Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

il ne faut pas s'en tenir strictement au texte de la loi, il faut savoir aussi consulter son esprit, et l'esprit de notre Code civil n'est pas tout entier renfermé dans les rapports ou discours des orateurs du Conseil d'Etat et du Tribunat, quelque utilité qu'il y ait à les consulter, utilité que nous sommes loin de nier.

Nous avons voulu, dans ce qui précède, donner une idée du livre de M. Coulon et de la manière dont il traite les questions qui en font le sujet. Nous devons maintenant dire un mot de l'ordre qu'il a adopté et du style.

Pour l'ordre de ses questions, il a suivi l'ordre alphabétique; c'est le plus naturel et le plus convenable pour des questions détachées. Ces questions, qui sont indiquées par des chiffres, sont nombreuses, on n'en compte pas moins de 160; et elles sont aussi les plus importantes de celles qui ont donné lieu à des controverses. On reconnaît, dans leur choix, l'homme pratique, le magistrat, comme on le reconnaît dans la forme un peu brève de la discussion; ce n'est pas le savant qui discute, c'est le magistrat qui va droit au but, donne son avis avec ce qu'il croit être la meilleure raison de décider. Cette manière pourra plaire à bien des lecteurs.

Le style de l'auteur est vif et toujours clair, ce qui le fait lire avec plaisir. On pourrait peut-être même lui reprocher un peu trop de vivacité.

Pour un ouvrage précédent, l'auteur avait adopté une autre forme, celle du dialogue; forme peu usitée de nos jours et qui ne convient pas, croyons-nous, à un livre de droit, si ce n'est à un livre élémentaire. En parlant de cet ouvrage, M. Coulon a cru devoir reproduire dans la préface tous les éloges qui en ont été faits. Notre intention n'est assurément pas d'en contester la sincérité et la parfaite justice, mais il eût mieux valu, ce nous semble, les réserver pour un prospectus.

C. GINOULHIAC.

DES USINES ET AUTRES ÉTABLISSEMENTS SUR LES COURS D'EAU, DÉVELOPPEMENTS SUR LES LOIS ET RÈGLEMENTS QUI RÉGISSENT CETTE MATIÈRE, par M. NADAULT DE BUFFON, deuxième tirage, augmenté d'un supplément. 2 vol. in-8°. Paris, Durand, 1852. Prix, 15 fr.

De toutes les matières administratives, celle des cours d'eau est peut-être la plus controversée en théorie. L'absence de textes

formels et la distinction toujours difficile à faire de l'intérêt privé et de l'intérêt public expliquent les nombreux dissentiments des auteurs qui ont écrit sur ce sujet. Mais si l'on ferme les livres pour interroger la pratique des affaires et la jurisprudence des arrêts, les doutes s'éclaircissent, les principes se fixent et les conséquences se déduisent d'elles-mêmes. C'est la méthode que M. de Buffon a suivie, et c'est ce qui a fait le mérite et le succès de son livre, publié pour la première fois en 1841.

De tout temps les cours d'eau navigables ont fait partie du domaine public. A ce titre, ils sont inaliénables et imprescriptibles. Il en résulte qu'aucune usine ne peut y être établie sans autorisation, et que l'autorisation même ne confère qu'un droit précaire, essentiellement révocable. Par exception, et ici l'exception confirme la règle, il y a trois cas dans lesquels l'Etat doit une indemnité aux usines endommagées ou supprimées par l'exécution de travaux publics 1o lorsque l'usine supprimée ou endommagée a une existence authentique remontant au delà du 1er avril 1566; 2o quand pour une usine, d'ailleurs fondée en titre, l'indemnité a été spécialement réservée dans un acte de vente nationale; 3° quand la permission a été accordée moyennant le versement d'un capital, sans réserve de la clause résolutoire.

[ocr errors]

La matière des cours d'eau non navigables est bien autrement compliquée. En effet, le principe même est en question; M. Nadault de Buffon démontre avec une grande force de raisonnement et un remarquable talent d'analyse que les cours d'eau non navigables n'appartiennent ni à l'Etat ni aux riverains, mais qu'ils font partie de ces choses dont parle l'article 714 du Code civil, qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous. Cette doctrine, consacrée depuis par la Cour de cassation, est la clef de toutes les difficultés.

