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Tombeau

DU

CHEVALIER HECTOR DE MÉLIADEC, A WERVICK.

Ce serait chose fort utile pour la science de réunir dans un recueil toutes les anciennes épitaphes qu'ont épargnées le temps et le vandalisme des hommes. Outre l'authenticité irrécusable de semblables renseignements historiques, on y trouverait souvent des détails entièrement inconnus, des particularités qui redresseraient bien des erreurs, bien des anachronismes. Pour accomplir une telle entreprise, il faudrait visiter toutes nos églises et chapelles une par une, surtout celles du plat-pays, et avoir la patience de lever les inscriptions des moindres pierres tumulaires. Car il ne faudrait en omettre aucune: un nom, une date mérite toujours qu'on en prenne note. Dans les bibliothèques privées, on rencontre quelquefois des collections de cette espèce, dues à cette foule d'amateurs de généalogie et d'étude héraldique qu'on rencontrait chez nous aux XVII et XVIII° siècles. Des blasons coloriés ornent la plupart de ces recueils, aujourd'hui fort dignes d'attention, sous plus d'un rapport.

Il arrive souvent qu'on trouve de curieuses pierres tumulaires dans des églises de village et de petites villes, quelquefois aussi des monuments funéraires qui ne manquent ni d'élégance ni de richesse. Dans les promenades

historiques que nous avons faites en Flandre et en Brabant, nous avons toujours eu soin de copier les inscriptions de ce genre qui nous tombaient sous les yeux.

Dans l'église paroissiale de la ville de Wervick (Flandre occidentale), on voyait autrefois, dans la chapelle, dite de l'Ange gardien, un monument fort remarquable, consacré à la mémoire d'un véritable paladin du moyen-âge, nommé Hector de Méliadec, chevalier breton, attaché au service du duc de Bourgogne. C'était une tombe en marbre, placée sous un cintre. Dessus étaient couchés un chevalier, vêtu de sa cotte de mailles, le heaume en tête, la visière haute, les mains jointes, une hache d'armes entre les bras, et une femme à côté de lui, avec les blasons de Méliadec et de Croix.

Ce monument existe encore aujourd'hui, mais fort dégradé. Dans la face intérieure, trois niches contiennent trois petites statuettes, représentant des moines encapuchonnés. Les figures du chevalier et de sa femme sont endommagées; elles sont presque devenues frustes. Le tombeau est en pierre bleue: il ne porte aucune inscription visible. Nous avons trouvé dans un ancien registre d'épitaphes qui nous appartient, celle qu'on avait gravée sur une lame de cuivre, et qui est restée fixée dans la muraille jusqu'à la révolution française, époque à laquelle elle disparut. Voici cette inscription, dont, au reste, nous ne garantissons nullement l'exactitude orthographique, nous la copions textuellement du volume que nous avons sous la

main :

Chy dessoubs gisent nobles personnes Hermes de Meriadec, jadis escuier natif du pays de Bretaigne, et demoiselle Je⚫ henne de Croix, qui fut sespeuse, fille de feu le Sr de Croix et de Flers. Lequel Meriadec en son josne eaige fu nouris a l'hostel et de la retenue de hault et puissant prince feu de noble mémoire Mons' Artus de Bretaigne, en son vivant conte de Richemont, conestable de Franche, fils du duc de Bre

taigne, et depuis sur ce instamment requis, présenta ledit Meriadec à très hault et très puissant prince feu Mons' Phi■lippe, par la grace de Dieu duc de Bourgogne, de Lotric, de .Brabant et de Limbourg, conte de Flandres, d'Artois, de Bourgogne, etc., que Dieu absolve, Et depuis iceluy Meriadec l'a ⚫ continuelement servy et esté de la retenne et ordonnance de » son hostel, en estat d'escuier d'escuirie. Et au jour de son trespas, et grands temps paravant estait iceluy Meriadec son conseillier et premier escuier d'escuirie. Et s'est ledit Meriadec en son temps trouvé avecq luy en plusieurs battailles et rencontres honnorables, et aussy a porté imprinse en divers royaulmes en la compaignie de nobles chevaliers, feu Messire Jacques de Lalaing, et avecq luy s'est trouvé au royaulme d'Escosce, où ledit Messire Jacques, Messire Simon de Lalaing, aussi chevalier, son oncle, et lui Meriadec firent armes » à oultrance à espieulx trois contre trois, asscavoir le conte de Douglas, et deux aultres chevaliers dudit royaulme, ses cousins germains, et pouvaient selon les chapitres secourir l'ung l'aultre. Et estait ledit Meriadec lors armés et habillés ainsy que la représentation icy le demonstre, et en issirent lesdits de Lalaing et luy à leurs honeurs, ainsy que les chroniques ⚫ et ce qui peult estre escript le déclarent, à quoy il s'en rapporte, Et depuis le trespas de Mons' le duc Phls, ledit Meriadec a esté de la retenue du duc Charles de Bourgogne, son ⚫ seul fils et héritier, en semblable estat de conseiller et escuier d'escuirie. Lequel Meriadec et son espouse, qui ont icy esleu leur sepulture, ont en ceste presente chapelle de sainte Marguerite fondé et ordonné estre dit et celebrés perpetuele⚫ment trois messes la sepmaine, par chacun mardy qui sera de requiem, une par chacun joeudy qui sera du S' Esprit, et une par chaque samedy qui sera de nostre Dame, Et trespassa ledit Hermes de Meriadec l'an 1478 le 11 d'apvril, et Mademoiselle sa femme (sic) (1). ▾

