On peut comparer à ces pièces les deux pièces suivan tes de Panard: Que mon Flacon Me semble bon! Sans lui L'ennui Me nuit, Me suit, Je sens Mes sens Mourants, Pesants. Quand je le tiens, Dieux que je suis bien! Que son aspect est agréable! Que je fais cas de ces divins présents! C'est de son sein fécond, c'est de ses heureux flancs Que coule ce nectar si doux, si délectable, Qui rend tous les esprits, tous les coeurs satisfaits. Cher objet de mes vœux, tu fais toute ma gloire; Tant que mon cœur vivra, de tes charmants bienfaits Il saura conserver la fidelle mémoire. Ma muse, à te louer se consacre à jamais. Tantôt dans un caveau, tantôt Sous une treille, Ma lyre, de má voix accompagnant le Répétera cent fois cette aimable chanson: Règne sans fin, ma charmante bouteille, Règne sans cesse, mon cher flacon. son, A la bouteille succède le verre: Nous ne pouvons rien trouver sur la terre C'est toi qui sers à faire Où souvent pétille, Mousse et brille Le jus qui rend Gai, riant, Content. Quelle douceur Il porte au cœur ! Tôt, Tôt, Tôt, Qu'on m'en donne, Qu'on l'entonne; Tôt, Tôt, Tôt, Qu'on m'en donne, Vite et comme il faut : L'on Ꭹ voit sur ces flots chéris Nager l'allégresse et les ris. On peut ranger dans la même classe les vers croissants ou décroissants, comme les Djinns de M. Victor Hugo (Orientales), et les losanges de Panard, dont voici deux. couplets: On trouve aussi des vers figurés dans la poésie anglaise. Un nommé Puttenham a composé deux piliers en l'hond'Élisabeth. neur DES VERS RÉTROGRADES. « On appelle vers rétrogrades, dit Sidoine Apollinaire, les vers qui, sans que la mesure soit altérée ni les lettres changées de place, présentent les mêmes mots si on les lit dans leur ordre naturel ou si on remonte de la fin au commencement. - Tel est cet ancien vers : Roma, tibi subito motibus ibit amor. « On appelle aussi vers rétrogrades, ajoute-t-il, ceux qui conservent la mème mesure pour les pieds, en reprenant, non pas chaque lettre, mais chaque mot depuis le dernier jusqu'au premier. Tel est le distique que j'ai fait sur un petit ruisseau qui, grossi tout à coup par un orage, avait inondé le grand chemin et les terres labourées des environs, mais qui, après l'orage, rentra dans son lit accoutumé. Præcipiti modo quod decurrit tramite flumen, Tempore consumptum jam cito deficiet. «En retournant ces vers, c'est-à-dire en commençant par le dernier mot, et plaçant successivement les autres dans leur ordre jusqu'au premier, on trouvera : Deficiet cito jam consumptum tempore flumen <«< On voit seulement que l'hexamètre dans le premier distique est devenu pentamètre dans le second, et réciproquement.» (Lib. IX, epist. XIV.) On range parmi les vers rétrogrades les vers qui, lus à rebours, sont encore des vers et offrent un nouveau sens. On attribue l'invention des vers rétrogrades à un poète grec du troisième siècle avant J.-C., Sotadès, Ptolémée Philadelphe, irrité de ses sanglantes satires, fit précipiter dans la mer. que Les vers rétrogrades en grec ne sont pas très-communs. Les plus connus sont les vingt-sept vers de l'empereur d'Orient Léon VI, publiés dans les Excerpta d'Allatius 1641, in-8. Les vers de ce genre en latin sont au contraire fort nombreux. L'un des plus célèbres est le suivant, qui, retourné, forme un distique relatif aux sacrifices d'Abel et de Caïn : ABEL dit: Sacrum pingue dabo, non macrum sacrificabo. CAÏN répond: Sacrificabo macrum, non dabo pingue sacrum, On l'attribue à Politien, et il se trouvait, d'après le Museum italicum de Mabillon, dans un tableau qui représentait Abel et Caïn, et se voyait au premier cloître de Notre-Dame-la-Nouvelle, à Florence. Parmi les vers rétrogrades à double sens, nous citerons encore celui-ci, qui, sous sa première forme, Patrum dicta probo, nec sacris belligerabo, est mis dans la bouche d'un catholique, tandis qu'il peut être répété ainsi par un protestant. Belligerabo sacris, nec probo dicta patrum. Le vers suivant a cela de singulier que toutes les lettres prises à rebours en forment la répétition exacte. Arca, serenum me gere regem munere sacra. |