Et soudain je tire la fille D'entre les jambes du cheval; << Est bien fringant pour une fille; << Il vous convient mieux qu'un cheval : « C'est la monture d'une fille. « Outre les dangers qu'à cheval « On court en qualité de fille, « De montrer par où l'on est fille. »> On rencontre quelques exemples de vers monorimes chez les Arabes. Ainsi Zaidoun, qui vivait au onzième siècle, a laissé un poème nouniyya, dont tous les vers se terminent par la syllabe na, et Omar, écrivain de la même époque, est auteur d'un poème sur la vanité du monde, dont les stances ont successivement pour rimes toutes les lettres de l'alphabet. DES VERS FRATERNISÉS. DES VERS ENCHAINÉS. Les vers fraternisés sont ceux dont la dernière syllabe ou les dernières syllabes se trouvent répétées au commencement du mot suivant. Ausone, dans sa Technopégnie, a inséré une petite pièce de ce genre dont il a encore augmenté la difficulté, puisque les derniers mots de chaque vers sont monosyllabiques. « Ce sont des monosyllabes que tu vas lire, écrit-il à Pacatus. Là, nulle place à la période, nul ensemble dans les pensées; mais les monosyllabes se tiennent comme les différents anneaux d'une même chaîne. Habitué à des compositions plus graves, j'ai voulu broder un tissu léger. »> En voici le commencement: Res hominum fragiles alit, et regit, et perimit fors, Fors dubia, æternumque labans, quam blanda fovet spes, Spes nullo finita ævo, cui terminus est Mors avida, inferna mergit caligine quam mors, nox, lux, etc. Au seizième siècle, ce genre de poésie a trouvé en France d'assez nombreux imitateurs, entre autres Marot et Lasphrise. Ce dernier, mort vers 1600, avait le tort de s'en prétendre l'inventeur. Voici le premier couplet d'une chanson de Marot: Plaisir n'ay plus, mais vy en desconfort, Mal heureux est qui n'a aulcun confort. Dans le sonnet suivant de Lasphrise, le dernier mot de chaque vers est exactement répété au commencement du vers suivant, ce qui devient bien vite d'une monotonie insupportable. Fallait-il que le ciel me rendit amoureux, Deux beaux amants d'accord qui s'en meurent d'envie, Finie est la douceur que l'on ne peut plus voir, Voir, entendre, sentir, parler, toucher encore, Ore que ma moitié est loin de mon pouvoir. Les vers enchaînés sont ceux où chaque vers se lie au vers précédent par le sens et par les mots, comme dans les exemples suivants. Le premier est tiré du liv. I, chap. 56, de Gargantua: Or donné par don Et très-bien guerdonne Le second est emprunté à une chanson de Marot : Dieu des amants, de mort me garde, En le navrant me tiendras seur, En servant aura jouissance. <«< Un esprit sombre se moquera de ces rencontres, dit Pasquier; mais, quant à moi, je ne pense rien de si beau, même que ce dernier couplet, où, par une belle gradation, Marot met sa plume à l'essor, jusqu'à ce qu'il vienne fondre au point tant désiré par les amants. >> DES VERS BRISÉS. Les vers brisé « se font si gentillement, dit Tabourot, que, ne lisant que la moitié du vers, vous trouverez de petits vers français de quatre et de six syllabes, qui se riment au milieu du vers, et le plus souvent contiennent le contraire de ce qui est exprimé au vers entier. J'en ai vu plusieurs scandaleux et séditieux de tous lesquels j'ai choisi le suivant pour exemple, duquel je prie tous lecteurs de ne se point scandaliser car on peut voir que c'est l'ébat de quelque timide castor amphibie, qui voudrait bien revirer sa robe. >> Je ne veux plus La messe fréquenter C'est chose bien louable On voit qu'en lisant : Je ne veux plus la messe fréquenter on a un sens tout différent de celui qu'offre la lecture des petits vers: Je ne veux plus Des huguenots, etc. On fit, au commencement de la restauration, plusieurs pièces analogues, car alors on ne manquait pas « de timides castors amphibies qui auraient bien voulu revirer leur robe. » Mais nous n'avons pu retrouver ces vers, que nous avions lus autrefois. Tabourot cite encore les suivants, composés lors du procès de l'université de Paris avec les jésuites. Ils redeviennent presque de circonstance. Soit du pape maudit Soit pendu par le col Qui veut faire leur coup O qu'il est malheureux. Qui hait les jésuites Qui brusle leurs écrits O qu'il est bien instruit Que c'est un bel esprit Qui ne suit leurs doctrines. Tout le monde connaît les vers brisés que Voltaire a insérés au ch. 4 de Zadig. |