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Mais toi! vole, feuille légère,
Obéis à de dures lois :

Tombe! Tu n'es plus sur la terre
Qu'un inutile et triste poids.

Après avoir reçu les compliments de ses compagnes, qui regrettaient que les paroles ne fussent pas en patois, Aglaé s'en sépara et rentra au château que la nuit était déjà fermée. Le froid était piquant; elle demanda du feu et de l'eau, pour faire du thé, disait-elle, congédia Germaine et s'enferma dans son appartement.

CHAPITRE XXII.

Guères n'y sert péleriner :
Toujours les douleurs s'entretiennent.
On peut tant qu'on veut cheminer,
Ceux qui s'en vont après reviennent.
L'AMANT RENDU CORDELIER.

ugène poussa son cheval devant lui avec une sorte de rage. L'animal vigoureux et jeune poursuivit une longue traite. En traversant les villes le pavé étincelait sous ses pieds; sur la route il élevait un nuage épais de poussière qui marquait encore son rapide passage après qu'il était disparu. L'espèce de délire qui s'était emparé de l'esprit d'Eugène ne lui permit pas de choisir son chemin ni même de remarquer avec quelle promptitude les bois, les collines et les plaines semblaient fuir derrière lui: son seul désir était de s'éloigner des lieux qu'il venait de quitter. Tout entier à la terreur qu'ils lui inspiraient, il volait avec la vitesse du vent, et se plaisait au bruit des pas de son cheval broyant ou faisant jaillir au loin les cailloux de la route qui, toujours

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mande à être conduite à Tarbes dans l'asile qui lui est offert, soit qu'elle préfère m'attendre. Répétez-lui mes propres paroles, mon cher Germain, et dites-lui que je suis prêt à approuver ce qu'elle décidera, et que je vous mets à sa disposition. Je passerai cette journée à Héas, et je serai de retour å Betharram après-demain dans la journée. Si Aglaé se détermine à quitter le château, ajoutat-il en soupirant, je désirerais qu'elle fût partie lorsque j'y arriverai; remettez-lui donc ma lettre demain matin. Voilà tout ce que j'ai à vous commander.

Eugène congédia Germain après lui avoir donné ces instructions; il sentait son cœur soulagé, car sa lettre à Aglaé l'avait surchargé d'un poids inconnu quand il se trouvait en présence de Méri. Après la cerémonie, Eugène consacra sa journée à parcourir le cirque de Héas, qu'il ne connaissait point, et à entretenir le pasteur et sa nièce, qui ne devaient retourner au Val-Surguères que le lendemain.

L'Escoubat fit ses dévotions et redescendit à Gèdres dans la journée; mais les instances de son ami Palasser le retinrent plus long-temps qu'il ne voulait, et il n'arriva à Betharram que le lendemain à la pointe du jour.

Il trouva le château en rumeur et sa sœur Germaine dans la plus vive inquiétude; elle attendait son arrivée avec une grande impatience. Il apprit par elle qu'Aglaé avait été fort malade pendant la nuit. Germaine, qui occupait une chambre proche de celle d'Aglaé, avait été réveillée par les gémissements de sa maîtresse; mais l'espèce de

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délire dans lequel elle l'avait trouvée ne lui avait pas permis de connaître la cause de son mal. Elle dort maintenant, continua-t-elle, et dans votre absence j'ai envoyé chercher un médecin à Pau; mais n'importe, il faut la voir. Germain, introduit par sa sœur, trouva en effet Aglaé dans une espèce de sommeil léthargique qui ressemblait à de la torpeur; il interrogea Germaine sur les circonstances qui avaient précédé cet état effrayant. I.es réponses entrecoupées de cette pauvre fille inspirèrent des soupçons à son frère. En promenant ses regards dans la chambre, il trouva les tiges des fleurs qu'Aglaé avait recueillies, et les reconnut sur-le-champ pour de l'aconit. Qu'est-ce là? s'écria-t-il; où avez-vous trouvé ces fleurs? elles ne croissent point dans les environs. La malheureuse Germaine, tout en versant des larmes, avoua à son frère que, pressée par Aglaé, elles avaient été la veille à Héas, où elles avaient vu M. Eugène et une demoiselle tout en blanc; qu'alors mademoiselle Aglaé s'était évanouie et s'était presque enfuie jusqu'à Gavarnie, où elle avait cueilli ces fleurs. Mais, dit-elle, je l'ai bien avertie qu'elles ne valaient rien.

L'Escoubat, ainsi que nous l'avons souvent remarqué, avait trop de tact pour n'avoir point aperçu les sentiments que les deux jeunes gens avaient conçus l'un pour l'autre, et la tendre affection qu'Eugène avait témoignée à Méri à la vallée de Héas l'avait trop frappé lui-même pour qu'il pût se méprendre sur la cause de l'évanouissement subit d'Aglaé, et de tout ce qui s'en était suivi. Sans perdre un temps précieux à a

dresser à sa sœur des reproches inutiles, il administra sur-le-champ à la malade tout ce que ses connaissances en médecine lui indiquaient de plus efficace. Il parvint enfin à lui rendre sa connaissance; et, sans parler à Aglaé de son état, qu'il feignit de ne regarder que comme la suite d'une indisposition naturelle, il ne s'entretint que d'Eugène et de la lettre que son maître lui avait donnée pour elle. La faiblesse dans laquelle était Aglaé, et la confusion de ses idées, obligèrent l'Escoubat à revenir plusieurs fois sur ce sujet, en s'appesantissant sur l'intérêt qu'il avait témoigné en s'informant d'elle et sur la lettre qu'il lui avait remise. Ces paroles, si peu conformes à ce qu'Aglaé avait vu la veille, lui persuadèrent qu'elle sortait d'un songe pénible; les marques d'affection que lui prodiguait le bon vieillard, qui avait eu soin d'éloigner sa sœur, son empressement pour la soulager, ses instances, déterminèrent Aglaé à accepter les breuvages qu'il lui offrait et qu'elle avait d'abord repoussés, tout en écoutant les paroles de l'Escoubat, mais sans lui répondre et livrée à une rêverie pénible. Enfin elle remercia Germain de ses soins, et le pria de recommencer tout ce qu'il venait de dire, ce qu'il fit avec joie, en ajoutant ce qu'Eugène lui avait dit, de ne recevoir d'ordres que d'Aglaé jusqu'à son prochain retour, et il lui remit entre les mains la lettre de son maître.

Aglaé tenait cette lettre sans l'ouvrir. En vain l'Escoubat la pressait-il d'y jeter les yeux. Bon Germain, lui dit-elle, vous aimez aussi M. de Lautrec; vous l'avez vu enfant, vous connaissez son

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