En effet, si les riverains n'ont qu'un droit d'usage sur les cours d'eau qui bordent leurs propriétés, il en résulte que l'administration a un pouvoir absolu et sans recours pour régler l'usage de la chose commune. C'est à elle qu'il appartient d'autoriser l'établissement des usines, de fixer la hauteur des eaux, en un mot, de faire la part de chacun dans l'intérêt de tous.

Mais, d'un autre côté, le droit d'usage des riverains n'est pas précaire. Il se fonde sur l'article 644 du Code civil; d'où il résulte que si des usines sont endommagées ou supprimées par l'exécution de travaux publics, l'Etat doit une indemnité aux pro

priétaires. Cette indemnité doit être réglée par l'autorité administrative, aux termes de la loi du 16 septembre 1807. En effet, la suppression de tout ou partie de la force motrice d'une usine ne constitue pas une expropriation, mais un simple dommage.

L'exposition de ces règles importantes occupe la plus grande partie de l'ouvrage. M. Nadault de Buffon traite en outre du curage des cours d'eau, des contraventions, des formes prescrites pour l'instruction des demandes en autorisation d'usines et en règlement d'eau. On retrouve dans toutes les parties de son ouvrage la même méthode et la même sûreté de doctrine; nous devons cependant ajouter que sur quelques points de détail, la jurisprudence s'est modifiée récemment.

Ainsi, l'on admet aujourd'hui qu'en matière de contravention de grande voirie, l'action publique se prescrit par un an, sinon quant aux réparations, du moins quant à l'amende (v. t. Ier, p. 503). Ainsi encore pour régler la compétence respective des tribunaux et de l'administration en matière d'indemnité, on ne distingue plus entre les dommages temporaires et les dommages permanents pour assimiler ces derniers à une expropriation. La Cour de cassa tion a fini par adopter sur ce point la jurisprudence du Conseil d'Etat (v. t. II, p. 161). Le livre de M. Nadault de Buffon, exact en 1841, a donc cessé de l'être complétement aujourd'hui. C'est le sort de tous les livres de droit, et même des meilleurs.

Le supplément ajouté par l'auteur à ce nouveau tirage ne remédie pas entièrement à cet inconvénient. On y trouve, en revanche, deux notes fort intéressantes; l'une sur la question des redevances à imposer, au profit du Trésor, aux particuliers qui obtiennent des concessions de chutes ou de prises d'eau sur les rivières et canaux du domaine public, l'autre sur la clause de suppression éventuelle sans indemnité, réintroduite à partir de 1842 dans tous les règlements d'eau, et contre laquelle l'auteur n'hésite pas à se prononcer. R. DARESTE,

Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

DES ÉTATS PROVINCIAUX SOUS LOUIS XIV, par Alph. GRUN, archiviste de la couronne, ancien rédacteur en chef du Moniteur universel. Deuxième édition. Paris, A. Durand, libraire, 5, rue des Grès. 1853. Prix, 75 c,

Ce n'est point une histoire des Etats provinciaux qu'a voulu faire M. Grün, c'est une de ses pages seulement qu'il a voulu

écrire, et cette page n'est ni la plus belle ni la plus glorieuse. Courbés sous le joug de la royauté, les Etats provinciaux allaient bientôt se perdre dans celle unité nouvelle qui devait succéder å celle du pouvoir absolu, et qui, pas plus que cette dernière, n'admettait ces vieilles franchises, ces libertés privilégiées qui répugnaient à l'homogénéité nationale.

La période de leur histoire qu'a choisie M. Grün n'est pas encore celle de leur absorption, elle n'est plus celle de leur gloire ; c'est la période de leur décadence; ils ne sont plus que l'ombre de ce qu'ils furent jadis, leur indépendance n'est plus que pour la forme. Mais si cette période est la plus triste dans l'histoire d'une institution qui rendit jadis de glorieux services en servant de contre-poids au pouvoir absolu, M. Grün ne pouvait en choisir de mieux appropriée au but qu'il se proposait, et qui est de prouver que cette institution, bonne autrefois peut-être, avait perdu de sa valeur à chaque pas que la France faisait dans la voie de l'unité et de la civilisation, et qu'elle ne saurait être aujourd'hui pour nous un objet de regret ou exciter le désir de la voir rétablie.

