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toriens littéraires (M. Ferdinand Neri) et les critiques modernes lui consacrent quelques études de valeur.

En Espagne, le premier écrivain qui se soit occupé de Montaigne est Francisco de Quevedo qui cite les Essais à plusieurs reprises dans sa Défense d'Epicure (1635). La littérature espagnole des xvire et xvIIe siècles a presque totalement ignoré les Essais. Par contre, la génération contemporaine n'est pas indifférente à Montaigne. Menendez y Pelayo et surtout Martinez Ruiz (Azorin) ont écrit sur les Essais de fort belles pages et d'intéressantes appréciations. J. P.

LES SONGES MÉDICAUX. Pantagruel conseillait à Panurge (Tiers-Livre, ch. xш) « de prévoir l'heur ou malheur de son mariage par songes » et il alléguait plus de quinze médecins, philosophes, naturalistes ou poètes anciens qui avaient recommandé cette « voie de divination ».

De nos jours, nous dit le Dr Paul Farez, des légions de devineresses gagnent largement leur vie en dissertant sur le passé, le présent et l'avenir de leur clientèle; pour cela, elles interrogent les songes et ce n'est certes pas plus déraisonnable que de consulter les cartes ou le marc de café. Mais revenons à la médecine, en passant par la psychologie.

Descartes rêve qu'un coup d'épée le transperce; c'est qu'il vient d'être piqué par un moustique. Maury rêve qu'il est arrêté, condamné à mort..., guillotiné; il se réveille en sursaut: son ciel de lit lui est tombé sur le cou. M. Bergson rêve qu'il fait un cours et, ce que, ni vous ni moi, nous n'aurions pu imaginer, — l'auditoire lui crie « A la porte! A la porte! » Réveillé, il entend un chien aboyer dans la rue. Qu'est-ce à dire? Malgré le sommeil, les impressions des sens atteignent le dormeur; elles déclenchent le rêve; sur le thème initial, l'imagination brode, colore, amplifie, diversifie. Transportons cette donnée dans le domaine des maladies. Galien rêve qu'il a une jambe de pierre; et quelques jours après, cette même jambe se paralyse. Celui-ci rêve qu'il est mordu par un chien, par un serpent; et, dans la suite, on constate, à cet endroit, un furoncle, un anthrax. Celui-là se voit en songe renversé par une voiture; une roue lui passe sur la gorge; le surlendemain se déclare une angine. Ce sont donc des rêves prophétiques? Certes, oui; ils dévoilent l'avenir, mais un avenir tout à fait prochain, même un avenir déjà présent. Avant de s'épanouir dans toute leur intensité, les maladies comportent, au début, un travail physiologique lent, insidieux, dont nous n'avons pas conscience dans la journée, quand l'exercice de tous nos sens et de multiples occupations accaparent

notre attention. Mais la nuit, dans le silence et l'obscurité, avec le repos sensoriel presque complet, les impressions corporelles sourdes, menues, sont capables de fournir une matière à un rêve déterminé. Si celui-ci avait pu être assez tôt et bien interprété, souvent on aurait su prévoir certain trouble à peine en évolution, le combattre par avance, peut-être le faire avorter. Et ce rêve, d'allure prophétique, se retrouve aussi en pathologie mentale. Ainsi un homme, en apparence bien portant, rêve chaque nuit qu'il est empereur, général en chef, milliardaire. Trois mois après on diagnostique une paralysie générale. La mégalomanie nocturne avait donc devancé, d'autres diront « annoncé », l'apparition des stigmates physiques. Il y aurait donc, dans certains cas, une clé des songes, une clé médicale, capable de dépister précocement certaines maladies. Ce chapitre de la science n'existe encore qu'à l'état d'ébauche; il ne faut pas trop lui demander. Parfois, cependant, un diagnostic tout à fait sûr s'impose. Ainsi, quelqu'un prétend n'avoir aucune habitude d'intempérance. On lui demande : « Rêvez-vous la nuit? »> Ingénument, il répond : « Oh! oui, j'ai des cauchemars et je ne cesse de voir des animaux, des rats surtout, courir sur mon lit, dans ma chambre... » Il s'est livré; c'est un alcoolique; il en a les rêves classiques.

