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services militaires et techniques, avait fusionné l'Inspection des services administratifs et le corps des officiers d'administration en un corps unique, le commissariat de la marine, exerçant tout à la fois des attributions de contrôle et d'administration, sous l'autorité du préfet maritime. Le principe même de l'indépendance du contrôle était audacieusement rayé du régime administratif de la marine.

Dès 1837, le vice-amiral Leray, membre de la Chambre des députés, appréciait ainsi la réforme « Il faut en convenir, dans l'état actuel, le commissariat est un mélange incohérent de toutes choses, car ce corps a le double caractère d'une administration sans contrôle pour les attributions essentielles qu'il conserve encore, et d'un contrôle inefficace pour celles qu'il ne conserve plus. »

La même année, la commission du budget exprimait, par l'organe de M. Hernoux, ses inquiétudes sur les résultats de la nouvelle organisation administrative de nos arsenaux.

On retrouve la trace de semblables préoccupations dans tous les rapports des commissions chargées de la vérification des comptes des ministères.

Mais ces doléances trouvaient peu d'écho auprès des ministres de la marine. Aussi, en 1842, au cours de la discussion du budget de ce Département, M. Étienne, prenant à partie l'amiral Duperré, alors ministre, formulait-il cette énergique mise en demeure:

« Au moment où nous allons voter une centaine de millions pour les services de la marine, ne devons-nous pas être rassurés sur leur emploi régulier? La Chambre actuelle s'est toujours montrée très favorable à l'accroissement de nos forces navales; nous avons voté avec empressement tous les crédits qu'on nous a demandés. Mais, je le demande à M. le Ministre lui-même, pouvons-nous rester dans l'incertitude sur l'absence d'un contrôle efficace et indépendant, soit dans l'administration centrale, soit dans les ports? Cela ne se peut pas, et j'insiste pour que ces garanties indispensables ne soient pas. ajournées plus longtemps. >>

L'amiral Duperré ayant répondu qu'on étudiait des mesures destinées à donner satisfaction à l'orateur, M. Étienne termina la discussion par cette vive réplique: « Je ferai seulement remarquer à la Chambre que ses commissions ont demandé cette organisation de contrôle depuis 1836, et nous sommes en 1842. »

L'année suivante, le débat reprit encore à l'occasion du budget de la marine; M. Hernoux prononça un discours dont nous ne pouvons que reproduire l'éloquente péroraison :

«En 1837, la commission du budget, dont j'avais l'honneur d'être l'organe pour la marine, disait :

« Administrer, compter, contrôler, telle est la triple mission du commissariat de la marine, mission d'ordre et d'économie, inconciliable avec l'esprit militaire, avec l'accroissement des grands travaux publics, chaque jour plus difficile à accomplir.

« Serait-ce donc que les ordonnances des 13 décembre 1830, 3 janvier, 29 septembre 1835 et 11 octobre 1836, qui ont établi sur des bases nouvelles le régime administratif des ports, n'auraient point atteint le but désirable?

<< Serait-ce que la suppression d'un corps spécial, indépendant, exclusivement attaché aux fonctions de contrôle, et que consacrait encore l'ordonnance du 17 décembre 1828, aurait amené un état de choses nouveau, plus mauvais que n'était l'autre, à qui l'on reprochait déjà l'impuissance et l'inefficacité de l'inspection?

« La même commission exprimait aussi des doutes sur le mérite de la constitution du commissariat de la marine, tel qu'il venait d'être établi par les ordonnances rendues de 1828 à 1835. L'économie avait été la cause ou le prétexte de ces ordonnances; la dépense à laquelle donne lieu leur application ne serait-elle pas plus grande et, en définitive, l'action nécessaire de l'administration ne serait-elle pas affaiblie ?

« Le temps, Messieurs, a répondu à nos questions; le temps a passé sur les doutes et les a changés en certitude. Pour toutes les personnes qui ont étudié et qui savent les choses de la marine, pour celles qui, habitant les ports, ont l'esprit d'observation et aussi l'indépendance d'esprit qui donne de la valeur aux jugements portés, il est incontestable que le contrôle est une ombre, et que l'administration n'a pas toute la puissance qui lui serait nécessaire pour retenir les dépenses du Département dans les limites de l'ordre et des besoins réels. »

MM. Étienne et Hernoux n'étaient pas seuls à mener cette campagne en faveur du rétablissement du contrôle. Cette même année 1843, un autre membre de la Chambre, M. Vuitry, député de

l'Yonne, s'exprimait ainsi dans le rapport sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de l'exercice 1841:

<«< Une mesure d'un grand intérêt, et que, depuis longtemps des difficultés de plus d'une espèce avaient suspendue, est à la veille d'être mise à exécution des fonds sont portés au budget de 1844 pour y pourvoir. Un bureau de contrôle sera établi à l'administration centrale; des moyens de contrôle seront organisés dans les ports; certes, si l'exécution répond à la pensée, il y aura là une source féconde d'amélioration.

« Ce ne serait pas assez, en effet, d'un bon système de comptabilité en matières, ni d'une distribution intelligente des crédits, si l'administration supérieure ne pouvait avoir à chaque instant la certitude que les fonds de l'État ne sont employés, que ses magasins ne peuvent s'ouvrir que pour satisfaire à des besoins bien entendus du service; que les exigences mal fondées rencontrent des obstacles qu'elles n'osent pas franchir; que des dépenses de luxe, enfin, ne peuvent pas usurper des fonds qui n'appartiennent qu'à des dépenses utiles.

