Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

les critiques que l'on m'adressera, du moins ne pourra-t-on pas m'accuser de précipitation.

Comme les discussions que renferme cet ouvrage, les descriptions que j'y ai jointes et les sentiments que j'y ai exprimés sont écrits de mémoire d'après ce que j'ai entendu, vu ou éprouvé, il me serait bien difficile aujourd'hui de distinguer ce qui m'a été communiqué par mes lectures ou mes observations de ce qui m'est propre; et c'est surtout pour repousser à l'avance toute accusation de plagiat que j'ai fait cet avertisse

ment.

Pourquoi, me dira-t-on, interrompre le sommeil où était enseveli cet ouvrage depuis quarante ans, pour en assoupir aujourd'hui ses lecteurs, s'il s'en trouve? Parce que d'abord chaque auteur tient à publier ses œuvres, ensuite parce que la France littéraire est sujette à ces mouvements de bascule qui suivent les chances de sa politique. Après les romans de Le Sage et de l'abbé Prévost, romans simples et bourgeois qui avaient succédé aux romans chevaleresques de d'Urfé, de Scuderi, etc., vint la peinture por nographique d'une société de libertins et de courtisanes, par Crébillon fils, Laclos, Louvet; cette société, détruite en 1789, vit naître une nouvelle génération de jeunes penseurs incertains, mélancoliques, désabusés sans avoir usé, malades de corps, cerveaux exaltés : Paul, Werther, René. Cette jeunesse, que le guerres de

AVERTISSEMENT.

vij

l'Empire décimèrent, fût devenue plus virile peutétre. Ce fut l'époque de mon adolescence; époque oubliée, méconnue aujourd'hui, et que j'ai cru pouvoir rappeler à la mémoire. Alors la jeunesse doutait de tout, aujourd'hui elle ne doute de rien; et après les Antoni, les Claude Frollo, les Chourineurs, et tant d'autres hommes forts jusqu'à la rage qui leur porte l'écume à la bouche, j'ai pensé que l'expression de sentiments plus doux, moins violents sans étre moins vrais, aurait encore quelque charme, ne fût-ce que par leur nouveauté. Me suis-je trompé ?

[graphic]

i

[graphic][merged small][ocr errors]

L

CHAPITRE I.

Il gravit sur la montagne
Qui fend la France et l'Espagne.
Mont que l'orage cruel

Bat toujours d'une tempeste;
Toujours en glaçant sa teste
D'un frimas perpétuel.

RONSARD.

e dix-huitième siècle terminait son cours sous le régime du Directoire. La lassitude que chacun éprouvait après les catastrophes de la révolution paraissait assurer la paisible jouissance du pouvoir au gouvernement établi; mais, durant cette apparence de repos, les esprits, réveillés d'une sorte de stupeur, désiraient un changement favorisé par les succès mêmes des armées françaises, qui, traitant d'égal à égal avec les rois ligués naguère contre la république, comptaient déjà parmi leurs alliés ceux de Sardaigne, de Sicile et d'Espagne.

[graphic]

La paix avec cette dernière nation rappelait l'abondance dans les belles contrées qui l'avoisinent. Le cultivateur s'y livrait sans crainte à des travaux dont les fruits ne devaient plus lui être enlevés, et l'éloignement de la capitale ajoutait encore à la tranquillité de ces provinces.

Parmi les détours des vallées innombrables qui effleurent la racine des hautes Pyrénées et qui versent leurs eaux dans le Gave, il en est une plus reculée et peu connue que l'on nomme en langage du pays Bat-Souriguerre ou Val-Surguères, c'està-dire vallée des Sourires. Cette vallée mélancolidébouche dans celle de Lourdes. Elle offre dans sa partie inférieure quelques champs de lin et de froment; plus haut, elle est entièrement pastorale, et les bois qui la couronnent défendent du nord ses verts pâturages et les nombreux troupeaux des cinq villages qu'elle contient.

que

A l'extrémité de cette vallée, au pied des monts qui la terminent, il existait, en 1797, une antique chapelle, élevée, ainsi que l'habitation du desservant, sur un monticule que les eaux descendant des montagnes avaient formé, par une longue suite de siècles, des débris arrachés à leur source et dans leur bruyant passage. Ce monument, dont la tradition du pays attribue la fondation à l'ordre des Templiers, est d'une architecture massive et peu élégante; il n'offre rien de remarquable que sa situation pittoresque, isolée et sauvage. Aussi n'avait-il éprouvé aucune atteinte des secousses qui venaient d'ébranler la France.

Le père O'Donnell habitait depuis peu de temps, et comme curé, le presbytère de Val-Sur

« VorigeDoorgaan »