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PREMIÈRE PARTIE.

OUVRAGES FRANCAIS.

ESSAI HISTORIQUE SUR L'ORGANISATION JUDICIAIRE ET L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE depuis Hugues Capet jusqu'à Louis XII, par M. J.-M. PARDESSUS, membre de l'Institut. 1 vol. in-89. — Paris, Auguste Durand. Prix, 8 fr.

Chargé par l'Institut de continuer la grande collection des ordonnances commencée par Laurière, Secousse et Bréquigny, M. Pardessus a fait comme ses devanciers. Chacun l'avait enrichie de quelque préface où il traitait certains points de l'histoire de nos institutions. M. Pardessus a mis en tête du XXIe volume un Essai historique sur l'organisation judiciaire et l'administration de la justice depuis Hugues Capet jusqu'à Louis XII, c'est-à-dire pendant la période qu'embrassent les actes rassemblés dans cette collection monumentale. Nous applaudissons à l'idée qu'on a eue de mettre, par une publication séparée, ce beau travail à la portée d'un plus grand nombre, car il déroule un tableau du plus grand intérêt.

Dans son grand ouvrage sur la loi salique, M. Pardessus avait traité de l'administration de la justice sous nos deux premières races. Il n'a donc eu qu'à se continuer lui-même en suivant, à travers d'autres siècles, la marche des juridictions diverses dont il avait sondé les origines. Justice royale, justice féodale, justice municipale, justice ecclésiastique, tous ces sujets sont embrassés d'un regard ferme et exposés avec une méthode lumineuse.

Le cadre de cette notice ne nous permet pas de suivre l'auteur dans les diverses parties de ce vaste travail. Nous appellerons seulement l'attention sur les pages relatives aux origines du Parlement; sujet traité bien des fois, mais que l'auteur a su rajeunir, tant par l'abondance des documents que par la netteté de ses vues. M. Pardessus établit très-bien que le principe féodal du jugement par les pairs ne comporta point une application si rigoureuse que la Cour appelée à juger un membre du corps féodal dût être exclusivement composée de ses pairs de fief. Tous avaient le droit d'y siéger, tous devaient y être convoqués; mais il suffisait, en définitive, que quelques-uns y figurassent. La Cour, comme on

le disait avant 89 dans le jugement des pairs de France au Parlement, devait être suffisamment garnie de pairs. Il n'y eut donc point une Cour du duché de France, composée des barons de ce duché, et une Cour du souverain fieffeux, composée des grands feudataires de la couronne. Il n'y eut qu'une haute juridiction dans laquelle on voit siéger à la fois les grands feudataires de la couronne, les barons du duché de France, les principaux officiers de la cour et de grands personnages ecclésiastiques et laïques qu'y appelait la confiance du roi,

C'est devant cette haute Cour que Philippe Auguste cita un vassal plus puissant que lui. L'arrêt rendu contre John permit à Philippe de mettre la main sur plusieurs des plus belles et des plus riches provinces de France. Armée désormais de la force matérielle qui lui avait manqué, la couronne put faire respecter les droits de sa suzeraineté, et développer, mettre en action l'idée de sa souveraineté.

Les tribunaux furent l'instrument le plus efficace de la recorstitution de son pouvoir. Autant et plus de conquêtes furent faites par arrêt que par l'épée; et si l'on put dire que les rois avaient les mains longues, ce fut surtout en leur voyant étendre sur le pays la longue main de leur justice.

Le nouveau caractère donné à l'appel par saint Louis multiplía les recours devant la justice royale. Tant que les causes s'étaient vidées par combat, ou d'après des usages extrêmement simples, les barons avaient pu juger. Mais quand les causes durent se vider par moyens de droit, et que l'étude restaurée des lois romaines eut substitué une science compliquée à la simplicité des anciennes coutumes, les hauts seigneurs se retirèrent avec dégoût d'une justice à laquelle ils n'entendaient plus rien. Les légistes qui s'étaient introduits à la cour du roi comme humbles rapporteurs finirent par y siéger seuls; et, de ce sommet de la hiérarchie judiciaire, ils purent faire pénétrer partout les maximes les plus destructives de la féodalité, les plus favorables à l'agrandissement du pouvoir royal. L'image du pouvoir impérial avait fortement saisi l'esprit des légistes, et ils tendaient en toute chose à faire que le roi fût empereur en son royaume. Ce n'était pas servilité. C'est qu'alors le premier besoin du pays était de s'arracher à la féodalité par la reconstitution d'un pouvoir central vigoureux. Dans d'autres temps, les légistes du Parlement surent comprendre d'autres devoirs, et se porter les défenseurs des libertés publiques.

