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Cailhava, malgré l'enthousiasme qu'il affectait pour Molière, refit en cinq actes le Dépit amoureux; aussi, comme il portait, enchâssée dans une bague, une dent qu'il prétendait venir de Molière, les plaisants disaient que cette dent était contre lui.

Voltaire, dont la Henriade avait été défigurée complétement par un nommé Aillaud, a refait quelques pièces de Crébillon, que ses ennemis et ses envieux lui opposaient toujours. Il est inutile de dire qu'il s'y est presque jours montré supérieur à son rival.

DU PLAGIAT PROPREMENT DIT.

Les plus grands écrivains de l'antiquité n'ont pas été à l'abri des accusations de plagiat. Un auteur inconnu, cité par Porphyre, avait composé un traité où il accusait Hérodote d'avoir emprunté des morceaux entiers de la description de l'Égypte par Hécatée. Un certain philosophe d'Alexandrie et un grammairien nommé Latinus avaient composé des traités, le premier sur les plagiats de Sophocle, le second sur ceux de Ménandre.

Eschine, au rapport de Diogène Laërce, s'attribua des Dialogues dont il n'était pas l'auteur; Diodore de Sicile, suivant Saumaise, a copié des morceaux entiers d'Agatharchides; Euripide, Tite-Live, Salluste, ont été aussi en butte à de semblables reproches.

Au moyen âge on a quelques exemples de plagiat, surtout parmi les chroniqueurs, qui, favorisés par l'ignorance de leur siècle, semblent ne s'être fait aucun scru

pule de piller leurs devanciers. Ainsi Matthieu de Westminster a pillé Matthieu Pâris, qui, à son tour, a copié l'ouvrage de Roger, prieur de Wendoves. Villani a copié Malaspina sans le citer.

Ralph ou Ranulph Higden, auteur du Polychronicon', résumé encyclopédique des connaissances au quatorzième siècle, n'a fait, comme on l'a reconnu plus tard, que retoucher le Polycratica temporum d'un autre moine, nommé Roger.

Quant aux ouvrages littéraires proprement dits, le plagiat était plus difficile, et assez sévèrement puni quand il était découvert, s'il faut toutefois s'en rapporter au fait suivant, raconté par J. de Notredame, dans son Histoire des plus célèbres et anciens poètes provençaux. Un troubadour, Albertet de Sisteron, congédié de sa dame, mourut de douleur à Tarascon, « et il bailla ses chansons à un sien ami et familier, nommé Peyre de Valieras, ou de Valernas, pour en faire un présent à la marquise de Mallespina; et au lieu de ce faire, il les vendit à Fabre d'Uzès, poète lyrique, se faisant ouïr qu'il les avoit dictées et composées; mais ayant été reconnu par plusieurs savants hommes, au rapport qu'en fit ledit de Valieras, le Fabre d'Uzès fut pris et fustigé pour avoir injustement usurpé le labeur et œuvres de ce poète tant renommé, suivant la loi des empereurs. » Cette loi des empereurs, comme l'observe fort bien C. Nodier, est grandement tombée en désuétude 2.

Les lettres initiales de chaque chapitre forment une phrase dont le sens est que Ralph, moine de Chester, est auteur de l'ouvrage. Voy, dans les Amenities of literature, de D'Israeli,le chap. First sources of modern history.

2 Questions de littérature légale, 1828, in-8, p. 54.

Lorsqu'au quinzième siècle l'étude de l'antiquité eut repris faveur, les auteurs grecs et latins, dont il ne restait quelquefois qu'un seul manuscrit, offrirent beau jeu aux plagiaires ; aussi a-t-on élevé, contre quelques philologues de cette époque, des accusations qu'il est assez difficile d'apprécier aujourd'hui.

Léonard Bruni d'Arezzo, plus connu sous le nom de Léonard Arétin, composa en latin une histoire des Goths en quatre livres, au moyen de l'ouvrage grec de Procope, dont il avait trouvé un manuscrit, et qu'il ne fit guère que traduire, puis donna cet ouvrage comme de lui, sans nommer une seule fois l'historien byzantin. Mais après sa mort, arrivée en 1444, la découverte d'un second manuscrit grec fit reconnaître la fraude.

Perotti, archevêque de Manfredonia (mort en 1480), essaya de s'approprier quelques fables de Phèdre. Du moins, c'est ce qu'on peut conjecturer d'un manuscrit autographe de ce prélat, où, parmi les fables latines de sa composition, il a inséré textuellement plusieurs pièces de l'auteur latin.

