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du 9 floréal, on n'avait proposé de partager, au nom des morts, la succession des vivans. Voilà ce qui est inoui, et non pas les émigrations, aussi anciennes que le monde.

Si vous entendez porter une loi d'indemnité, et faire payer aux ascendans le dommage que les crimes d'émigration causent à la république; en un mot, exercer la responsabilité légale des pères pour les délits des enfans mineurs qu'ils ont dans leur puissance, abrogez donc toute la loi du 9 floréal : car sous ce point de vue même qui lui est le plus favorable, elle foule aux pieds tous les principes.

Elle exige une indemnité lorsqu'il n'y a point de crime, ni de l'ascendant, ni du descendant émigré avant l'âge de discrétion; elle en exige lorsqu'il n'y a aucun dommage, ni présent ni futur, à raison du sexe, de l'âge tendre ou caduc, des dispositions et de la conduite de l'émigré; elle en exige lorsque le délinquant n'était pas soumis à la puissance, à la correction de son père, lorsqu'il était émancipé par le mariage, ou par l'âge, ou par des fonctions publiques, ou par un domicile séparé; elle en exige des mères elles-mêmes, soumises à l'autorité maritale; elle en exige des veuves sans autorité, sans appui; elle en exige des aïeules, des bisaïeules, de celles qui demeuraient à cent lieues, à deux cents lieues de leurs enfans, de celles qui ne les ont jamais vus; elle en exige des ascendans qui ont toujours été patriotes, et qui sont reconnus pour avoir, de tous leurs moyens, combattu les

projets d'émigration; enfin, elle en exige des ascendans réduits, en effet, à la nullité par leurs maladies ou leur décrépitude, et de ceux même qui étaient sous les liens de l'interdiction.

On a poussé l'excès du délire jusqu'à vouloir présenter la loi du 9 floréal comme une loi de bienfaisance. Étrange bienfait qui viole toutes les règles de la justice et de l'humanité! Ah! du moins ne joignons pas à la tyrannie l'amertume d'un persifflage insultant; ne donnons pas lieu de comparer avec justesse notre bienfaisance à celle des voleurs même, qui font à leurs victimes grâce de la vie et d'une partie des vêtemens! Ah! soyons justes! La justice est la seule bienfaisance permise aux législateurs ; ils ne peuvent y manquer sans se couvrir d'op probre, et saper les fondemens de la république.

Une partie de ces réflexions s'applique au système de rachat et de transaction, dernière couleur sous laquelle on voudrait déguiser le vol et la rapine. Le rachat, la transaction sont des actes essentiellement volontaires. Se racheter d'une injustice plus grande, en souffrant une moindre injustice, ce n'est pas transiger: c'est rédimer vexation et avanie, comme on dit en Orient; pourquoi rejeter ce mot si propre, si nous dépassons le genre de despotisme qu'il exprime? Avant de parler d'affranchissement d'hypothèque nationale, prouvez donc l'existence légitime de cette hypothèque ; prouvez le délit, prouvez le dommage, et ne les supposez pas où il n'y avait absolument aucune res

ponsabilité. Prouvez que les morts sont habiles à recueillir des successions directes et collatérales, pendant cinquante années; prouvez que lorsque la loi punit de mort le père qui envoie des secours à son fils émigré, cette peine ne suffit pas encore pour arrêter ces envois; qu'il faut séquestrer les biens des ascendans d'émigrés, et mettre en saisie réelle le quart du territoire français. Osez nier que ce séquestre, aussi désastreux à la nation qu'aux propriétaires, ne fut pas l'ouvrage des plus affreux tyrans; osez contester que ce ne fut pas un commencement d'exécution de l'odieuse loi agraire qu'ils méditaient, et venez proposer encore de faire payer aux citoyens opprimés depuis trois années, dans leurs personnes et dans leurs biens, le rachat de la tyrannie abattue le 9 thermidor.

Un vœu patriotique terminera ce discours, vœu inspiré par le seul amour de la justice, sans laquelle il n'y a point de liberté, point de république : deux biens qui nous sont chers à l'égal de la vie.

Que le décret du 9 floréal subisse le sort des lois tyranniques qui l'ont précédé ; qu'il périsse comme elles; et que jouissant des douceurs de la liberté sous la république, sans proscriptions et sans pillages, nos neveux puissent dire un jour, lorsqu'ils rencontreront ce décret parmi les monumens de la tyrannie: cette loi qui offense la raison et outrage la nature, qui brise le pacte social et en détruit les bases, qui déshonore la majesté du peuple et calomnie sa volonté, qui renverse la législation et en

pervertit le langage, qui met à la place de la justice une fiscalité capricieuse, partiale, rétroactive, tracassière et désolante, fut abolie par une suite de l'excellente institution du corps législatif en deux conseils; et cet acte solennel, de retour aux principes, consolida la constitution vivement ébranlée dès sa naissance; il ramena tous les cœurs à la république, parce qu'il fut le signal d'après lequel on ne vit plus paraître que des lois également protectrices de la vie, de la liberté des hommes et de leurs propriétés.

No XVII.

008 000

LETTRE

AU REDACTEUR DE L'HISTORIEN,

sur l'article du no 40 de son JOURNAL,

CONCERNANT LE FAMEUX DÉCRET DU 3 BRUMAIRE, ET AUTRES SEMBLABLES.

JE partage en grande partie, mon cher Historien, votre courageuse opinion sur le décret du 3 brumaire, seul acte de la fameuse chambre ardente qui paraisse encore subsister, pomme fatale de discorde et de malheur dans le corps législatif et dans la république.

Sous le règne de la constitution, ce décret n'est point loi dans tout ce qu'il a d'inconstitutionnel.

Il fut l'effet d'une terreur oppressive dès longtems préparée, et qui pensa tuer la constitution et la liberté.

Il fut l'ouvrage de ce parti qui sut profiter aussi astucieusement, aussi audacieusement de la révolte du 13 vendémiaire, que de l'assassinat de Pelletier et de celui de Marat.

Il fut proposé, il passa au milieu de la nuit, à la simple lecture, presque sans aucune discussion. C'était un moindre mal que les républicains se flattèrent de voir bientôt disparaître sous le gouvernement constitutionnel, et qu'ils aimèrent mieux souffrir en silence que de risquer, par une résistance indiscrète, le sort de la révolution.

Ce décret barbare frappe, il est vrai, des coupables, mais il tourmente, il proscrit, il immole une grande masse d'innocens.

Il prive la nation de nombre de citoyens utiles et paisibles; il la prive des services que lui eussent rendus, en ces momens difficiles, des hommes trèscapables, d'une conduite pure, et honorés de la confiance du peuple.

Il range parmi les adversaires de la révolution, non-seulement des milliers de citoyens qui n'ont été que les victimes des faux révolutionnaires, mais encore la plupart de leurs parens et alliés.

Il excite vivement tous les patriotes, parens ou alliés des émigrés, des déportés, à grossir de leur nombre énorme, le nombre déjà trop grand des. ennemis intérieurs de la liberté.

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