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des deux états n'a fait que consommer ce qu'avait préparé dès longtemps l'irrésistible attraction des idées.

Nancy est donc en face de l'Allemagne une ville entièrement française; et c'est pour cela même que je la crois plus propre que toute autre à montrer la France à l'Allemagne, qui n'y viendrait pas pour n'y retrouver qu'une copie équivoque d'elle-même. Aussi, c'est ici que dans mes rêves d'avenir, je me plais à grouper toutes les grandes écoles, qui doivent attirer à des études communes la jeunesse des deux pays.

Quelle fortune cependant présagent les antécédents de notre ville aux institutions de l'enseignement supérieur, si languissantes dans la plupart des provinces, c'est ce que nous montre avec assez d'éclat notre Ecole secondaire de Médecine, qui, sous la direction de maîtres habiles et dévoués, a conquis peu à peu un solide succès, et semblable déjà elle-même à une Faculté par la force de ses cours et le nombre de ses élèves, a préparé ainsi la création de nos jeunes Facultés des sciences et des Lettres. Cette Ecole a été comme le premier essai de Nancy dans cette voie. Nos Facultés ont suivi. Voilà notre antique Université qui ressuscite enfin. Mais ce n'est pas tout; il faut maintenant qu'elle grandisse. Le premier pas est fait et comme dit le proverbe chinois,

:

le pre"mier pas, c'est plus de la moitié du chemin. "

Messieurs, nous sommes entre nous pourquoi ne vous dirais-je pas à cet égard mes désirs et mes espérances? Aux Ecoles actuelles, j'aime à joindre d'autres Ecoles, qui

en sont le complément nécessaire. Il faudra bien qu'avec le temps l'œuvre s'achève. Déjà bien des choses se préparent. Dès l'année prochaine, à la Faculté des sciences, vous verrez annexée une Ecole supérieure des sciences appliquées, où les jeunes gens qui se destinent aux carrières industrielles viendront apprendre, dans des cours tout pratiques et des manipulations, à poursuivre les conquêtes du génie de l'homme sur la nature. — La Faculté des lettres à son tour complétera son enseignement; si un jour le Ministre songe à faire une place aux littératures orientales dans l'instruction supérieure, il se souviendra que c'est ici qu'en a été émis le premier vou. D'un autre côté, le projet d'une Faculté de droit, sans être encore adopté, a gagné dans les esprits. On s'est souvenu que Nancy avait eu jusqu'à la Révolution une grande Ecole de jurisprudence, qui avait duré plus de deux cents années, non sans gloire, et dont la France avait solennellement garanti le maintien dans le traité de 1736. Pour en solliciter le rétablissement, on a vu récemment quarante-deux villes se réunir dans un vœu unanime. On a mieux compris enfin combien une telle école serait heureusement située dans une ville, qui a compté, et compte encore tant de noms célèbres dans la magistrature et au barreau. Mais il est encore une

dernière fondation, Messieurs, que j'appelle de mes vœux, pour couronner toutes les autres. S'il est bon en effet qu'en France, cette patrie des arts, il y ait hors de Paris une ou deux écoles de peinture et de sculpture, pour

provoquer la vocation des jeunes gens que la Muse a doués, et guider leurs premiers pas, quelle province, dites-moi, peut à plus juste titre revendiquer ce privi– lége que la patrie des Callot, des Claude Lorrain, des Saint-Urbain, des Richier, des Bagard, des Drouin, des frères Adam, des Girardet, des Grandville? Il mérite entre tous d'avoir son école des beaux-arts, le pays qui a laissé dans l'histoire de l'art une trace si éclatante. Nous pouvons invoquer pour cela les grands souvenirs de l'Ecole lorraine.