Que le rétablissement des Etats généraux, tels qu'ils existaient autrefois, ne soit ni désirable, ni possible, nous ne le contestons pas; mais c'est aussi trop bien choisir son terrain que de placer la discussion à l'époque de Louis XIV. Quelle institution fut alors brillante et ne fut pas dominée par la royauté? Les Parlements, qui avaient joué un grand rôle avant, et qui curent quelques moments d'éclat après, qu'étaient-ils alors? D'ailleurs les défauts des Etats provinciaux ne furent-ils pas un peu ceux de toutes les assemblées délibérantes, même dans des temps moins éloignés, lorsque ces assemblées se sont trouvées en présence d'un autre pouvoir plus fort que le leur ?

Mais si nous trouvons la critique de M. Grün un peu vive, et si nous croyons que pour être juste envers les institutions, il ne faut pas les juger d'après ce qu'elles étaient à un moment de leur existence, surtout si ce moment est celui de leur déclin, et avec nos idées gouvernementales modernes, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître que cette page, quelque triste qu'elle soil, présente sous la plume de M. Grün un vif intérêt ; d'autant plus que l'historien emprunte tous ses détails à des documents authentiques. Ce sont, pour la plupart, des lettres écrites par les intendants des provinces ou autres gens du roi au ministre, pour

lui faire connaître les dispositions des assemblées, et les moyens à prendre pour vaincre leur résistance. Les moyens étaient d'ordinaire la ruse, des expédients que le grand Colbert lui-même ne dédaigne pas d'indiquer à ses commissaires, et quelquefois l'intimidation et la force. Cette lutte entre les Etats, qui se disaient constamment pauvres, et le Gouvernement qui demandait sans cesse, lutte dans laquelle les premiers succombaient toujours, est curieuse à étudier dans l'ouvrage de M. Grün; aussi recommandons-nous celte œuvre à ceux qui aiment à lire ces petits détails, à voir mis en œuvre ces ressorts gouvernementaux et fonctionnant ces expédients qui furent jadis en usage, même sous un grand règne.

La seule chose qu'on puisse reprocher à M. Grün, nous l'avons dit, c'est d'être trop l'homme de son temps et de juger avec trop de sévérité ce qui fut autrefois, les hommes et les choses, Louis XIV et les Etats provinciaux. Quant à la manière dont le sujet est traité, elle est telle qu'on devait l'attendre de la plumé exercée de M. Grün. C GINOULHIAC.

ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS. INDUSTRIES DANGEREUSES, INSALUBRES ET INCOMMODES (1851). — II. DECENTRALISATION ADMINISTRATIVE. SES EFFETS SUR LE RÉGIME ADMINISTRATIF DES USINES ET DES ÉTABLISSEMENTS D'INDUSTRIE (1853), par M. Henri AVISSE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Delhomme, éditeur. Paris, 2 vol. in-8°. Prix, 12 fr.

Après les travaux de MM. Macarel, Taillandier, Trébuchet, Clérault et quelques autres, il pouvait paraître téméraire de s'occuper derechef des industries insalubres et dangereuses. On peut se demander si un nouvel ouvrage sur cette matière spéciale pouvait encore présenter quelque utilité. La lecture du livre de M. Henri Avisse doit faire résoudre cette question en sa faveur. Son ouvrage a tout d'abord l'avantage, venant après les autres, de présenter le dernier état de la législation et de la science. Il est juste d'ajouter immédiatement que ce n'est pas là son seul mérite. Le Traité de M. Avisse se distingue, avant tout, par la bonne ordonnance et la clarté du plan adopté par l'auteur.

Le premier volume, qui contient la théorie générale, est partagé en deux livres, divisés eux-mêmes en litres, chapitres et sections. Le premier livre traite des établissements dangereux, insalubres

« VorigeDoorgaan »