§. 77. De la condition des consuls. D'après leur destination ordinaire, les consuls ne sont que des agens commerciaux nommés et constitués par un gouvernement dans des ports et places de commerce étrangers, pour y veiller aux inté– rêts du commerce, et particulièrement pour défendre auprès des autorités locales les droits des nationaux et accommoder leurs différends. Rien cependant n'empêche un gouvernement de donner aux attributions et aux fonctions de ces agens telle latitude qu'il jugera convenable à ses intérêts. Ce n'est donc que, parce que les consuls ne sont point généralement chargés de fonctions plus élevées, c'est-à-dire d'affaires d'état, qui seules pourraient leur conférer un caractère public, qu'on ne peut les ranger dans la classe des ministres publics. Le consul a besoin, pour exercer ses fonctions, du consentement du gouvernement local, consentement indispensable à tout agent étranger, quel que soit son caractère; mais il importe peu que ce consentement soit donné par écrit, ou par toute autre démonstration extérieure, pourvu qu'il soit accordé dans les formes légales du pays où le consul est appelé à exercer ses fonctions. Comme toutefois la question de savoir si les con-suls doivent être considérés comme ministres publics, ou non, a été discutée par des publicistes du plus grand mérite, nous croyons devoir faire con naître ici les diverses opinions émises sur cette matière1). De Vattel2) dit, que le consul n'est point ministre public, et qu'il n'en peut prétendre les prérogatives. Il ne conteste cependant pas, qu'étant chargé d'une commission de son souverain, et reçu en cette qualité par celui auprès duquel il réside, il ne doive jouir de la protection du droit des gens. Corn. van Bynkershoek3) ne, considère le consul que comme un protecteur, quelquefois juge des marchands de sa nation, que l'on envoie, no pour représenter le prince ou le souverain, auprès d'une autre puissance, mais pour protéger les sujets de son gouvernement en ce qui regarde le commerce, souvent aussi pour connaître et décider des différends qui peuvent survenir entr'eux sur les affaires commerciales. Abr. de Wicquefort*) refuse aux consuls le nom et le caractère de ministre public; et prétend qu'ils ne jouissent même pas du droit des gens, mais qu'ils sont sujets à la juridiction civile et criminelle du lieu de leur résidence 5). 1) On trouve dans la bibliothèque diplom. placée à la fin de ce premier volume, le titre des meilleurs ouvrages publiés sur les consuls. 2) Droit des gens, T. 1, 1. 2, §. 14, p. 120. 3) Traité du juge compétent, traduit par J. BARBEYRAC, Ch. 10, sect. 5, p. 63. 4) De l'ambassadeur et de ses fonctions. L. 1, sect. 1, p. 63. 5) Les exemples suivans qu'il rapporte, se trouvent toutefois en contradiction avec sa propre opinion:,,Un consul de Hollande ,, ayant été insulté et arrêté par le gouverneur de Cadix, les EtatsGénéraux en portèrent plainte à la cour de Madrid comme d'une infraction aux droits des gens et obtinrent une réparation publique." De Callière1) n'accorde qu'aux consuls envoyés dans les échelles du Levant et en Barbarie le caractère de ministre public. Bouchand2) en refusant aux consuls le caractère et le titre de ministres publics, les place cependant sous la protection du droit des gens. De Réal3) leur refuse absolument le nom de ministres publics, n'étant point appelés à représenter leur souverain ni à résider auprès du souverain étranger, ni chargés de traiter des affaires d'état, Moser) reconnaît le caractère public dont les consuls sont revêtus et les considère comme ministres publics, quoique d'un genre et d'un rang inférieur à ceux du premier et du second ordre. G. F. de Martens 5) regarde cette diversité d'opinion comme une simple dispute de mots. Cet auteur ne méconnaît point le caractère public des consuls, et pense qu'il ne peut être question que du rang et du plus ou moins d'immunités, de priviléges et d'honneurs dont les consuls doivent jouir). En 1684, la république de Venise menaça le pape Urbain IV de lui déclarer la guerre, à cause de la violence exercée sur son consul à Ancône. Elle obtint du pape la destitution du gouverneur et la réintégration du consul dans son emploi. 