Je m'arrête, Messieurs, je crains qu'on ne m'accuse d'une insatiable ambition. Mais une école appelle l'autre. Les Muses sont sœurs, et aiment à se donner la main. Les sciences se tiennent étroitement. Les arts complétent ce concert. Pourquoi les mutiler, en les séparant ? Si les Ecoles de haut enseignement n'ont pas toujours produit en France tout le fruit qu'on en pouvait attendre, c'est qu'on les a dispersées, isolées, et condamnées par là à la stérilité. Un sage et habile Ministre a senti, qu'au lieu de diviser ainsi, il fallait réunir, former des faisceaux, que la force est dans cette alliance, et que l'Allemagne, avec ses Universités si complètes dans leur enseignement, pouvait à bien des égards nous servir de modèle.

Cependant, ce que j'envie le plus àl'Allemagne, ce n'est point encore tant la multiplicité des chaires, dont sont dotées la plupart de ses Universités, que le calme et le recueillement qui régnent dans plusieurs de ces villes entièrement universitaires, dont l'esprit scolastique saisit

tout d'abord, et où il semble qu'on respire les études comme l'air du ciel. Car ce qui fait le plus défaut aujourd'hui à nos jeunes gens, pour compléter une éducation solide, ce ne sont pas tant les moyens de s'instruire, ni les maîtres, ni les livres, que la discipline et l'amour désintéressé de la science. Où donc en effet maintenant, en France, la jeunesse trouvera-t-elle cette vie recueillie et entièrement vouée à l'étude, que nous lui souhaitons, mais ne rencontrons plus nulle part? Reste-t-il du moins quelque part une ville, qui par sa nature, son génie, ses mœurs, semble promettre davantage un asile aux Muses partout bannies? Je ne sais. Mais sans prétendre faire de Nancy un Oxford ou une Tubingen (ce qui est tout simplement impossible), je me suis demandé souvent, où jamais l'Etat, pour y grouper de grandes écoles, pourrait trouver un ensemble plus harmonieux des conditions morales, que je crois si nécessaires à l'éducation libérale de la jeunesse? où donc toutes choses, et le présent et le passé du pays, et les hommes et les choses, où tout enfin, jusqu'à l'aspect si élégant et si placide à la fois de la ville et de la campagne, semblent se mieux prêter à l'essai que j'invoque? — A d'autres provinces sans doute la nature a pu prodiguer davantage les dons éclatans de l'esprit, qui ravissent surtout l'admiration des hommes, la vivacité de l'imagination, le feu sacré de la poésie, l'enthousiasme des arts, dons merveilleux assurément, mais souvent dangereux, et qui, s'ils éblouissent comme la flamme, souvent aussi dévorent comme elle. A notre

ville, elle a donné, avec l'instinct de l'élégance, l'amour de l'ordre et du travail patient, la justesse dans l'esprit, la finesse du goût, et, comme on l'a dit ailleurs, le don suprême du bon sens. Si je n'étais pas de Nancy, je serais plus à l'aise moi-même, pour en dire ce que je pense. Mais je n'ai vu nulle part un plus heureux mé– lange d'idées élevées et d'esprit pratique, d'amour pour tout ce qui est bien et de répugnance naturelle pour l'utopie, de sagesse et de sentiments généreux, de mœurs naturellement élégantes et de réserve, qualités discrètes, dont l'équilibre me parait former comme le tempérament propre de notre ville: c'est l'esprit français, mais avec quelque chose de plus solide, de plus rassis, plus en garde contre les caprices de l'imagination, les surprises de la mode, les séductions et les enthousiasmes passagers des systèmes. Ce n'est pas que nous n'accueillions avec ardeur, et ne soutenions avec persévérance les nobles choses, mais après réflexion. Ce qui est vraiment beau et bon finit par nous conquérir; mais nous n'y accordons qu'un acquiescement calme, et d'autant plus durable. Aussi les rêveries politiques et sociales sont-elles toujours venues échouer contre cet invincible bon sens. Mais en revanche, il n'est aucune institution généreuse et vraiment pratique qui n'ait bientôt jeté ici des racines profondes. Qu'il s'offre quelque bien, non à rêver, mais à faire; on ne déclame pas, on se met à l'œuvre; et quelque modeste que soit le résultat, du moins il est réel, il demeure. Or, Messieurs, quelle meilleure école que cet

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