Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

votre charge d'amiral'. » Cette bienveillante réception lui donna de faux espoirs2. Il avait peu d'ennemis, n'ayant jamais été « violent du temps qu'il gouvernoit, par où les seigneurs l'aggréoient tant plus3 ». Aussi espérait-il conserver une bonne situation dans le gouvernement de Henri II. Il lui faisait sa cour assidûment, le suivant à la chasse, épiant le moment où il se rendait à la messe pour l'y accompagner4.

Il flattait aussi le connétable, et comme celui-ci avait douze enfants, dont sept filles à marier, il insinuait que son fils Jean pourrait en épouser une. C'eût été un beau parti, mais Montmorency ne donna pas suite à ce projet.

Henri II n'avait pas parlé, dans son audience du 17 avril, de la charge de maréchal de France. Annebault dut boire le fond du calice et résigner même cet office qu'il aimait tant, vieux soldat qu'il était, et qui fut donné le 29 mai, jour de la Pentecôte, à Saint-André. Il était encore admis

1. Dépêche de Saint-Mauris. Revue historique, 1877.

2. Lui seul peut-être se faisait encore illusion. Le temps de sa faveur était bien passé pour lui. L'ambassadeur à Venise lui écrivait encore le 5 avril en lui envoyant ses condoléances pour la mort du roi, en lui faisant son rapport comme d'habitude et en lui exprimant son admiration pour la manière dont il avait usé de son crédit «< au bénéfice de tous » (lettre de Jean de Morvillier à Annebault. Venise, 5 avril 1547. Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert, ms. 365, p. 133). Mais ce fut là sa dernière lettre, et le 29 il écrivait au connétable qu'il se félicitait d'avoir « receu la bonne et désirée nouvelle son retour auprès du roi, ce dont « tous ses bons serviteurs s'esjouissent comme de l'un des meilleurs et plus heureux présages que puisse avoir le commencement de son règne... » (Ibid., p. 144). 3. Dépêche de Saint-Mauris. Revue historique, 1877.

4. Ibid.

de

5. Ibid., et dépêche de l'ambassadeur vénitien. Paris, 20 avril 1547. Bibl. nat., ms. ital. 1716.

6. Dépêche de l'ambassadeur vénitien du 31 mai 1547. Bibl. nat., ms. ital. 1716, p. 160. Saint-Mauris à Charles-Quint, juin 1547. Revue historique, 1877.

7. Lord Cobham écrivait le 18 avril, de Calais (State papers Foreign (1547-1553), p. 331), que l'amiral dut céder « son gouvernement de Normandie au marquis de Guise ». Ce renseignement n'est pas exact.

C'est sans doute par une erreur typographique que l'on trouve

au Conseil, mais seulement à celui de l'après-midi, plus ouvert et moins important'. Ce n'est pas tout: son gendre, le marquis Gabriel de Saluces, accusé de trahison par le prince de Melphe, gouverneur du Piémont, fut arrêté à Ravel, le 23 février 1548, et gardé en prison à Pignerol, pendant que les troupes françaises occupaient ses États. Il fallut recourir à l'humiliante protection des Guises pour obtenir au bout d'un mois sa liberté. Le contraste avec son ancienne faveur dut paraître trop pénible à l'amiral, car il finit par se résigner à sa disgrâce: « Ce fut à ce bon seigneur, dit Brantôme, à se retirer chez luy, ainsy que chacun a son tour, et faire la vie sollitaire3. » A la fin de l'année, il pouvait, selon l'ambassadeur vénitien*, s'appeler amiral << titulo tenus », car il restait confiné dans son gouvernement de Normandie, « charge, il est vrai, grande et honorable ».

Les funérailles de François Ier avaient été la dernière cérémonie où l'amiral de France eut figuré à son rang3.

dans l'Histoire de France, publiée sous la direction de M. Lavisse (t. V, 11, p. 133), qu'Annebault perdit sa charge d'amiral et fut réduit à sa dignité de maréchal de France. C'est le contraire qui est vrai. 1. Dépêche de Saint-Mauris, juin 1547. Revue historique, 1877 : « Quoiqu'il eût perdu tout son pouvoir, dit de Thou (op. cit., t. II, p. 318), il conserva, jusqu'à la fin de ses jours, une espèce de crédit, avec l'estime de tout le monde ».

