mulieribus, chapitre VI, transcrit une légende analogue qu'il emprunte au Malleus maleficarum 2, qui, lui

1 Voir l'édition de M. Crapelet, Paris, 1834, 2 vol. gr. in-8°; l'article critique de M. Raynouard, dans le Journal des Savants, déc. 1834, pp. 725-734; le rapport de M. de Martonne, Mém. de la Société royale des antiquaires de France, nouv. série, t. I, pp. 410-422.

2 Mallei maleficarum tractatus aliquot. Lugd., 1669, in-4°, t. II, p. 29. Nederlandsche volksoverleveringen, p. 216.

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même, déclare la tirer de Vincent de Beauvais, in Naturali, libro tertio, c'est-à-dire au livre troisième de son Miroir naturel, où, par une nouvelle fatalité, il nous a été impossible de la découvrir.

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Nous copions, à notre tour, dans le Malleus, l'historiette rapportée par Molitor:

« Ganfridus (Gaufridus) Athioderus, prout eumdem Vincentius in » Naturali libro tertio recitat, dicens quomodo quidam decanus sacerdotum cum sorore ducis Burgundiae, regi Siciliae Rogerio despon

sata, aliquandiu regnum inhabitavit, ibi certissime comperit quod natabat quidam strenuus juvenis, et, natandi arte peritus, circa crepusculum noctis, lucente luna, in mari balneans, mulierem post se natantem per crines apprehendit, tanquam unum ex sociis, qui cum vellet mergere, eamque alloquens, nullum verbum extorquere potuit, Opertamque pallio in domum duxit, et tandem in uxorem solemniter accepit. Increpatus aliquando a socio quodam quod phantasma accepisset, expavescens arripuit gladium, minatus, in conspectu ejusdem mulieris, filium quem ex ea susceperat interfecturum, nisi illa loqueretur et diceret unde esset. « Quid? inquit; vae tibi misero, utilem perdis uxorem dum cogis affari. Tecum essem, et tibi bene foret, si injunctum mihi silentium tenere permisisses. Nunc autem deinceps me non videbis. » Et mox evanuit. Puer autem crevit et marinum balneum

frequentare coepit. Tandem una dierum phantastica illa mulier coram multis eundem puerum in eisdem fluctibus occurrentem rapuit: quem, si verus filius fuisset, mare ad littus expellere debuisset. »> Un ecclésiastique, revêtu de la dignité de doyen, ayant suivi la sœur du duc de Bourgogne, fiancée à Roger, roi de Sicile, et ayant séjourné quelque temps dans ce pays, apprit de source certaine qu'un jeune homme plein de courage et habile nageur, au moment où il prenait dans la mer le plaisir du bain, au clair de la lune, saisit par les cheveux une femme qui nageait derrière lui, croyant que c'était un de ses camarades qui voulait le faire plonger. Il lui adressa la parole, mais n'en put

gues en jeunes femmes qui ensuite redeviennent cygnes.

arracher un mot, la conduisit chez lui couverte de son manteau et finit
par l'épouser. Au bout d'un certain temps, blàmé par un de ses amis de
s'être uni à un être fantastique, il s'émut à cette idée, prit son épée et
menaça sa femme de tuer le fils qu'il avait eu d'elle, si elle ne parlait
et ne lui avouait d'où elle venait. « Que veux-tu? s'écria-t-elle; malheur
à toi qui perds une épouse dévouée en la forçant de prendre la parole.
Je serais restée avec toi et tu serais heureux, si tu m'avais permis de
garder le silence qui m'est enjoint. C'en est fait, tu ne me verras plus.
A ces mots elle disparut.

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L'enfant grandit et commença à prendre des bains de mer. Enfin un jour cette femme singulière revint et l'entraîna dans les flots. Si c'eût été un enfant ordinaire, remarque le narrateur, la mer aurait dû le rejeter de son sein.

Le même Molitor raconte une autre anecdote qui se rattache également à notre roman, mais sous un autre rapport. M. Grimm l'a citée d'après Afzelius 1. Un adolescent vit trois cygnes qui laissaient sur le bord Métamorphoses de cy- de l'eau leur blanc plumage, se métamorphosaient en belles jeunes filles, se baignaient ensuite, puis, reprenant leur première parure, s'éloignaient sous la forme de cygnes. Il se mit à les épier et enleva la robe de plume de la plus jeune, qui se jeta à ses pieds et le supplia de la lui rendre. Il fut inflexible, l'amena avec lui et l'épousa. Sept ans après, il s'avisa de lui montrer la dépouille dérobée; à peine cette femme l'eutelle entre les mains qu'elle redevint cygne et s'envola par la fenêtre : son mari mourut bientôt de chagrin.

La tradition prussienne que M. Adalbert Kuhn a recueillie dans les pays de la Marche, sous le nom de die Schwanenkette (la chaîne du cygne), n'a de relation avec notre fable que parce qu'elle nous offre un cygne et une chaîne. La voici, à tout hasard :

1 Nederlandsche volksoverleveringen, p. 217. Afzelius, Sagahäfder, t. II, pp. 143-143. Deutsche Mythol., 2o édit., I, 1216.

cygne noir.

