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ciations qui englobent la terre entière. S'agit-il de météorologie? Vous trouverez une chaîne ininterrompue d'observateurs depuis Cadix jusqu'à Paris, de Paris à Berlin, de Berlin à Moscou, et, ne soyez pas incrédules, Messieurs, de Moscou à Pékin. Veut-on étudier les courants de la mer, véritables fleuves océaniques dont l'étude approfondie permet déjà d'abréger quelques routes commerciales? C'est une association qui l'entreprend et qui réunit pour cela les ressources de huit ou dix gouvernements à l'activité des principales marines du monde entier. S'agit-il du magnétisme terrestre, autre étude où se poursuit encore, d'une manière indirecte, l'asservissement ou la conquête du globe? Au même instant physique, à Milan, à Vienne, à Copenhague, à Upsal, à Toronto, à New-Yorck, au Chili, au Cap, à la Terre de Van Diemen,.... la marche de la boussole est étudiée; pas une perturbation magnétique dans le globe qui ne soit enregistrée simultanément par des centaines d'observateurs ; et, signe bien frappant de la convergence des efforts modernes, tous ces observateurs notent le temps sur des chronomètres qui marquent partout la date et l'heure de Goettingue.

Eh bien, Messieurs, l'astronomie, elle aussi, a jeté sur le globe son invisible réseau. Elle s'associe au mouvement général ou plutôt elle marche en tête, car c'est par elle que le monde a été connu et livré à notre activité féconde. Toutefois sa tâche n'est pas finie. On ne veut plus d'à peu près, plus d'erreurs surtout; car les

fautes vont se solder désormais par des millions, et là où une erreur coùtait autrefois la vie d'un équipage, mettant trois ans à faire péniblement le tour du monde, elle coûterait des milliers de vies humaines, aujourd'hui que les nations s'ébranlent et se mettent en marche. La terre nous appartiendra, suivant la promesse sacrée; un jour elle sera à nous, aussi complétement à nous que le champ labouré du soir au matin appartient à son maître ; mais il faut d'abord que nous l'ayons mesurée en tous sens avec l'exactitude de l'arpenteur qui a toisé le champ. L'arpenteur du globe terrestre, Messieurs, c'est l'astro

nome.

On a dernièrement rattaché ainsi Paris à Londres par des mesures dont l'incroyable exactitude ne dément en rien la comparaison que je viens de faire. Nos résultats ne présentent peut-être pas un mètre d'erreur. Je dis nos résultats, car j'ai eu l'honneur d'y coopérer (1); c'est mon dernier travail scientifique. Je vous demande la permission de vous en parler et, pour ainsi dire, de vous en faire hommage.

Il s'agissait d'une chose bien simple, en apparence.

(1) L'opération a été conduite par M. Airy, astronome royal d'Angleterre et M. le sénateur Le Verrier, directeur de l'Observatoire impérial. Les observations astronomiques et télégraphiques ont été faites simultanément, d'abord par M. Dunkin à Paris et M. Faye à Greenwich, puis par M. Dunkin à Greenwich et M. Fave à Paris.

Les horloges de Paris ne marquent pas, au même instant, la même heure que les horloges de Londres. Une montre réglée à Paris se trouve, à Londres, en avance de 9 minutes, par la même raison que les montres réglées à Nancy avancent de 16 minutes sur celles de Paris. Grâce aux chemins de fer, le public s'est familiarisé dans ces derniers temps avec ces différences dont la mesure exacte est si importante pour l'astronomie et la géographie. Chacun sait, en effet, que la sécurité des voyageurs serait compromise, si on voulait régler la marche des trains sur l'heure des localités qu'ils traversent. Aucune réclamation ne s'est élevée quand on a vu toutes les administrations des chemins de fer adopter l'heure de Paris ou du premier méridien de la France; de même, les chemins de fer anglais comptent d'après l'heure de Londres, sans tenir compte, ni des règles, ni des habitudes locales. Mais aussi, depuis que l'heure de Paris s'est substituée, sur toutes les lignes et jusqu'aux frontières, aux heures discordantes des localités, chacun de nous est forcé de connaître la différence constante qui existe entre l'heure de notre ville et celle de Paris, sous peine, à Nancy, d'arriver toujours un quart d'heure trop tôt à la station, et, à Brest, 27 minutes trop tard.

Pour les usages civils, il suffit de connaître cette différence à une minute près; pour la science, au contraire, il faut un tout autre degré d'exactitude. Aussi que de ressources n'a-t-il pas fallu mettre en jeu lorsqu'il s'est agi de déterminer la différence des heures entre les deux

capitales de la France et de l'Angleterre! Ces ressources, nous les avons empruntées à l'industrie moderne qui rembourse si largement à la science les avances qu'elle en reçoit. Notre principal instrument était le télégraphe sous-marin. Tout le monde a vu les fils de nos télégraphes terrestres, soutenus par des poteaux le long des chemins de fer et festonnant sur l'azur du ciel leurs courbes disgracieuses; mais peu de personnes ont vu et touché ce cable gigantesque, dont les torons de fer galvanisé renferment comme dans un étui les fils télégraphiques déposés au fond de la mer. Que de progrès, que de découvertes accumulées dans ce seul appareil où le zinc protége le fer, où le fer protége la gutta-percha qui isole à son tour les fils conducteurs des courants électriques! Une fois ce cable immergé au fond du détroit, voilà que la France et l'Angleterre se touchent ou plutôt se pénètrent. C'est comme si l'orateur français parlait à Paris et à Londres en même temps; comme si le banquier donnait personnellement ses ordres au même instant, à la bourse de Paris et à celle de Londres : quand on le voudra, il signera sur les deux places à la fois, et, s'il le fallait, vous imprimeriez à Londres en composant à Paris, ou bien, de Regent's Parck, vous mettriez le feu au canon des Invalides. Pour nous, Messieurs, par ce même cable, nous transmettions à l'observatoire impérial les battements de l'horloge de Greenwich.

Transportez-vous un instant avec moi à l'observatoire

anglais, au moment où s'accomplissaient ces opérations singulières. L'astronome a observé longuement les étoiles; il a réglé son horloge et, pendant quelques heures, un coup-d'œil au cadran suffit pour lui faire connaitre l'heure à un centième de seconde près. Mêmes préparatifs à Paris. Le problème serait résolu, si quelque génie des Mille et une Nuits se chargeait de porter, sans secousses, les deux pendules l'une vers l'autre ; mais voici le génie des temps modernes qui se met à l'œuvre et qui fait encore mieux. D'un tour de clef, les fils du télégraphe maritime mettent en communication les deux observatoires. Les deux astronomes se placent devant de petites aiguilles aimantées, que le moindre courant électrique incline tout d'un coup à droite ou à gauche, et à l'aide de ces aiguilles mystérieuses ils entament l'opération. Les signaux d'appel sont échangés. Londres dit à Paris que la nuit a été sereine, que les étoiles convenues ont été observées, que l'heure locale est parfaitement déterminée; puis il envoie par le télégraphe, à travers l'air et les eaux de la mer, les battements de sa pendule. En voyant Osciller l'aiguille de Paris, c'est comme si vous voyez osciller le pendule de l'horloge de Londres. Les oscillations sont comptées, les pendules comparées, et la différence des heures s'obtient ainsi avec une étonnante précision.

Ce n'est pas tout encore. Bien que la vague électrique, lancée dans des fils aériens, marche assez vite pour faire quatre ou cinq fois par seconde le tour de la terre, rien

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