2. Lettres d'Annebault au duc d'Aumale, 7 mars 1548. Bibl. nat., ms. fr. 20548, fol. 41, et de Madeleine d'Annebault et du marquis de Saluces, son mari, au même, 19 avril 1548. Ibid., ms. fr. 20449, fol. 31.

3. Euvres, t. III, p. 211.

4. Matteo Dandolo au Sénat de Venise, 17 décembre 1547, dans Albéri, série I^, 11, 176.

5. Archives nationales, Registres du Parlement, Conseil X1 1560, fol. 633 et suiv. Le trespas, obsèques et enterrement de très hault, très puissant et très magnanime François, par la grâce de Dieu, Roy de France très-chrestien, premier de ce nom, prince clément, père des ars et sciences. Paris, Robert Estienne, imprimeur du Roy (s. d.), in-8°. Lettre de Saint-Mauris, publ. par Paillard, dans la Revue historique, 1877, p. 708. Voir aussi Une relation nouvelle des obsèques de François Ier à Paris et à Saint-Denys, publ. par H. Omont dans le Bulletin de la Société historique de Paris, t. XXXIII, p. 144.

De Rambouillet il conduisit à Saint-Denis les corps du feu roi, du dauphin François, mort en 1536, et du duc d'Orléans, mort en 1545. Le dimanche 22 mai, le Parlement alla en corps au-devant du convoi jusqu'au château de Boulogne. Immédiatement après le « chariot d'armures » où était le corps de François Ier, « tiré par six grans coursiers couvers et housez jusques en terre de velours noir, croisé de satin blanc..., marchoit à cheval monsieur l'Admiral, comme chef et ayant la principalle charge dudict convoy' ».

Vers cinq heures, on arriva à Notre-Dame, où les corps furent exposés dans une chapelle ardente. L'amiral dut se retirer « pour malladye ». Il ne put pas assister au service qui eut lieu le lendemain dans la cathédrale, mais le mardi 24 il était à Saint-Denis pour l'enterrement. Trop ému, lorsqu'on eut descendu le cercueil dans la fosse, il dut se faire remplacer pour pousser le triple cri traditionnel « Le Roy est mort! Vive le Roy! - Vive Henry, deuxième du nom, par la grâce de Dieu roy de France, à qui Dieu donne bonne vye! » Sur quoi, la bannière de France, le bâton de l'amiral, l'épée du grand écuyer, les enseignes des capitaines, les haches d'armes des hérauts se relevèrent en même temps; et l'on alla dîner aux frais du nouveau roi.

-

Un visage carré, bien proportionné, aux traits réguliers et calmes, des yeux clairs, assez indifférents, tels sont les caractères les plus saillants des portraits que l'on a conservés de l'amiral d'Annebault. Le front est large, le nez droit, les lèvres minces. L'impression générale est d'une nature bien équilibrée et peu complexe.

Son caractère offre en effet des qualités plus solides que brillantes. La plupart de ses contemporains sont d'accord à son sujet.

1. Le trespas, etc., p. 14.

2. Arch. nat., X1 1560, fol. 633.

On loue d'abord unanimement son courage. Claude d'Annebault est avant tout un soldat qui aime la guerre et, à son défaut, la chasse'. L'histoire de sa vie suffit à montrer quelle était son activité; mais s'il fut, comme dit Brantôme, « un bon capitaine », il fut aussi un général fort malheureux. Dans les petites campagnes où il faut surtout de la bravoure, il réussissait; mais il échoua toujours dans les occasions plus importantes. Ce ne fut pas lâcheté, mais plutôt manque de confiance en soi. On a l'impression, quand on étudie ses campagnes de Roussillon, de Piémont (1542) et son expédition navale de 1545, d'un homme qui se sent dépassé par sa tâche, s'effraye de sa responsabilité, hésite, laisse passer les occasions propices, ne prend que des demi-mesures et n'ose jamais frapper le grand coup.