Un paysan d'Heiligensee creusait dans son jardin, situé dans le voi- La chaine de fer et le sinage de la mer, pour y construire un four. Tout à coup sa pêle heurte un corps dur : c'était une lourde chaîne de fer. Charmé de sa trouvaille, il saisit la chaîne, mais il a beau tirer, il n'en trouve pas la fin. En cè moment il aperçoit un cygne noir qui se jouait parmi les flots. Dans sa surprise le paysan lâche la chaîne qui disparaît avec le cygne 1.

N'est-ce pas là un fragment rustique et tout matériel de notre légende?

Voyons maintenant comment Conrad de Wurtzbourg, décédé en 1280, Conrad de Wurtzbourg. s'est approprié le sujet de notre chanson de geste, sans altérer son essence belge; car c'est là un point sur lequel il convient d'insister. On n'ignore pas que ce chantre des Niebelungen a traité un autre sujet belge et raconté

bant.

en vers les aventures d'Engelhard de Bourgogne, de Dietrich, duc de Dietrich, duc de BraBrabant, son compagnon d'armes, et d'Engeldrut, fille du roi de Dane

marck 2.

bant.

Le duc Gottfried ou Godefroid de Brabant (?), dit maître Conrad 3, Godefroid, duc de Bran'avait pas, à sa mort, laissé d'enfant mâle et avait réglé, par testament, que ses domaines appartiendraient à la duchesse et à sa fille. Le frère de Godefroid, le puissant duc de Saxe, ne tint pas compte de cette dis- Le duc de Saxe. position, et, malgré les plaintes de la veuve et de l'orpheline, il s'empara

de la contrée qui, d'après le droit allemand, ne pouvait pas échoir à des femmes (das nach deutschem Rechte auf keine Weiber erben könne).

1 Märkische Sagen und Märchen. Berlin, 1843, in-8o, p. 165.

2 Eschenburg en a fait connaître des passages tirés d'un manuscrit conservé dans la bibl. de Wolfenbuttel, Musée allem., fév. 1776.

3 W. Grimm, Alld. Wäldern, Frankf., 1846, t. III, pp. 49-51; F.-W. Genthe, Deutsche Dichtungen des Mittelalters, Eisleben, 1841, t. II, pp. 280-309; Broed. Grimm, Deutsche Sagen, t. II, pp. 312-314; traduct. franç., t. II, p. 372-375; J.-W. Wolf, Nied. Sagen, pp. 88-90; traduct. holl., pp. 99-102.

* Un saxon persécute aussi la princesse Béatrix de Clèves, d'après la chronique de Brogne, App., I, no 1. L'abbé Le Paige remarque que, dans le canton de Munster, il y a un village appelé Sassenberg (Mont des Saxons), et que ce village, peu éloigné du pays de Clèves, a pu être le séjour de l'ennemi de Béatrix. Hist. de l'ordre du Cygne, p. 26.

gue.

La duchesse résolut, en conséquence, de se plaindre au roi Charles; Charlemagne à Nimè- et, comme peu de temps après, ce monarque vint dans les Pays-Bas, et tint cour plénière à Neumagen 1 sur le Rhin, elle s'y rendit avec sa fille et demanda justice. Le duc de Saxe y était venu de son côté, déterminé à soutenir ses droits. Or il arriva que le roi, regardant par une fenêtre, vit un cygne éclatant de blancheur qui se dirigeait en nageant vers la rive du fleuve, traînant derrière lui une petite barque attachée par une chaîne d'argent qui brillait d'un vif éclat. Dans la barque dormait un chevalier, la tête appuyée sur son bouclier, et ayant près de lui son heaume et son haubert. Le cygne ramait comme un pilote habile, et il conduisit la barque au rivage.

Charles et toute la cour furent on ne peut plus étonnés de cet étrange événement: tout le monde oublia la plainte de la duchesse et courut sur les bords du Rhin. Cependant le chevalier se réveilla et descendit de la nacelle; le roi le reçut avec magnificence, le prit lui-même par la main et le conduisit au château. Alors le jeune guerrier dit à l'oiseau : << Poursuis ta route, cher cygne! quand j'aurai besoin de toi je t'appellerai. » Aussitôt le cygne s'élança, et disparut bientôt avec sa barque aux yeux des spectateurs. Chacun regardait l'étranger avec curiosité; Charles revint à son tribunal, et désigna à son hôte inconnu une place parmi les autres princes et barons.

La duchesse de Brabant, accompagnée de sa fille au vis clair, exposa d'abord ses griefs; et après elle le duc de Saxe, affermi dans sa derverie 2, prit la parole pour se défendre. Enfin il offrit de soutenir son droit par les armes et demanda que la duchesse choisît un champion pour défendre le sien. Cette proposition la fit trembler; car le duc était un

1 Dans la plupart des versions de notre légende, c'est à Nimègue que ce débat a lieu; Neumagen (Noviomagum) est proprement un bourg sur la Moselle avec un vieux château et où l'on voit des vestiges assez nombreux des Romains.

2 Ce vieux mot vient peut-être du flamand, dief, larron, voleur, dievery, volerie, qui tient du brigand. Nous préférons du moins cette étymologie à celle de M. de Roquefort qui remonte au latin deviare. Voy. la note sur le v. 553.

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