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qu'elle met au-dessus des lois des agens du gouvernement..... En dernier résultat, n'est-elle pas pour ces agens un affranchissement déhonté, de toute espèce de poursuite de la part des tribunaux? Il faut que le ministre qui a commandé l'abus consente à le corriger lui-même, ou bien le mal reste irréparable et se perpétue. Ainsi, que les ministres et leurs agens prévariquent avec impudence et avec scandale contre les lois, c'est le premier ordonnateur, c'est l'auteur du mal qui décide si l'on peut se plaindre!..... «< Jamais un gouvernement modéré n'a pu subsister à de telles conditions. En Angleterre, de pareilles lois seraient considérées comme une dissolution absolue de toute liberté. Jamais, sous l'ancienne monarchie française, un parlement, ni même une justice inférieure, n'aurait demandé le consentement du prince' pour sévir contre une prévarication d'un agent public, contre un abus de pouvoir manifeste..... La cour des aides n'avait pas besoin d'une permission spéciale, pour acquitter ce devoir dans toute son étendue..... Une lettre d'un ministre, d'un préfet, d'un chef de police, suffit pour créer des agens; si, dans l'exercice de leurs fonctions, tous ces agens sont placés hors de l'atteinte de la justice, à moins de

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Notez pourtant que les officiers du ministère public, amovibles depuis 1814, étaient inamovibles dans l'ancien régime, et que ces ardens accusateurs sont révocables par le ministre même, qui les dirige, qui commande leurs actes, et qui, pour en assurer l'impunité, n'a besoin que de fermer les oreilles aux cris lointains des victimes.

mission spéciale du gouvernement, celui-ci a dans sa main des hommes qu'un tel affranchissement rendra fort audacieux, et qui seront encore à l'abri de la honte. Quels instrumens pour la tyrannie! »

On lit, page 17, une autre maxime, une règle très-remarquable posée par M. Necker, et bien en contraste avec ce qu'on a mis en fait illégal, et puis en lois, depuis 1814: « Un traitementconvenable doit être attribué au corps législatif, et je le fixerais à douze mille francs pour les deux conseils (les deux chambres) indistinctement. » On sait que cette privation de traitement érigée en loi, contre la loi, par les hommes à supériorité idéale, les introuvables de 1815, et à leur profit, par élude le vocu certain de la Charte; elle prive la France de plus des trois quarts de ces éligibles, et constitue, pour un petit nombre, un privilége révoltant. Les serviteurs les plus chèrement indemnisés furent toujours ceux dont la rétribution n'est pas connue. Voyez ce qui se passe en Angleterre, où d'ailleurs, par suite de ce défaut même d'indemnité, il suffit de quarante membres pour représenter, en toute chose, les six cent cinquante-huit. On demandait à certains hommes de la majorité comptée dans les chambres, et de la grande minorité comptée hors des chambres, on leur demandait pourquoi ils ne veulent pas qu'on indemnise les représentans, dans un pays où la liste civile peut être de quarante millions pour une seule famille, dans un pays où fourmillent des représentans, pen

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sionnaires révocables des ministres ; ils n'ont pas voulu dire : « C'est pour que nous soyons, à cause de nos fortuues et de nos doubles votes, assurés d'être élus; » mais ils ont déclaré être contraires à ce genre d'indemnité, parce qu'il consoliderait les chambres, et rendrait impossible le rétablissement des trois ordres. Il n'y a point de réponse honnête à ce genre d'argumentation, qui n'est que la théorie du parjure et du machiavélisme.

Les Français qui savent que notre chambre des comptes, par la loi napoléonique de son établissement, est soumise à la correction du prince et de son conseil-d'état; qu'ainsi elle ne saurait atteindre. vraiment au but de son institution, verront avec plaisir les avis suivans que donne M. Necker sur ce sujet (pages 170 et suivantes): « La révision (des comptes) doit être confiée à des fonctionnaires indépendans du gouvernement, puisqu'ils sont appelés à contrôler les actes mêmes de son autorité. On devrait donc prononcer constitutionnellement qu'ils seront nommés par le corps législatif, et sur la proposition que se feraient alternativement les deux conseils de trois candidats pour chaque place, etc. >>

On pourrait multiplier les citations de cette nature. Elles font honneur au jugement de M. Necker, et démontrent qu'au milieu des orages révolutionnaires, il refit un peu son éducation de publiciste, .qu'il finit par se montrer assez libéral, c'est-à-dire assez juste, ou, si l'on veut, très-mal pensant ; car

je ne saurais perdre de vue le beau langage du tems

où j'écris.

No XXVIII.

063000

CORRESPONDANCE.

( M. Lanjuinais avait l'habitude de brûler les lettres qu'il recevait, et c'est par hasard que celles qu'on publie ici ont été conservées. )

I.

12 février 1793.

« Je n'ai point oublié, mon cher et ancien collègue, je n'oublierai jamais les témoignages d'estime et d'intérêt que vous m'avez donnés au moment où j'ai brisé violemment la chaîne dont mon courage ne pouvait plus supporter le poids'; en blâmant ma résolution, je sais que vous en avez respecté les motifs. Croyez, mon cher compatriote, que si j'avais trouvé dans la convention un plus grand nombre d'hommes de votre trempe, je n'aurais pas désespéré de la chose publique, ou du moins je n'aurais pas pensé comme je l'ai fait, que la convention nationale actuelle, qui mettait la patrie dans un si grand péril, était incapable de l'en

1 Kersaint avait donné sa démission après le procès de Louis XVI. (Note de l'Éditeur. )

retirer; je ne suis pas de ces hommes qui mettent leur amour-propre en balance avec les intérêts de la patrie, puissé-je m'être trompé, puissé-je voir la convention remplir sa glorieuse mission. Mes inquiétudes n'ont qu'un objet, j'appréhende d'avoir trop bien jugé le présent et l'avenir : mais un point me tranquillise, c'est la nation, et si la convention n'est pas digne des circonstances, le peuple français saura bien s'y élever, il se sauvera luimême, et la liberté ne périra pas, quoique fassent contre elle les patriotes du 2 septembre, ces irréconciliables ennemis de ceux du 10 août. Mais laissons faire à la nation et au tems, et venons-en à l'objet de ma lettre. Je suis chargé de vous demander quelques éclaircissemens sur la loi de l'adoption.

» J'espère que vous voudrez bien ajouter aux marques d'amitié que vous m'avez données lorsque j'étais votre collègue, celle de me répondre et de croire à la profonde estime de votre concitoyen

KERSAINT.

» P. S. Je vous fais mon compliment sur votre courageuse résistance au rapport du décret sur les assassinats du 2 septembre. J'espère qu'on n'aura plus le front de m'appeler à la barre pour me demander ce que j'ai voulu dire en déclarant que je ne voulais pas m'asseoir plus long-tems à côté des provocateurs et des panégyristes de ces assassinats. Que je vous plains, et tant d'honnêtes gens avec

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