<< On l'a dit plus d'une fois, et cela est incontestable, l'ordonnance du 3 janvier 1835, qui a réuni entre les mains du commissariat de la marine les attributions, jusque-là séparées, des officiers d'administration et de l'inspection, a nécessairement affaibli le contrôle. Il faut reconnaître qu'entre les deux éléments qui, par la nature des choses, sont appelés à être fréquemment en lutte dans nos ports, l'élément administratif a perdu de sa force. Une organisation bien entendue du contrôle pourra contribuer à rétablir un équilibre si nécessaire au bon emploi des ressources considérables dont dispose actuellement l'administration de la marine. Sans avoir de faits particuliers à signaler, n'est-il pas permis de redouter la facilité avec laquelle, aujourd'hui, une volonté forte et accoutumée à se faire obéir peut prévaloir et obtenir que des dépenses abusives soient faites, qui ne peuvent plus se reconnaitre dès qu'elles sont confondues au milieu de mille autres objets divers dans le vaste chapitre du matériel naval.

<<< Nous sommes loin de demander que le contrôle, à son tour, puisse devenir trop puissant; nous savons tout ce qu'il faut laisser de latitude à l'autorité pour que son action puisse, au besoin, être instantanée et énergique. Nous voulons donc que ia liberté d'action

existe, mais à la charge d'une sérieuse responsabilité. Suivant nous, le contrôle, sans pouvoir rien empêcher, doit être appelé à tout voir, et placé dans une situation assez indépendante pour pouvoir éclairer sur tous les points l'administration supérieure. Un œil constamment ouvert suffit souvent pour prévenir les abus; il permet toujours, du moins, qu'ils soient portés à la connaissance du Ministre. »

Ces sages avertissements furent entendus et l'ordonnance du 14 juin 1844 sur le fonctionnement des arsenaux rétablit le corps du Contrôle.

Dès l'année suivante, les contrôleurs dévoilaient les malversations de l'administration des subsistances du port de Rochefort. Ce scandale retentissant ne justifiait que trop les alarmes de MM. Étienne, Hernoux et Vuitry.

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Réorganisée en 1853, sur les bases du décret du 7 floréal an vIII, par Théodore Ducos, l'Inspection des services administratifs, devenue à la fois permanente et mobile, donna d'abord les plus heureux résultats; mais, battue en brèche par les services contrôlés, insuffisamment soutenue par des ministres aveugles ou dominés par de mesquines rancunes, elle ne tarda pas à voir se restreindre le champ de ses investigations et à donner les signes d'une apparente stérilité « C'est qu'en effet, le Ministre lui-même, dans l'intérêt duquel est organisé le contrôle, au moins autant que dans <«<l'intérêt du Trésor public, peut se laisser aller à faire cause <«< commune avec ses chefs de service, contre une institution « gênante. Supposons, en effet, que le Département ait été confié à un homme sans caractère, avant tout soucieux d'échapper aux responsabilités; il ne verra dans les découvertes de ses contrô« leurs que l'évocation d'affaires fâcheuses, sur lesquelles il lui « coûte de prendre des résolutions et dont il aurait fort bien sup"porté l'ignorance. Car, en fin de compte, un contrôle actif ne « permet pas seulement de saisir et d'actionner les responsabilités « des collaborateurs du Ministre, il arrive, par la force des choses, « à engager sur un grand nombre d'affaires la responsabilité « personnelle du Ministre lui-même. Il suffit, pour cela, que le Ministre, saisi d'une proposition sur laquelle le contrôle lui

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<< soumet des observations, passe outre à ces observations et n'en << tienne aucun compte, si justes et bien fondées qu'elles puissent <«< être. Voilà pourquoi l'on verra souvent encore des contrôleurs « stériles par la volonté de ministres inconscients de leur premier

devoir. On se plaindra alors de la stérilité des contrôleurs lorsque «l'on devrait s'en prendre aux défaillances de conscience des chefs « du gouvernement 1. »

Mais si telle était l'attitude de la plupart des ministres, le Parlement ne partageait ni cette indifférence, ni cette aversion pour le contrôle. M. Raoul Duval, rapporteur du budget de la marine pour l'exercice 1877, s'exprimait ainsi :

<< Toutes les commissions du budget antérieures à la vôtre ont << reconnu l'utilité et le bon fonctionnement de l'inspection des ser<«<vices administratifs. Vous penserez, comme nos devanciers, que « les dépenses qui ont pour effet de développer le contrôle et de le << rendre plus efficace sont essentiellement productives. >>

En 1887, M. Ménard-Dorian manifestait à son tour, dans son rapport sur le budget de la marine, le désir du Parlement de voir rendre à l'inspection la force nécessaire pour l'accomplissement de

sa mission.

<«< Jusqu'ici, le contrôle de l'inspection des services administratifs, << au moins dans la métropole, a été organisé d'une façon insuffi<< sante. Les inspecteurs, à demeure dans les ports et dans les éta«<blissements, ont été maintenus dans une situation équivoque, et « réduits à un visa sans autorité. L'assimilation de grade est pour «< ce corps une cause de faiblesse. Si le Ministre veut sérieusement a suivre le fonctionnement des services, il trouvera dans l'inspec<<tion réorganisée sur de nouvelles bases, des auxiliaires précieux. «La commission du budget considère cette réorganisation comme essentielle, pour surveiller l'emploi judicieux des crédits mis à la disposition du Département de la marine. »>

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Mais les ministres, qui se succédaient rue Royale, ne semblaient pas autrement soucieux de se rendre à cette invitation, et la situation de l'inspection demeurait précaire. Les rapports si remar

La marine française au siècle prochain. (Berger-Levrault et C, éditeurs, 1896.)

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