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Le moyen âge n'est pas resté en arrière de l'antiquité. Ainsi, nous avons d'un moine nommé Fabius Claudius Gordianus Fulgentius (mort vers 550), un petit ouvrage en prose, divisé par l'auteur, suivant l'ordre des vingt-trois lettres latines, en vingt-trois chapitres; il en reste treize entiers, et une bonne partie du quatorzième, qui ont été publiés sous le titre de Liber absque litteris, de ætatibus mundi et hominis, absque A, etc. Poitiers, 1696, in-8. Le premier chapitre est sans A; le second sans B; le troisième sans C, et ainsi du reste.

Pierre de Riga, chanoine de Saint-Denis, mort vers 1209, a inséré dans son célèbre poème de l'Aurora de nombreuses tirades sans A, sans B, etc.

Parmi les modernes, les Italiens se sont le plus exercés dans les compositions lipogrammatiques; et la lettre R semble avoir été chez eux l'objet d'une antipathie particulière. — Vincent Cardone, Horatio Fidele, l'ont chassée de leurs poèmes (la R Sbandita, R Bandita), Gregorio Leti d'un discours présenté à l'académie des Humoristes, à Rome, Riccoboni d'un conte, et enfin un auteur, dont nous ignorons le nom, l'a exclue aussi d'une comédie publiée à Gênes en 1826.

Cette lettre a éprouvé le même sort de la part de l'Allemand Burmann, dans les Gedichte ohne Buchstaben R (poésies sans la lettre R.), Berlin, 1788, in-8.

Lope de Vega et Alcala y Hénarès ont publié en espa gnol cinq nouvelles en prose, où manque tour à tour l'une des voyelles. Parmi les auteurs français qui se sont livrés à ce ridicule amusement, nous citerous le poète Salomon Certon, mort vers 4640, et l'abbé de Court, dont les Variétés ingénieuses renferment cinq lettres où quatre voyelles seules sont employées.

DE LA CONTREPETTERIE.

La contrepetterie est une espèce d'antistrophe burlesque qui consiste à échanger les initiales des mots d'une phrase, de manière à donner à cette phrase un nouveau sens plaisant et bizarre. En voici quelques exemples tirés de Tabourot :

Un sot pale.
Un pot sale.

Elle fit son prix.
Elle prit son fils.

Il tiendra une vache.

Il viendra une tache.

Il le dit à deux fames.

Il le fit à deux dames.

u trouve plusieurs contrepetteries dans Rabelais, entre autres au livre II, chap. 46 et 21 de Pantagruel; mais il les a mises dans la bouche de Panurge; et l'on se doute bien que nous ne pouvons les citer ici.

On a appliqué quelquefois la contrepetterie à l'épigramme. Alors on transpose, non plus des lettres, mais les mots d'un même vers que l'on répète plusieurs fois. Telles sont les épigrammes suivantes; la première est dirigée contre quatre papes ennemis de la France:

Paule, Léon, Jules, Clément,

Ont mis notre France en tourment.
Jules, Clément, Léon et Paule
Ont pertroublé toute la Gaule.

Paule, Clément, Léon et Jules
Ont beaucoup gagné par leurs bulles.
Jules, Clément, Paule, Léon

Out fait de maux un million.

ངེ

La seconde, due à Voltaire, ridiculise le Parnasse de

Titon du Tillet 1 :

Dépêchez-vous, monsieur Titon,
Enrichissez votre Hélicon;

Placez-y sur un piédestal
Saint-Didier, Danchet et Nadal;
Qu'on voie armés d'un même archet
Saint-Didier, Nadal et Danchet;

Et couverts du même laurier
Danchet, Nadal et Saint-Didier.

DES VERS RAPPORTÉS.

On appelle ainsi des vers disposés de telle sorte, que le premier, le second, le troisième mot du premier vers soient respectivement liés par le sens au premier, au second, au troisième mot, etc., du second vers.

Tel est ce distique latin dans lequel on a désigné les divers ouvrages de Virgile:

Pastor, arator, eques, pavi, colui, superavi,

Capras, rus, hostes, fronde, ligone, manu.

Il a été rendu ainsi par les deux frères Le Chevalier, sieurs d'Aignaux, qui publièrent, en 1582, une traduction de Virgile:

Ce Parnasse, coulé en bronze, est placé aujourd'hui dans l'une des salles de la Bibliothèque royale.

Pasteur, rustic, guerrier, j'ay peu (du verbe paître), besché, mis bas,

Chèvres, champs, ennemis, de feuille, houe et bras.

L'abbé de Marolles s'est approprié sans façon ces deux

vers.

Étienne Tabourot a cultivé beaucoup ce qu'il appelle « cette spirituelle façon d'écrire. Autrefois, dit-il, j'ai fait les vers suivants en faveur d'une de mes idoles parlan

tes:

Ta beauté, ta vertu, ton esprit, ton maintien,

Esblouit et deffait, assoupit et renflamme

Par ses rais (rayons), par penser, par crainte, pour un rien
Mes deux yeux, mon amour, mes desseins et mon âme.»>
Jodelle a fait sur Marot l'épitaphe suivante :

Quercy, la cour, le Piémont, l'univers,
Me fit, me tint, m'enterra, me conneut,
Quercy mon los, la cour tout mon temps eut,
Piémont mes os, et l'univers mes vers.

DES VERS EN ÉCHO.

On nomme écho une pièce de poésie dans laquelle se trouve répétée la dernière syllabe de quelques-uns des mots qui composent les vers. Tel est le distique latin fait en Angleterre à propos du célèbre synode tenu à Dordrecht en 4619, pour tâcher de réunir les arminiens et les contre-remontrants.

Dordrechti synodus, nodus; chorus integer, æger;
Conventus, ventus; sessio, stramen

amen.

Dans notre langue, c'est toujours sur la rime que porte l'écho.

D'après une épigramme de Martial et quelques pièces de l'Anthologie, on voit que les anciens connaissaient les échos, et que ce genre de poésie venait des Grecs.

Le plus ancien exemple que nous connaissions de vers français en écho est une chanson de Gilles le Viniers, poète du treizième siècle. Elle renferme cinq strophes ; nous citerons seulement la dernière d'après Roquefort:

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Est la paine a fins (aux vrais) amans.

Quatre siècles plus tard Joachim Dubellay composa un dialogue entre un amant qui interroge l'écho et celui-ci qui lui répond. Cette pièce a longtemps excité l'admiration.

Piteuse Écho, qui erres en ce bois,
Réponds au son de ma piteuse voix.
D'où ai-je pu ce grand mal concevoir?
Qui m'ôte ainsi de raison le devoir?
Qui est l'auteur de ces maux advenus?
Comment en sont tous mes sens devenus?
Qu'étais-je avant d'entrer dans ce passage?
Et maintenant que sens-je en mon courage?
Qu'est-ce qu'aimer et s'en plaindre souvent?

De voir.

Vénus.

Nuds.

Sage.

Rage.
Vent.

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