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DES ACROSTICHES.

On appelle acrostiches (du grec akros, extrémité, el slichos, ordre, vers), des vers dont les premières ou les dernières lettres forment par leur réunion soit un, soit plusieurs mots offrant un sens quelconque. Tels sont les vers suivants faits sur Louis XIV:

ouis est un héros sans peur et sans reproche; On désire le voir. Aussitôt qu'on l'approche, En sentiment d'amour enflamme tous les cours; - ne trouve chez nous que des adorateurs ; on image est partout, excepté dans ma poche.

Les acrostiches remontent à la plus haute antiquité. Dans la Bible, chaque verset des psaumes 35 et 448 commence par une des lettres de l'alphabet hébreu.

« Quelques auteurs appellent aussi acrostiches, dit le Dictionnaire de Trévoux, les deux épigrammes du premier livre de l'Anthologie (chap. 58), faites à l'honneur, l'une de Bacchus et l'autre d'Apollon. Elles sont composées de vingt-cinq vers, dont le premier est la propo

sition ou le dessein de Fépigramme, les vingt-quatre suivants sont composés chacun de quatre épithètes commençant toutes quatre par la même lettre, et disposés selon l'ordre alphabétique des vingt-quatre lettres de l'alphabet grec, de telle sorte que le premier de ces vingtquatre vers comprend quatre épithètes qui commencent toutes par A, le second quatre épithètes qui commencent par B, et ainsi des autres jusqu'à N. Ce qui fait quatrevingt-seize épithètes pour chacun de ces dieux. »

Suivant Cicéron, Ennius avait fait des acrostiches; mais ce détestable genre de poésie ne fut mis en honneur que dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, c'est-à-dire à une époque de décadence. On rapporte en effet à ce temps les arguments mis en tête des vingt comédies de Plaute. Ces arguments sont composés d'autant de vers qu'il y a de lettres dans le mot qui forme le titre de la pièce, et chaque vers commence par une des lettres de On les attribue généralement à Priscien, grammairien du sixième siècle. En voici un exemple, tiré de Casina:

ce mot.

-

Conservam uxorem conservi duo expetunt, lium senex adlegat, alium filius.

ors adjuvat senem; verum decipitur dolis. -la ei subjicitur pro puella servolus

Zequam, qui dominum mulcat atque villicum..
Adolescens ducit civem Casinam cognitam.

«Deux esclaves du même maître recherchent en ma«riage une jeune fille esclave avec eux. L'un sert les «< intérêts du vieillard, l'autre ceux de son fils. Le sort « favorise le vieillard; mais il est dupe d'une ruse. Ainsi « l'on substitue à la jeune fille un esclave brutal qui bat

<< son maître et son fermier. - Le jeune homme épouse << Casina, qui est enfin reconnue libre. »

Au neuvième siècle, Raban-Maur, d'abord abbé de Fulde, puis évêque de Mayence, sa patrie, composa en latin un Traité des louanges de la croix, en deux livres, Pfortzheim, 1501, in-folio. Cet ouvrage, qui a joui longtemps d'une immense réputation, est un recueil d'acrostiches tétragones de trente-cinq vers, ayant chacun trente-cinq lettres, et formant des figures mystiques de la croix. Nous prendrons seulement dans une de ces pièces les vers qui forment la croix et son encadrement.

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Le même siècle offre une pièce insérée dans l'llistoire de Blois, de Jean Bernier, et digne de rivaliser avec celle de Raban. Elle est à la louange de Guillaume, comte de Blois. Les premières et les dernières lettres de chaque vers forment celui-ci :

Te virtute crucis, Soter, Guillelme, coronat.

De plus, le même vers se trouve répété de manière à figurer une croix au milieu.

Nous ne connaissons pas d'exemples de vers acrostiches dans notre langue vulgaire au moyen âge; mais ils abondent à partir de la renaissance des lettres. Voici le blason de Paris, composé par Grosnet :

aisible domaine,
>moureux vergier,
epous sans dangier,
-ustice certaine,

cience haultaine,

C'est Paris entier.

Les poètes à cette époque se servirent très-souvent de l'acrostiche pour cacher leur nom ou celui d'une maîtresse à laquelle ils adressaient leurs vers, mais qu'ils ne voulaient pas faire connaître au public. C'est ainsi que

le célèbre poète macaronique Théophile Folengo cacha le nom de Girolama Dieda dans une canzone acrostiche, et Clément Marot le sien dans le rondeau suivant :

omme Dido, qui moult se courrouça,
ors qu'Eneas seule la délaissa
En son pays; tout ainsy Maguelonne '

ena son dueil: comme très saincte et bonne
n l'hospital toute sa fleur passa.
Zulle fortune oncques ne la blessa,
Houte constance en son cueur amassa
Zieulx espérant: et ne fut point félonne
Comme Dido.

ussi celuy qui toute puissance ha,
envoya cil, qui au bois la laissa,

Où elle estoit: mais quoi qu'en en blasonne,
ant eut de dueil, que le munde s'estonne
Que d'un coulteau son cueur ne transpersa,
Comme Dido.

-

Ce fut surtout au dix-septième siècle que les acrostiches furent en honneur. Parmi les ouvrages publiés à cette époque, il en est peu qui ne contiennent les acrostiches les plus bizarres, en l'honneur, soit du personnage auquel le livre est dédié, soit de l'auteur luimême. - De ce nombre est l'acrostiche placé en tête de l'Oriselle, ou les Extrêmes mouvements d'amour, tragi-comédie en cinq acles, en vers, dédiée à monscigneur le maréchal de Bassompierre; par Chabrol. Paris, Mathieu Colombel, 1633, in-8. Il montre à quel dégré de platitude pouvait arriver l'écrivain qui soumettait son esprit à de pareilles tortures.

La Magnelonne dont il est ici question est l'héroïne du roman jadis très-célèbre de la belle Maguelonne et de Pierre de Provence.

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