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Pourquoi, dans ses savantes dissertations sur l'usure romaine, M. Benech ne s'est-il pas davantage préoccupé de la question, débattue même encore aujourd'hui, de savoir quel était le véritable taux de l'intérêt fixé par la loi des Douze-Tables, le véritable sens de l'unciarium fœnus? Horace, Perse et Juvénal lui auraient, à notre avis, fourni sur ce point de graves arguments: - Pourquoi encore n'a-t-il pas consacré un examen spécial au fœnus nauticum que les lois, du temps même de Perse, n'avaient point astreint à un taux précis, comme elles avaient fait pour l'usura terrestris :

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Quid petis? ut nummi quos hìc quincunce modesto
Nutrieras, peragant avidos sudore deunces (1).

Nous aurions voulu encore voir mise en relief, dans les Etudes, celte allusion ironique que fait Juvénal au droit de possession sur les animaux sauvages, à propos du turbot de Domitien :

Non dubitaturi fugitivum dicere piscem
Depastumque diu vivaria Cæsaris, inde

Elapsum, veterem ad dominum debere reverti (2).

Nous cherchons vainement dans les Etudes ces vers d'Horace :

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Le procès se plaide devant le préteur Brutus, gouverneur d'Asie, in jus, qui tient sa session ordinaire, conventus (3).

Vous y trouverez bien le passage suivant de Juvénal :

Quantùm quisque suâ nummorum servet in arcâ,
Tantùm habet et fidei.

Mais l'auteur, captivé par quelques vers qui précèdent ceux-ci, n'a pas fait ressortir, ce qu'ils contiennent réellement, la salire sanglante de la loi romaine qui refuse le droit d'accusation publique aux citoyens qui minùs quàm quinquaginta aureos habent (4).

(1) Perse, sal. III. - Troplong, préface du Prét, p. 21. (2) Juvénal, sat. IV. — Couf. Gaius, Comm. 2, § 67.

(3) Horace, Satires, liv. I, sat. vII, v. 22.-Conf. Zimmern, Traité des actions, p. 21.

(4) Pothier, ub. sup., t. IV, p. 391.

Le cadre de cet article ne nous permet pas de pousser plus loin notre examen. Les titres scientifiques de M. Benech, sa position dans l'école, la nature même de son œuvre, qui est une œuvre d'art dans la science, nous ont fait un devoir de placer ici la critique avant la louange. Que pourrions-nous faire, d'ailleurs, pour louer comme il convient le livre de M. Benech? Nous préférons dire à tous ceux qu'intéressent les progrès de la science historique en France lisez les Etudes, lisez surtout et méditez les passages relatifs au mariage, à la capitis deminutio, aux successions testamentaires, à l'usure, aux obligations littérales, aux actions, et prononcez vous-mêmes si l'auteur n'a pas dignement suivi la tradition des grands noms sous l'égide desquels il a placé son

œuvre.

:

H. AUBÉPIN,
Avocat, docteur en droit.

ESSAI SUR L'HISTOIRE DES DONATIONS ENTRE ÉPOUX ET LEUR ÉTAT D'APRÈS LE CODE NAPOLÉON, par Gustave BoUTRY, avocat à la Cour d'appel de Paris. - Paris, 1852, in-8. Prix, 5 fr.

Parmi les productions périodiques de l'Allemagne, les thèses présentées pour obtenir des grades dans les universités occupent une place distinguée. On y trouve souvent de très-remarquables dissertations sur les points les plus difficiles du droit romain, lesquelles, non moins que les grands travaux des mattres, méritent de fixer l'attention, parce qu'elles contribuent aussi au progrès de la science du droit. Sous ce rapport, il y a quelques années à peine, nous étions, en France, bien arrièrės, et, sauf d'honorables et trèsrares exceptions, les thèses de licence ou de doctorat ne se faisaient remarquer par rien qui dût les faire sortir du cercle des facultés auxquelles elles étaient destinées. Il n'en est plus ainsi, nous le constatons avec plaisir; et, pour tenir nos lecteurs au courant des progrès de la science, il ne nous est pas plus permis de laisser en oubli les thèses de doctorat que les autres ouvrages que la science du droit produit chaque année. Aussi leur accorderonsnous très-volontiers une place dans notre Revue, et constateronsnous avec plaisir les qualités qui les distinguent, en même temps que les résultats scientifiques qu'elles contribueront à faire oblenir, et les justes espérances qu'elles doivent faire concevoir.