Voici un autre point de vue. Dans certains cas, le rêve est pathogène; il provoque, par exemple, des impulsions, des idées fixes, des phobies... Ainsi, pendant trois nuits consécutives, une femme s'entend répéter dans son rêve : « Tue ta fille! »; le quatrième jour, au réveil, elle immole son enfant. Le cas suivant est rapporté par Taine. Pendant son sommeil un gendarme s'entend condamner à mort; on va le guillotiner! Au réveil, ne pensant qu'à éviter l'exécution publique, il court se noyer.

Mais, direz-vous, il faut être déjà malade pour confondre le rêve et la veille. D'accord. C'est le propre de l'état appelé onirique (du grec oneiros, songe); on le retrouve dans bon nombre d'affections mentales ainsi que dans certaines intoxications. Ce que le rêve impose, on l'accepte sans contrôle dans la veille ultérieure. Le rêve et la réalité fusionnent sans qu'on arrive à les distinguer.

D'autres fois, sans qu'il y ait « onirisme » ou intoxication, le rêve a provoqué un choc impressionnant; on reste dominé par lui; on en subit l'empreinte, sans pouvoir s'en déprendre. Midas, — que personne n'a jamais prétendu avoir été aliéné, se tua, nous dit Montaigne, << troublé et fasché de quelque malplaisant songe qu'il avait songé ». Dans Montaigne encore, on peut lire : « Pline dict d'un qui, songeant estre aveugle en dormant, se le trouva l'endemain, sans aulcune maladie précedente. » Citons quelques cas modernes. Une femme rêve que le tonnerre tombe près d'elle; au réveil, elle est sourde elle le reste pendant deux mois. Une autre songe à un

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homme muet, et elle se réveille aphone. Sans doute, ce sont là de simples troubles fonctionnels, des inhibitions momentanées. Mais on constate aussi des lésions corporelles. Ainsi une femme voit en rêve un ravisseur; comme elle lui résiste, il la bat violemment. Au réveil, sa peau est constellée de « bleus », c'est-à-dire d'ecchymoses. Il est des cas où un rêve provoque et entretient une contracture, une paralysie, un tremblement. Ce rêve est oublié au réveil. Pour la conscience vigile, c'est comme s'il n'avait pas existé. Il agit néanmoins, à notre insu, car il a persisté dans notre subconscient. Par des procédés sur lesquels je ne peux pas insister ici, on le dépiste, on l'oblige à se dévoiler, on le combat, on l'extirpe. Alors, disparaissent tout seuls des accidents qui résistaient à tous les traite

ments.

Tout comme ils peuvent être pathogènes, les rêves deviennent parfois curateurs, c'est-à-dire qu'ils amènent la guérison. Tantôt malfaisants et tantôt bienfaisants, ils font penser à la langue, qu'Ésope proclamait la pire et aussi la meilleure des choses. Puisque nous évoquons le souvenir de cet exquis fabuliste, rappelons cé qui lui advint. Ésope était affligé d'un bégaiement qui le désolait. << Pendant son sommeil, il s'imagina que la Fortune était devant lui, qui lui déliait la langue... Réjoui de cette aventure, il s'éveilla en sursaut, et en s'éveillant: Qu'est ceci? dit-il, ma voix est libre; je prononce bien un rateau, une charrue, tout ce que je veux. » C'est en ces termes que le bon La Fontaine raconte la guérison de son célèbre devancier.

Il s'agit là d'un rêve « spontané ». Il en est aussi de « provoqués » et à dessein, dans un but thérapeutique. On peut donc provoquer tel ou tel rêve, à volonté? Mais certainement. Je vous signale, à ce sujet, un livre fort curieux, bourré d'observations instructives, paru en 1867 sous ce titre : Les Rêves et les moyens de les diriger. L'auteur anonyme, on sut plus tard que c'était Hervey de Saint-Denis, - s'approche, la nuit, d'un de ses amis qui dort du sommeil normal. Assez bas pour ne pas l'éveiller, assez haut pour impressionner son audition, il lui dit, à l'oreille, sur un ton de commandant : « Portez... arme! Présentez... arme! » Aussitôt il l'éveille : — « Que rêvais-tu ? » — « J'étais général et je passais en revue les troupes de la garnison. » La matière du rêve avait été fournie au dormeur et celui-ci avait brodé sur ce canevas. Ce n'est là, direz-vous, qu'un amusement capable d'intéresser, tout au plus, le psychologue. Sa portée, je vous assure, va beaucoup plus loin.