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(1) Registre de sépultures B, for 87 et 88. Évidemment le chiffre 1478 est fautif, la lettre de Philippe-le-Beau insérée plus loin le prouve; le copiste a sans doute mis 7 pour 9, ce qui ferait alors 1498. Car il y a dentité certaine entre Hermès, Hervi et Hector de Méliadec.

S'il faut en croire Georges Chastellain, le biographe du bon chevalier messire Jacques de Lalaing, le combat rapporté dans cette épitaphe, fut un des plus mémorables du XVe siècle, époque où ces sortes de solennités avaient encore une vogue immense. On le sait, Jacques de Lalaing était le type des chevaliers coureurs d'aventures guerrières. Non content de servir bravement son seigneur et maître, le duc Philippe de Bourgogne, il employa une partie de sa vie à parcourir l'Europe, quêtant partout des champions qui voulussent se mesurer avec sa taille gigantesque.

Après en avoir demandé et obtenu la permission du duc, notre courageux chevalier envoya vers le comte de Douglas le héraut Charrolois et lui fit présenter fort courtoisement par ce dernier des lettres de provocation à un combat à outrance. Douglas, qui était un des plus considérables seigneurs d'Écosse, avait alors dans ce royaume la réputation d'habileté chevaleresque et de force corporelle dont jouissait Jacques de Lalaing en Flandre. Le défi fut accepté, et l'on décida qu'il aurait lieu en janvier 1449 (v. s.)

Le bon chevalier s'embarqua à l'Ecluse avec une suite nombreuse, et accompagné de ses deux amis Simon de Lalaing, seigneur de Montigny, son oncle, et Hector de Méliadee.

Ils furent assez mal accueillis à Edimbourg, où on supposait que le seigneur de Lalaing avait provoqué le comte de Douglas par haine et désir de vengeance. Le bon chevalier les rassura, en disant que, connaissant la grande bravoure du noble Ecossais, il croyait lui faire honneur en lui offrant le combat à outrance. Les deux champions se virent; ils décidèrent de prendre chacun deux compagnons pour rendre la lutte plus intéressante. Jacques de Lalaing s'adjoignit

(1) Collection de chroniques, édition de M. Buchon (Paris, 1825), chap. 52 à 56, t. 1, pag. 189-208.

son oncle, Simon de Lalaing, et Hector de Méliadec; le sire de Douglas laissa tomber son choix sur James de Douglas, son parent, et sur le sire de Haguet. Le roi d'Ecosse s'établit leur juge; on prit jour; la ville de Stirling fut choisie pour théâtre de la lutte. Un échafaudage fut disposé pour recevoir le roi et toute sa cour, et l'on éleva des pavillons pour chacun des champions.

A l'heure convenue, les combattants se rendirent, chacun de leur côté, au lieu du combat. A leur arrivée dans la lice, Jacques de Lalaing et son oucle avaient de longues robes de velours noir, doublé de martre. Méliadec, au contraire, avait un vêtement fort court en satin noir, aussi fourré de martre. Leurs varlets portaient les coffres, armoriés de leurs écussons respectifs et contenant les armures dont ils devaient se couvrir dans ce duel chevaleresque.

Après s'en être revêtus, selon l'usage, dans le pavillon qui leur était destiné, il fut décidé que Jacques de Lalaing combattrait le comte de Douglas, Méliadec le seigneur de Haguet et Simon de Lalaing sir James de Douglas. Leurs armes étaient la lance, la hache, l'épée et la dague. Le combat devait avoir lieu jusqu'à outrance, sauf le bon plaisir du roi, qui se réservait le droit de faire cesser la lutte; pour le reste, ils pouvaient se secourir l'un l'autre. Après de grands et nombreux coups d'estoc et de taille, il arriva que Jacques de Lalaing et ses deux compagnons restèrent vainqueurs de la lutte; ce qui n'est pas étonnant, car Méliadec était aussi formidable que Jacques de Lalaing, qui passait, lui, pour un véritable géant. Méliadec était, dit Chastellain, un des bons corps et puissants qu'on sceut

trouver.

Après cet exploit, Jacques de Lalaing et ses deux compagnons se rendirent à Londres à la cour du roi Henri, pour y accomplir quelque nouvelle prouesse. Mais le roi les reçut fort mal, et défendit à qui que ce fut du royaume

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