C'est ce que nous faisons aujourd'hui pour la thèse de M. Bou

try, qui mérite, à bien des égards, de ne pas passer inaperçue. La matière qui en fait le sujet est très-importante, et fait naître de graves difficultés, soit en droit français, soit en droit romain? ajoutons qu'elle a été envisagée et traitée sous toutes ses faces d'une manière remarquable. Rien n'y est omis; les dispositions des lois romaines et celles du Code civil y sont expliquées avec détail, et l'histoire du droit romain et français y occupe une assez large place.

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#1

Dans la première partie, l'auteur traite des donations entre époux, d'après le droit romain, le droit barbare et le premier droit coutumier français; dans la deuxième, de l'ancien droit français et du droit intermédiaire; dans la troisième enfin, du droit français moderne en matière de donations entre époux.

En étudiant l'origine de la prohibition de la donation entre époux chez les Romains, M. Boutry pense avec M. Pellat (Textes sur la Dot., 2e édit., p. 359), que cette prohibition ne s'est introduite dans le droit romain que postérieurement à la loi Cincia, et la preuve qu'il en donne, c'est que cette loi, qui limitait le taux des donations en général, exceptait de la limitation plusieurs personnes favorables, telles que les époux. Il cite, á l'appui de cet argument, le § 302 des Vaticana fragmenta. Mais d'abord, est-il vrai que la loi Cincia exceptât de ses dispositions les époux auxquels fut applicable là prohibition des donations, c'est-à-dire 'entre lesquels n'existaient pas les rapports naissant de la manus? car si ces rapports existaient, la donation n'était pas prohibée, elle était impossible, et dès lors ne tombait pas sous le coup de la prohibition. Le fragment du Vatican, que l'on invoque, et qui est emprunté à Paul, ne dit pas que la loi Cincia éût fait cette exception, Ce fragment, extrait d'un commentaire de l'édit sur la loi Cincia, dit seulement : « Sont exceptés... le mari et la femme, le fiancé et la fiancée. » Mais est-ce en vertu de la loi Cincia, est-ce en vertù de l'édit, ou bien par interprétation de ce dernier? Ce qui nous fait croire que c'est par extension de l'édit que le mari et la femme sont au nombre des personnes exceptées auxquelles il est permís de se faire respectivement des donations, c'est que dans le texte de l'édit où sont énumérées les personnes exceptées, texte rapporté au § 298 des Vaticana fragmenta, il n'est pas fait mention du mari el de la femme en général, mais de ceux qui sont in potestate matrimoniove, ce que le jurisconsulte explique, dans le § 300, de la manière suivante: « Excipiuntur et ii qui in potestate eorum,

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vel manu mancipiove, item quorum in potestate, manu mancipiove erunt. » Ce ne serait donc pas par l'édit lui-même, encore moins par la loi Cincia, mais par une interprétation de l'édit, que le mari et la femme qu'il n'avait pas in manu auraient été exceptés. A quelle époque aurait eu lieu cette exception ? c'est ce que nous ne rechercherons pas ici ; il nous suffit d'avoir prouvé qu'elle ne remonte pas à la loi Cincia, et que dès lors on ne peut pas en conclure que la prohibition de la donation entre époux n'existait pas encore. D'ailleurs, prouvât-on l'existence de l'exception à l'époque même de la loi Cincia, il faudrait encore prouver que cette exception s'applique aux donations entre vifs qui seules étaient prohibées, et non aux donations mortis causa ou divortii causa qui étaient permises. Si l'on veut inférer de cette exception la non-existence de la prohibition, comment expliquer leur existence simultanée à l'époque des grands jurisconsultes, existence que prouvent incontestablement les fragments de Paul qui nous ont été conservés dans les Vaticana fragmenta? Nous croyons donc, avec M. de Savigny, qu'il n'est pas probable que la loi Cincia ait admis elle-même des exceptions en faveur des époux, et o que dans tous les cas il ne faudrait pas en conclure que la prohibition des donations entre époux soit postérieure à la loi Cincia. V. Traité de droit romain, t. IV, p. 200, note e (Trad. Guenoux).