Le Parlement avait d'abord embrassé toute la France dans sa juridiction. Divers Parlements provinciaux furent successivement créés. Ce ne fut pas sans déplaisir que le Parlement de Paris vit ces créations qui diminuaient son importance. Il garda toujours des prétentions à un pouvoir ou au moins à un rang supérieur. Il fut aussi établi des juridictions souveraines détachées de la sienne, comme la Chambre des comptes, la Chambre des monnaies. Nouveau déplaisir pour le Parlement, qui s'attacha par une foule de moyens à miner le terrain de ces justices rivales. Enfin, la couronne se fit un Conseil distinct du Parlement. Autre source de conflits. Le Conseil envahit par divers côtés le domaine judiciaire, tandis que les Parlements pénétraient d'une foule de manières dans la sphère gouvernementale et administrative.

Les origines du Parlement lui avaient fait une grande et forte position. Elles donnaient prétexte à des prétentions plus hautes encore. Les Parlements ne furent pas seulement des corps judiciaires, ils furent des corps politiques. A l'occasion de l'enregistrement des édits royaux, ils exerçaient un contrôle sur l'exercice du pouvoir royal. Comment s'était établie la nécessité de l'enregistrement? Il y aurait là une longue histoire à raconter. Ce qui fit la force des Parlements c'est que, les Etats généraux ayant été mis à l'écart par la couronne, les Parlements se trouvaient les seuls remparts des libertés du pays, les seuls gardiens de la fortune publique.

On voit à combien de choses touche l'histoire de nos Parlements, qui n'est elle-même qu'une partie de l'histoire de notre ancienne organisation judiciaire. M. Pardessus ne conduit cette histoire que jusqu'au règne de Louis XII. Son travail, destiné à la grande collection dès ordonnances, a dû s'arrêter où s'arrête cette collection. Mais, à l'époque de Louis XII, l'organisation judiciaire avait pris sa forme et ne subit plus que des changements se-condaires.

En lisant cet ouvrage, on admire cette verte vieillesse qui cou ronne une vie remplie de tant de travaux solides, et produit un jour une œuvre de la plus haute érudition sur la loi salique, un autre jour une refonte savante de l'ouvrage de Bréquigny sur les chartes et diplômes des rois de la première race, un autre jour, enfin, une histoire si bien conçue de nos origines judiciaires. Ce dévouement continu à la science étonne surtout aujourd'hui, où tant de préoccupations viennent disputer les esprits à l'étude et laissent si peu de place aux travaux de longue haleine. Il leur faut

des temps moins agités que les nôtres. Ce sont cependant ces vicissitudes mêmes qui ont fait à M. Pardessus des loisirs si bien employés. Mêlé longtemps aux affaires publiques, il en fut éloigné par d'honorables scrupules, par un haut désintéressement que lui dictait sa conscience. Il se tourna alors tout entier vers la science, amie plus sûre et plus fidèle, qui ne trahit jamais ceux qui lui vouent leur culte. La science, en retour, lui a procuré ce que l'orateur romain demandait pour les vieux jours qui ne lui furent pas donnés otium cum dignitate. L. DE VALROGER,

Professeur à la Faculté de droit de Paris.

COURS DE CODE NAPOLÉON, par C. DEMOLOMBE, professeur à la Faculté de droit, bâtonnier de l'ordre des Avocats à la Cour d'appel de Caen. Tomes VIII et IX. 1852-53. — Paris, Auguste Durand. Prix de chaque vol., 8 fr.