Car si l'on est d'accord sur son courage, on l'est également, à part les flatteurs, sur l'insuffisance de son intelligence. Claude d'Annebault avait assez d'esprit pratique pour faire sa carrière, s'enrichir par un beau mariage, ne pas s'attirer trop d'ennemis, mais il n'avait l'étoffe ni d'un homme d'État ni d'un grand diplomate. Un ambassadeur vénitien dit de lui qu'il était plein de bonté, mais ne savait pas grand'chose. Un ambassadeur anglais disait qu'il avait peu de raison3 ».

Bien que Brantôme préfère aux diplomates hommes de robe les diplomates hommes d'épée « qui troussent leurs paroles plus courtes », il faut reconnaître qu'Annebault n'en fut pas un excellent. Il ne savait pas discuter, se taisait ou s'emportait. Les traités qu'il négocia ne furent guère avantageux pour la France et laissaient trop de questions non définitivement réglées'. Toutefois, il ne

1. Letters and papers... Henry VIII, XXI, 11, no 144.
2. Lorenzo Contarini, 1551, dans Albéri, série IA, IV, p. 75.

3. Paget à Henri VIII, 15 février 1543. Letters and papers... Henry VIII, XVIII, 1, n° 163.

4. Fut-il trompeur ou trompé à propos de la question écossaise au traité de Crépy? Il avait affirmé à un envoyé écossais que l'Écosse était englobée dans la paix. L'envoyé demanda audience à l'empereur pour qu'il ajoutât cette clause. On l'éconduisit, ce dont

serait peut-être pas juste de mettre tout sur le compte de l'amiral; il est probable qu'on ne pouvait faire beaucoup mieux, dans l'état où se trouvait le gouvernement de François Ier.

On a en effet blâmé, en la comparant à celle de Montmorency' sous Henri II, l'administration d'Annebault et de Tournon. Les conditions n'étaient cependant pas les mêmes, et il serait juste de faire observer que la paix qui régna pendant les premières années du règne de Henri II, l'avènement d'un souverain plus jeune et mieux portant étaient des circonstances plus favorables. Il eût fallu, à la fin du règne de François Ier, pour débrouiller la confusion générale, un tout autre homme d'État que l'amiral d'Annebault. François Ier l'avait choisi, « lorsqu'ennuyé du connétable de Montmorency, et devenu chagrin dans sa vieillesse, il commença à concevoir des ombrages contre les grands esprits2 ». Il lui demandait surtout de la fidélité et de la probité.

Sur ce point, le roi put être satisfait. Si Claude d'Annebault n'avait pas de génie, c'était du moins un fort honnête homme, « un très homme de bien et d'honneur, et remply d'une bonne3 et sincère âme, qu'est une marchandise fort rare parmy les gens de court, ce disoit le Roy1». Il était, dit Belcarino, « vir strenuus atque integer, alieni non appetens ac publicæ utilitatis in primis studiosus ».

Il eut le grand mérite de gérer honnêtement les finances.

Annebault fut d'autant plus mécontent que l'Écossais vint lui faire une scène, l'accusant de trahison. Il dit alors que la convention était purement verbale. Mais Gonzague et Granvelle nièrent même cela. Quand il alla, en 1545, à Bruges, l'amiral s'occupa encore de cette affaire, mais Granvelle lui répondit si franchement (plainly) qu'il dut tenir sa langue. State papers Spanish, VIII, no 300. 1. F. Decrue, op. cit.

2. De Thou, op. cit., t. II, liv. XI, p. 318.

3. Sa bonté n'était peut-être que de l'indifférence. Il fit la guerre d'une façon implacable. Il est vrai que cette cruauté chez un capitaine du xvi siècle était presque anodine.

4. Brantôme, Œuvres, t. III, p. 210.

5. Liv. XXVI, p. 845.

REV. DU SEIZIÈME SIÈCLE. IX.

4

« VorigeDoorgaan »