Dans le chapitre IV de cette première partie, M. Boutry fait l'historique des donations entre époux sous les lois des barbares et le premier droit coutumier français. Il résume, sur ce point, les travaux récemment publiés en France sur les divers régimes d'association conjugale.

སྙ་ཉྭ་ལ་ཚོན

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La seconde partie, consacrée à l'ancien droit français, traite des donations entre époux dans les pays de droit écrit et dans les pays de coutumes, du don mutuel entre époux, des secondes noces et du fameux édit de 1560.

En s'occupant, dans la troisième partie, du droit français moderne, M. Boutry en explique avec soin les dispositions, il expose les diverses interprétations qu'on en a données et les questions délicates qu'elles ont fait naître. Il en est plusieurs parmi ces dernières sur lesquelles nous ne saurions adopter les opinions de l'auteur; nous n'en citerons qu'une. M. Boutry croit devoir adopter, sur la fixation de la quotité disponible entre époux, l'interprétation de l'art. 1094, donnée par M. Bénech. Sans nier la force des considérations qu'on peut faire valoir pour allribuer à

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la femine une part au moins toujours égale à celle de l'étranger, et tout en reconnaissant ce qu'il y a de subtil et d'ingénieux dans le système du savant professeur de Toulouse, nous croyons que la loi est trop claire pour que lous ces arguments, pris hors d'elle, ne viennent pas se briser contre son texte. Il est vrai qu'on tire aussi des arguments de ce texte même, notamment de ce que le législateur a dit dans l'art. 1094 pourront, au lieu de ne pourront, ce qui indiquerait, dit-on, qu'il n'a pas voulu, comme pour les enfants naturels, restreindre la quotité disponible ordinaire. Il suffit de réfléchir que, dans ce même texte, le législateur a, en fixant une quotité invariable, étendu aussi bien que restreint la quotité ordinaire, pour reconnaître qu'il ne pouvait se servir des expressions ne pourront, qui n'eussent convenu qu'à une restriction. Quant aux motifs que le législateur a eus de restreindre ainsi à une moitié en usufruit et à un quart en nue propriété la quotité disponible de la femme, il a pu en avoir d'excellents, qu'il ne serait pas impossible de découvrir. Il a pu ne pas vouloir que la quotité de la femme variât selon le nombre des enfants, qu'elle fût moindre lorsqu'ils étaient plus nombreux, plus grande lorsqu'ils l'étaient moins. Cette variation en raison inverse de l'accroissement de la famille pouvait avoir de graves inconvénients, et l'on a pu et dû préférer une quolité moyenne fixe ct invariable. Sauf ces légères divergences que nous avons cru bon de signaler, le travail de M. Boutry nous a paru devoir prendre place parmi nos bonnes monographies. Si l'on n'y rencontre pas des aperçus nouveaux, on y trouve un exposé bien fait de tout ce qui a été dit ou écrit dans ces derniers temps sur la matière qui fait le sujet de son ouvrage. Aussi sera-t-il consulté avec fruit par tous ceux qui voudront connaître à fond cette partie de notre droit ancien et moderne. C. GINOULHIAC.

DES DROITS D'USAGE DANS LES FORÊTS, DE L'ADMINISTRATION DES BOIS COMMUNAUX ET DE L'AFFOUAGE, par M. E. MEAUME, professeur à l'École forestière. 2 vol. in-8. Prix, 12 fr. Paris, Durand, rue des Grès, 5.

De toutes les questions que soulève l'étude du droit forestier, les plus difficiles et en même temps les plus intéressantes sont celles qui se rattachent aux droits d'usage et d'affouage. Constituées dans des temps reculés, à l'époque de l'affranchissement

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