Le cours de M. Demolombe est aujourd'hui trop connu à l'école et au barreau, pour qu'il soit nécessaire de faire une analyse et une appréciation détaillée de chacun des huit volumes dont se compose la première partie, concernant l'état des personnes. Nous nous bornerons à en donner une idée générale.

M. Demolombe, on s'en convainc aisément en parcourant un volume, quel qu'il soit, envisage son sujet de la manière la plus large et la plus complète, expliquant avec soin les principes et les textes, traitant toutes les questions qui s'y rattachent, ne négligeant aucune des faces diverses de ces questions, n'omettant dans la discussion aucun argument, aucune autorité doctrinale ou jurisprudentielle pour ni contre, faisant, en un mot, un traité complet sur chacun des titres du Code Napoléon.

On ne saurait, ce nous semble, faire à un auteur le reproche d'avoir donné à son sujet des développements, et à son œuvre des proportions trop considérables, alors surtout que cette œuvre n'est pas un livre élémentaire, et qu'elle peut être fractionnée en plusieurs traités, parfaitement distincts les uns des autres, et complets chacun en ce qui le concerne. Pour nous, nous aimons à rencontrer ainsi dans un même ouvrage, réunis et présentés avec art, tous les éléments d'explication et de discussion de nos lois civiles. Il est toutefois un ou même deux de ces éléments auxquels M. Demolombe ne nous paraît pas avoir fait une assez large part dans son cours : nous voulons parler de l'histoire et de la philosophie du droit, ou du droit naturel. Il s'est privé

par là de puissants secours qu'ont employés avec grand succès deux de ses illustres prédécesseurs, et qui, s'ils ne font pas le seul mérite de leurs œuvres, ajoutent du moins au charme de leur exposition. Sans doute, l'histoire du droit et le droit naturel ne suffisent pas à l'explication de nos lois civiles, leur emploi n'est même pas toujours sans danger; mais, invoqués à propos, ils peuvent répandre de l'intérêt dans la discussion, et souvent bien de la clarté sur les questions les plus difficiles de notre droit moderne. M. Demolombe n'exclut pas, il est vrai, d'une manière absolue tous les textes ou principes anciens, mais il en fait un très-sobre, nous dirions presque trop rare usage.

Mais, sous ce rapport, nous le constatons avec plaisir, M. Demolombe s'est un peu relâché de sa sévérité première, notamment dans le tome neuvième. Il n'y trace pas encore l'histoire même sommaire de la propriété, mais il en expose le fondement et en démontre la nécessité et la légitimité. Les textes du droit romain y sont aussi plus fréquemment cités, le sujet s'y prêtait davantage. Espérons qu'il fera quelques pas de plus dans celle voie, et qu'il donnera ainsi à son œuvre la seule chose qu'on puisse regretter de ne pas y rencontrer, un peu, ou pour mieux dire, un peu plus d'histoire et de philosophie. Ce qui n'exclut nullement l'étude appro-fondie des textes, et n'empêche pas même un livre de droit privé, comme il paraît le craindre, d'être dirigé vers un but d'application utile et pratique.

Sous le rapport de la forme, l'ouvrage du savant professeur ne laisse guère plus à désirer que sous le rapport du fond. Son style est toujours simple et clair, comme il convient au jurisconsulte. Nous y avons même remarqué une certaine animation et un peu de redondance qui s'expliquent sans doute par les habitudes du professorat, mais qui sont moins nécessaires peut-être et qui pourraient choquer, dans un traité ou dans un cours écrit, bien plus que dans un cours oral.

Quant aux opinions de M. Demolombe sur bien des points, nous ne saurions les adopter; mais ce n'est pas ici le lieu, on le comprend, de justifier ou même d'indiquer nos dissidences. Nous nous bornons à faire nos réserves à ce sujet.

La première partie du cours de Code Napoléon, comprenant l'explication du premier livre de ce Code, se compose de huit volumes et de six traités séparés, savoir : 1o Le traité de la jouissance et de la privation des droits civils, des actes de l'état civil et du

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