P. Alcyono, Vénitien (mort en 1527), est accusé d'avoir détruit un manuscrit unique du traité de Gloria de Cicéron, après en avoir adapté les plus beaux endroits à l'un de ses propres ouvrages.

Machiavel s'y est pris plus adroitement dans un cas semblable: ayant en manuscrit les Apophthegmes des anciens de Plutarque, il choisit ceux qui lui plaisaient le plus, et les mit dans la bouche de son héros Castruccio Castrucani.

Barbosa, évêque d'Ugento, en 1649, a publié, parmi ses œuvres, un traité de Officio episcopi, qu'il s'était procuré d'une manière assez singulière. Un de ses do

mestiques, revenant du marché, lui en avait apporté une feuille servant d'enveloppe à un poisson, et il s'était empressé d'aller acheter le reste du manuscrit.

Plus tard, les auteurs qui cultivèrent la poésie grecque ou latine ne se firent aucun scrupule de piller les anciens. Les poésies de Gilles Ménage, entre autres, ne sont guère que des centons tirés des écrivains anciens ou modernes ', ce qui lui attira une sanglante épigramme où, faisant allusion au nom latin de mademoiselle de Lavergne (Laverna), qu'il avait souvent chantée, on ne s'étonnait pas qu'il eût pris pour muse la déesse des voleurs.

Lesbia nulla tibi, nulla est tibi dicta Corinna;
Carmine laudatur Lesbia nulla tuo;

Sed cum doctorum compiles scrinia vatum,
Nil mirum si sit culta Laverna tibi.

Nous ne prétendons pas donner ici une liste complète des plagiats commis depuis le seizième siècle, nous voulons seulement énumérer les plus frappants parmi les ouvrages de littérature proprement dite et d'érudition.

Le dialogue della Stampa (1562, in-8) du savant littérateur italien Louis Domenichi est pris tout entier dans les Marmi, ouvrage de Ant. F. Doni, imprimé dix ans auparavant. Nous avons tort de dire tout entier, car le

4 On sait que Molière, dans les Femmes savantes, l'a mis en scène sous le nom de Vadius, auquel il fait dire par Trissotin:

Va, va restituer tous les honteux larcins

Que réclament sur toi les Grecs et les Latins.

Ménage préparait, lorsqu'il mourut, un livre sur l'imitation et le larcin des poètes. Nous aurions été curieux de voir comment il aurait traité un sujet où il ne pouvait guère être impartial.

plagiaire y inséra trois violentes invectives contre sa victime, et, dans l'une d'elles, il lui reprochait effrontément ses plagiats. Ce procédé était assez bizarre, mais, ce qui le fut encore plus, c'est que Doni, qui avait volé quelques années auparavant, à Sebastiano Manilio, une traduction des lettres de Sénèque, n'osa réclamer, et se tint pour injurié, pillé et content.

Coriolano Martirano, poète latin, mort en 1557, avait composé huit tragédies latines, deux comédies, et d'autres pièces, publiées en 1556, in-8. Ce recueil, étant devenu excessivement rare, engagea, en 1736, un inconnu à le faire réimprimer sous son nom, en y joignant d'autres pièces de vers tombées dans l'oubli. Mais le plagiaire commit l'imprudence d'en envoyer un exemplaire au savant J.-A. Volpi, professeur à Padoue, qui découvrit aussitôt l'imposture, et se hâta de la démasquer.

Ce genre de plagiat, le plus effronté de tous, a été souvent répété, et l'on trouve même des saints parmi ceux qui s'en sont rendus coupables. Ainsi Ignace de Loyola est accusé d'avoir copié littéralement des Exercices spirituels qui avaient pour auteur Cisneras, abbé de Montserrat, mort en 1510.

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Ramsay, dit Voltaire, fit les Voyages de Cyrus parce que son maître (Fénélon) avait fait voyager Télémaque. Il n'y a jusque-là que de l'imitation. Dans ces voyages, il copie les phrases, les raisonnements d'un ancien auteur anglais, qui introduit un jeune solitaire disséquant sa chèvre morte, et remontant à Dieu par sa chèvre. Cela ressemble beaucoup à un plagiat. Mais, en conduisant Cyrus en Égypte, il se sert, pour décrire ce pays singulier, des mêmes expressions employées par Bossuet; il le copie mot pour mot sans le citer. Voilà un plagiat dans

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