1) L'art de négocier avec les souverains, Chap. 1, p. 51. 5) Précis du droit des gens moderne, p. 267. 6) Cette matière a été traitée aussi par le conseil des prises établi à Paris, à l'occasion d'une demande en prise à partie qu'un Américain se proposait d'intenter contre un ex-agent français des relations commerciales à Gênes. Les raisons développées par M. Portalis, rédacteur du mémoire qui fut adressé au ministre de la §. 78. De la nomination des consuls et de l'établissement de leur caractère public. Le droit de nommer et de constituer des consuls. accordé autrefois à des villes municipales, et dont jouissaient les compagnies de commerce, appartient aujourd'hui uniquement aux chefs de gouvernement. Quoique la faculté accordée à une nation de faire le commerce dans un pays étranger, semble emporter tacitement avec elle, l'autorisation d'y établir des consuls, leur envoi présuppose cependant toujours une convention expresse ou tacite entre les gouvernemens respectifs. Quelquefois aussi les parties contractantes renoncent par des conventions à ce droit, et s'engagent à ne point établir de consuls ni à en exiger l'admission1). justice, engagèrent le conseil des prises, à conclure, qu'un consul est à la fois juge et agent politique, et que, comme tel, il doit participer au droit des gens. 1) Voyez par exemple les traités de commerce et de navigation conclus entre la France et les Provinces unies des Pays-Bas, le 20 Septembre 1697, à Rysvic, art. 39. A Utrecht, le 11 Avril 1713, art. 38, et à Versailles, le 21 Décembre 1739, art. 40. Quoique dans la plupart des traités entre les puissances chrétiennes et la Porte, il soit expressément stipulé que les premières jouiront du droit d'établir des consuls partout où besoin sera, la Porte ne cesse cependant de contester l'exercice de ce droit; elle se refuse surtout à admettre des consuls dans les places où il n'en a pas existé ab antiquo; c'est ainsi que la France, la Grande-Bretagne et la Russie ont vainement sollicité jusqu'ici l'admission de consuls dans plusieurs échelles où les intérêts les plus pressans du commerce exigeraient la présence de semblables agens. Les consuls qui portent en même temps le titre de chargés d'affaires, envoyés auprès des régences barbaresques, sont les seuls qui soient accrédités par lettres de créance et traités comme ministres. Les consuls ou vice-consuls nommés aux échelles du Levant obtiennent, sur la demande du ministre ou chargé d'affaires de leur nation résidant à Constantinople, un barat ou lettre patente de la Porte, qui spécifie toutes les prérogatives, les priviléges et les immunités attachées à ce poste de consul. Les consuls et vice-consuls envoyés dans les états de l'Europe, n'ont que des lettres de provision et doivent avoir obtenu l'exequatur du gouvernement local pour être admis à l'exercice de leurs fonctions. La demande de l'exequatur se fait ordinairement par le ministre accrédité auprès du souverain qui doit l'accorder. Cet acte est présenté ensuite par le consul aux autorités locales de l'endroit de sa résidence pour être enregistré. Les commissaires de marine1) établis dans quelques ports de mer à la place des consuls ou viceconsuls, ne different guères de ces derniers, et doivent être rangés dans la même classe. Quant aux marchands qui, dans quelques places de commerce, sont revêtus du titre de commissaires ou d'agens de commerce d'un gouvernement étran 1) Lorsqu'en 1799, les chefs de la république française prirent le titre de consuls, on substitua pour les consuls commerciaux le nom d'agens pour les relations commerciales; même les gouvernemens étrangers furent invités à désigner ainsi leurs consuls résidant en France. |