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La France était couverte de bénéfices, vraies sinécures ecclésiastiques, dont les titulaires passaient leur vie dans l'oisiveté, souvent dans la débauche, tandis que les prêtres, qui portaient le poids du jour, n'avaient pas leur existence assurée : il fallait supprimer ces sinécures et rétribuer honorablement les véritables ministres. Des prélats comblés d'honneurs et de biens, étalaient à la cour des mœurs toutes mondaines, et délaissaient le soin de leur diocèse : il fallait réduire leurs richesses, et les obliger à la résidence. Certains évêchés embrassaient quinze cents lieues, carrées, tandis que d'autres avaient un village pour tout territoire : il était nécessaire de changer ces circonscriptions. Les hauts offices ecclésiastiques ne s'obtenaient guère que par l'intrigue, et souvent par la faveur d'une courtisane: une voie plus honorable devait y conduire désormais. Enfin un tiers du sol français se trouvait, par l'effet des main-mortes, frappé d'inaliénabilité et presque de stérilité : il fallait rendre ces terres à la circulation qui, seule, pouvait les féconder. Telles furent, avec l'abolition des ordres monastiques, les principales réformes préparées dans le comité ecclésiastique, et consacrées par la constitution civile du clergé et par quelques décrets particuliers. Lanjuinais eut une grande part à ces innovations. Sincèrement attaché à la religion, son seul désir avait été de raviver la foi par le retour à la discipline trop oubliée des premiers siècles. Ayant écarté

avec soin tout ce qui, d'après les canons, ne pouvait être réglé par l'autorité temporelle, il n'imaginait pas que des réformes appuyées sur l'autorité des Gerson et des Bossuet, fondées sur la raison et sur les lois canoniques les plus certaines, pussent engendrer un schisme et déchirer le sein de l'église.

Mais les opinions ultramontaines, et surtout les intérêts temporels du haut clergé, avaient été blessés trop profondément. Il réprouva la législation nouvelle et entraîna à sa suite une partie du clergé inférieur. Les ennemis de la révolution voyant dans une querelle religieuse, un levier puissant propre à remuer les populations paisibles de la campagne, excitèrent les animosités naissantes, et alors commencèrent des résistances et des intrigues expiées plus tard par d'affreuses persécutions.

Lanjuinais fut spécialement chargé, au comité ecclésiastique, d'un travail de la plus haute importance, la rédaction d'un projet de loi pour la constatation de l'état civil des citoyens, et le réglement des dispenses de mariage.

Il accomplit cette mission en présentant à l'assemblée un projet qui établissait un mode uniforme de constatation de l'état civil pour tous les citoyens, et chargeait les officiers municipaux de la rédaction des actes et de la conservation des registres. Si cette grande innovation était facile à défendre dans le sein de l'assemblée, il n'en était pas de même au dehors, où l'influence cléricale était puissante, et où l'on

s'était habitué, depuis plusieurs siècles, à voir les ministres du culte exercer exclusivement les fonctions d'officiers de l'état civil. Lanjuinais porta donc son attention sur ce côté de la question, et, s'appuyant sur les lois canoniques, il établit que les sa

cremens de l'église n'avaient rien de commun avec les actes de la vie civile, et que ce n'était que par une usurpation encore récente que la confusion des uns et des autres avait prévalu. Quant aux empêchemens de mariage, il les restreignait à un petit nombre, et stigmatisant le commerce simoniaque des dispenses, il proposait de les abolir entièrement. Son projet fut présenté à l'assemblée en juin 1791 '. Inquiétée déjà par les mouvemens du clergé, et craignant de donner un nouvel aliment à ses clameurs, elle en prononça l'ajournement. L'assemblée législative le reprit l'année suivante et l'adopta, sauf quelques modifications. Ce projet a ensuite passé dans notre Code Civil, où il s'est maintenu malgré des tentatives répétées avec opiniâtreté.

Après la clôture de l'assemblée constituante, Lanjuinais revint à Rennes, où il fut nommé officier municipal. Plein de confiance dans la sagesse de la constitution nouvelle, il se croyait rendu pour la vie à ses goûts laborieux et paisibles; mais l'orage grondait toujours et le tems n'était pas loin où il allait faire éclater ses fureurs.

Voyez tome III.

Le 10 août, le trône s'écroula; puis vinrent les sanglantes journées de septembre, puis la convention, élue sous ces auspices terribles. Lanjuinais, député d'Ille-et-Vilaine, y apporta son amour désintéressé pour la patrie et un entier dévoûment à ses devoirs '. Mais les jours d'enthousiasme et de joie étaient écoulés ; la révolution, roulant sur des flots de sang, avait dépassé son but : c'était contre ses excès qu'il allait déployer son énergie.

Prenant part aux plus importantes délibérations de l'assemblée, on le vit à la tribune toutes les fois qu'il y eut à réclamer justice où à faire acte de courage. On l'y vit surtout dans les grands débats de la montagne et de la gironde.

Dès le 22 septembre, il fit ajourner une proposition de Tallien, tendant au renouvellement en masse de tous les fonctionnaires administratifs et judiciaires, que les démocrates ne trouvaient pas assez purs. Le 23, il appuya vivement l'établissement de la garde départementale, demandée par Kersaint pour protéger la convention, et peu après il joignit sa voix à celle de Louvet, lors de sa fameuse accusation contre Robespierre; il devint depuis l'objet des injures

'Peu de jours après son élection, il devait se rendre à la société des Amis de la Constitution: on mit à dessein à l'ordre du jour la prestation de serment haine aux rois et à la royauté. Il combattit le serment de toutes ses forces, et observa que, personnellement appelé à prononcer dans la convention sur le sort de Louis XVI, il ne pouvait prononcer un serment de haine contre lui. Le serment ayant été voté malgré son opposition, il persista dans son refus et se retira.

quotidiennes du journal de Marat l'Ami du Peuple. Lors des premiers débats du procès de Louis XVI, les girondins, connaissant mal les intrigues d'une partie des montagnards, et ne pouvant concevoir le système violent des autres, pensèrent qu'on voulait se défaire du roi pour le remplacer par le duc d'Orléans. La conduite équivoque de ce prince et ses liaisons avec les jacobins donnèrent matière à ces soupçons. Buzot demanda qu'avant de juger le roi, la convention exilât le duc d'Orléans et sa famille. Lanjuinais soutint cette proposition, et prononça, dans cette circonstance, deux discours' qui furent couverts des applaudissemens du côté droit et des vociférations du côté opposé. Il signala en cette occasion son indépendance de toutes les associations particulières qui fractionnaient alors la convention et la France. « Étranger à tous les partis, dit-il, » isolé de toutes les sociétés, n'en connaissant d'au>> tres que la convention nationale, je vais présenter » une opinion libre et pure de toute influence. »

La morale de Lanjuinais était en effet trop sévère, et sa probité politique trop absolue, pour qu'il lui fût possible de régler ses actions sur des arrangemens de circonstance et des exigeances de parti. On le place communément parmi les girondins, parce qu'il a partagé leurs travaux et leur proscription; mais il n'assistait pas à leurs réunions. Admirateur

Voy. tom. I, n° III, un fragment du premier de ces discours.

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