rapines, lorsque, dans la ville de Saint-Hubert, le 18 octobre 1507, ils furent cernés par une bande de quatre cents paysans et manouvriers du Namurois et du Luxembourg qui les arrangèrent assez mal. Ils perdirent trente-quatre hommes, de nombreux prisonniers et les six cents chevaux qui portaient le butin'. Plusieurs poèmes chantèrent cette victoire; le meilleur est celui de Jean Lemaire, qui l'intitula Les Chansons de Namur, pour la victoire eue contre les François à Saint-Hubert d'Ardennes, composées... à l'honneur du pays et de très haute et très claire princesse Madame Marguerite..., etc. (IV, 293). Il compte trente-neuf huitains qui célèbrent la valeur de ces « francs bergers », de qui l'orgueil français vient de recevoir une si rude leçon : Le bon dieu Pan, le dieu de pastourage, A étonné le grand dieu des batailles... C'est, en effet, cela qu'il admire, que l'arrogance, la «< vantise» et la rage du « grand gendarme accoutré de plumars2» aient été si cruellement châtiées par de simples << pastoureaux »; il se réjouit moins de la victoire des siens que de l'ignominieuse défaite des autres. Ce caractère rural de l'aventure lui donne d'ailleurs son cachet et fournit au poète ses meilleurs vers. Il ne peut trop louer ces humbles qui Pour leur pays n'ont craint leur sang répandre... Il évoque saint Hubert, le patron de ces lieux : De ce corps saint, jadis noble veneur, Le cor sembla bondir comme à la chasse... Il cite les héros de cette Iliade et nous apprend les noms 1. Ils y laissèrent cocq, plumeaulx, baghes, harnois, or, argent et chevaulx » (Compte de Guillaume du Croy, fol. 29; Archives générales du royaume de Belgique à Bruxelles). 2. plumets. 3. Retombissant. roturiers de Longchamps, de Bioux, des frères Gobelets, du « guide » Coireau, du « boucher » Colin, Du fort Jennin, Couturier et Poilvache, Forcée ou non, son admiration a du souffle : Or chantez donc, Bouvignes et Namur, Chantez comment ils ont rendu la proie Et de fins draps dont grand los' et fame2 ont; En ce triomphe, en ces pompes heureuses, Enfin, et surtout, oubliant qu'il avait servi Pierre de Bourbon, voici peu d'années, et noué de nombreuses amitiés françaises, ne prévoyant pas, non plus, qu'il sol liciterait bientôt la faveur de Louis XII, il invective abondamment la France et ses guerriers : Quel mal t'a fait', ô nation françoise! Ce noble enfant, le jeune archiduc Charles, Il lui reproche de ... Villes ardoir, monastères brûler, Il l'appelle << nation pleine d'ignavité », au cœur « abâtardi », lui demande ce que feront ses chevaliers quand gens de noble sang Donront sur eux à trompette et bannière, Sur grands coursiers armés trestout au blanc", Et, dans la joie railleuse de ce triomphe, il se livre, enfin, à de lourdes plaisanteries, dont les allitérations, chères aux rhétoriqueurs, font tout le sel : François ont eu par laboureurs la bière, Par paysans passage plutonique, Par forestiers fortune fourragère, 1. Que t'a maffait. 2. Le texte de Stecher donne « pieux », qui, ayant toujours été dissyllabique, ne peut trouver sa place dans ce vers. Il est fait allusion, ici, aux tombeaux des Alyscamps, près d'Arles, où la légende, et Arioste d'après elle, couchent les preux de Charlemagne. Voir la Karlamagnussaga, citée par Bédier; les Légendes épiques, t. III, p. 360, et Arioste, Roland furieux, ch. xxxix, str. 72. 4. incendier. - 5. donneront. 3. orphelin. -7. de cuirasses. 6. complètement. Malheur méchant par la gent mécanique, Par charbonniers chartre très anormale. Ayant donné ce témoignage incontestable de son loyalisme, Lemaire revint à ses Illustrations de Gaule et Singularités de Troie, sur le chantier depuis huit ans. Autant que par ses « déplorations » et ses « pompes funèbres », cette œuvre-là lui permettrait de flatter l'orgueil de ses maîtres, et la duchesse s'y intéressait, en suivait la composition, conseillait même à l'auteur quelques développements et certaines retouches. Dans une lettre du 15 février 1508, déjà citée, Lemaire parle des « Singularités de Troie et de Turquie (sic), qui ne sont encore divulguées, sinon au savoir de Madame, laquelle m'a commandé iceux recorriger et amplifier bien exquisément avant les mettre en lumière» (IV, 322). C'est à cette besogne qu'il va se consacrer principalement de 1508 à 1512, sans qu'elle arrête cependant la production variée de sa plume et l'agitation continue de son existence. UN MINISTRE DE FRANÇOIS per LA GRANDEUR ET LA DISGRACE DE L'AMIRAL CLAUDE D'ANNEBAULT [Né vers 1485 ou 1490, d'une vieille famille de gentilshommes normands (il y avait un sire d'Onebac à la bataille de Hastings), qui prit son nom du village d'Annebault en Auge' et qui donna son nom au village d'Appeville, dit Annebault. Claude d'Annebault fut échanson du roi en 1519, se distingua au siège de Mézières (1521), à la bataille de Pavie (1525), où il fut fait prisonnier. Successivement gentilhomme de la chambre et conseiller du roi, colonel de la cavalerie légère, gouverneur de Normandie, maréchal de France (1538), gouverneur du Piémont (1539), ambassadeur à Venise, il devint, après la disgrâce du maréchal de Montmorency (1541) et après la mort de l'amiral de Brion-Chabot (1543), le premier personnage du royaume. De cette date à la mort de François Ier (1547), Claude d'Annebault, devenu amiral de France, partagea le gouvernement de la France avec le cardinal de Tournon. Charles-Quint marchant vers Paris, Annebault négocia le traité de Crépy. Puis fit contre l'Angleterre la stérile expédition navale de 1545 (qui, mieux conduite, eût pu porter un coup sérieux à la puissance britannique) avant de négocier l'année suivante le traité d'Ardres, qui rendait Boulogne à la France. 1. On trouve avant le xvr siècle les formes de: Ognebec, Olnebec, Olnebanc, Olnebauck, Onnebaus, Onebac, Onebec; puis : Onnebaut, Annebaut, Annebosq, Annebaud, Ennebault, Hennebault, Annebault enfin qui prévalut. |