Bien des fois, on a essayé d'utiliser le sommeil naturel pour extorquer des témoignages; et cela ne date pas d'hier. Démocrite, cinq siècles avant J.-C., disait : « Arrachez la langue à une grenouille vivante; appliquez cette langue sur la poitrine d'une femme endormie et celle-ci répondra sans mentir à toutes les ques

tions que vous lui poserez. » Ce n'est plus in vino, c'est in somno veritas! Dans une récente affaire de lettres anonymes, certain juge voulut, dit-on, interroger une inculpée pendant qu'elle dormait. Manquait-il de l'expérience nécessaire, ou bien a-t-il négligé la langue de grenouille recommandée par le philosophe? Il n'obtint aucun aveu; même il fut envoyé en disgrâce dans un autre poste... Mais revenons à la thérapeutique.

Par des procédés aussi ingénieux que variés, des médecins savent provoquer des rêves qui guérissent. Voici un cas très simple que j'emprunte au docteur Tissié, de Bordeaux, l'un des hommes les plus compétents en la matière. Une jeune fille avait l'habitude de voler tout l'argent qui se trouvait à sa portée. Le docteur Tissié lui impose le rêve suivant : elle annonce à ses petites amies qu'elle veut devenir honnête, travailleuse, respectueuse du bien d'autrui, qu'elle est récompensée pour son honnêteté, etc. Et elle fut guérie de sa kleptomanie. On eut beau la tenter; plus jamais elle ne déroba rien. Concluons.

Si votre médecin s'intéresse à vos rêves, n'y voyez pas une marotte ou une indiscrétion de dilettante. Renseignez-le. Pour lui, — pour vous surtout, — votre vie intellectuelle pendant le sommeil peut avoir autant d'importance que votre alimentation, votre digestion, vos éliminations. Quant aux rêves provoqués, vous le savez maintenant, ce sont, non pas de « ridicules erreurs », mais des réalités, — et non pas des curiosités psychologiques, mais de véritables agents de guérison. Retenez-le : de nos jours aussi bien que dans l'antiquité, des praticiens très avertis manient avec prudence et discernement la thérapeutique par le rêve; le nom de cette dernière se dit en grec, naturellement : c'est l'onirothérapie. Si, pour des cas très spéciaux, chez vous ou autour de vous, on la propose, acceptez-la, car son efficacité a été confirmée par l'expérience des siècles..., et remerciez votre médecin d'y avoir pensé.

Dr Paul FAREZ.

(Extrait du Journal des Débats du 18 février 1923.)

LE QUATRIÈME CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE Ronsard. La Muse française, numéro du 10 mai 1923, publie l'appel ci-après, adressé par le Comité du Quatrième Centenaire de la naissance de Ronsard à tous les amis de la poésie et des lettres françaises :

Le quatrième centenaire de la naissance de Ronsard qui sera célébré en 1924 doit commémorer avec éclat la naissance de la poésie française elle-même.

Créateur de notre langue poétique, au temps où Rabelais, Amyot et Montaigne formaient notre prose, Pierre de Ronsard a exercé,

même hors de France, une action immense et toute l'Europe a reconnu sa primauté.

De la condamnation puriste de Boileau, le x1x siècle a déjà vengė son génie; le xx lui doit une réparation plus complète.

Il s'agit de lui rendre aujourd'hui l'honneur public qu'il est le seul de nos grands poètes à n'avoir jamais reçu. Il n'y a dans Paris ni un monument, ni une inscription pour rappeler Ronsard et les admirables maîtres de la Pléiade qui s'y sont groupés autour de lui.

Un comité de poètes et d'écrivains s'est formé pour leur dédier, l'an prochain, une fête de la poésie et veut y associer la musique et les autres arts cultivés à la Renaissance. Il fait appel à tous les lettrés de France qui ont le sentiment de la continuité de notre littérature. Il leur demande leur souscription au monument de Ronsard et de la Pléiade et leur adhésion à l'hommage qui sera rendu aux pères de la poésie nationale.

Pour le Comité :

Le président, Pierre DE NOLHAC.

Les vice-présidents,

Comtesse DE NOAILLES; Henri DE RÉGNIER;
Abel LEFRANC; Paul LAUMOnier.

Le gérant: Jean PLATTARD.

NOGENT-LE-ROTROU, IMPRIMERIE DAUPELEY-GOUVERNEUR.

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