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nomie. Ces changements ont été opérés de deux manières : par la révision des textes, en incorporant les dispositions nouvelles dans les Codes eux-mêmes; par des lois spéciales qui se rattachent aux Codes, et qui modifient, qui abrogent ou qui complètent certaines de leurs dispositions. Il y aurait beaucoup à dire sur chacune de ces méthodes; bornons-nous à constater les soins qu'exige aujourd'hui une édition des textes qui puisse être employée avec sûreté pour la pratique. Les Codes de M. Gilbert nous ont paru réunir toutes les conditions désirables sur ce point. Ils contiennent à la fois la rédaction qui est actuellement en vigueur, et l'ancienne, placée dans des notes qui fournissent ainsi le moyen d'apprécier les changements qui ont été introduits. Les lois qui n'établissent pas des changements dans la rédaction des articles du Code, mais qui en modifient les dispositions, sont aussi données dans des notes, rattachées aux parties auxquelles elles se réfèrent. Ainsi, par exemple, à la suite de la section 1re du chap. v du livre II du Code d'instruction criminelle, relative au jury, on trouve la loi du 4 juin 1853, précédée d'une notice historique, qui indique les lois relatives à l'institution et à l'organisation des jugements par les jurés, qui ont été rendues depuis 1790 jusqu'à nos jours.

Sur l'article 17 du Code pénal, relatif à la déportation, outre les changements qu'avaient introduits dans ses dispositions les lois des 28 avril 1832 et 9 septembre 1835, on trouve en note la loi du 8 juin 1850. La loi du 31 mai 1854, qui abolit la mort civile, et qui détermine les incapacités rattachées aux condamnations à des peines perpétuelles, est placée à la suite de l'article 18 du Code pénal, auquel elle se réfère. Celle du 30 du même mois, relative à l'exécution de la peine des travaux forcés, qui abroge expressément l'article 72 du Code pénal, est placée sous l'article 15 qu'elle modifie, et est rappelée en note de tous les autres articles auxquels elle se rattache. Ajoutons que M. Gilbert a accompagné les articles des Codes de 1808 et de 1810 de l'indication de ceux analogues du Code d'instruction du 16 septembre 1791, du Code pénal du 25 du même mois, de la loi du 19 juillet 1791 sur la police municipale et la police correctionnelle, du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, œuvre savante de M. Merlin, et précieuse pour la science. C'est là une pensée heureuse, et il est à regretter que les dimensions dans lesquelles il a renfermé son volume ne lui aient pas permis de rap

porter en note les textes eux-mêmes de la législation intermé→ diaire, comme l'a fait M. Tripier dans sa belle édition de nos Codes.

A la suite des textes rectifiés, complétés, et offrant l'indication de la législation précédente à laquelle ils se rattachent, vient un autre travail d'annotation, qui comprend la doctrine des auteurs et la jurisprudence. M. Gilbert ne donne, en général, que les opinions des criminalistes français. Embrasser les vastes travaux publiés de nos jours sur le droit criminel en Belgique, en Allemagne, en Italie, en Espagne, c'eût été entrer dans un champ immense, que les limites qu'il s'était assignées et que la destination de son œuvre ne lui permettaient pas d'aborder. Il est cependant à regretter qu'il n'ait pas quelquefois dérogé à la règle qu'il s'était imposée, lorsque des questions de haute importance doctrinale se présentaient à son examen. Ainsi, j'aurais voulu trouver sous l'article 64 du Code pénal, dans les notes relatives à l'ivresse, l'indication du remarquable réquisitoire prononcé par M. Nicolini devant la Cour suprême de Naples, le 9 mars 1835, dans la cause de Salvatore del Gaudio. Ce réquisitoire se trouve dans la partie des œuvres de ce savant magistrat et professeur, qui a été traduite et publiée en français, en 1851, par M. E. Flotard (1). La question de l'application de la loi pénale aux crimes commis en état d'ivresse y est traitée avec beaucoup de profondeur d'après le Code pénal du royaume des Deux-Siciles, de 1819, dont les dispositions, en matière d'excuses, consacrent les mêmes principes généraux que nos Codes, et soulèvent, par rapport à l'ivresse, les mêmes questions. Les monographies sur la prescription, publiées en Belgique par M. Cousturier (2) et M. Hoorebeke (3), ne sont pas citées, quoique cette matière soit des plus importantes. Il y a cependant dans ces deux livres des idées neuves et des doctrines qu'il eût été bon de recueillir et de vulgariser en France. En parcourant les annotations relatives au concours des crimes et des délits, et à la disposition de

(1) Principes philosophiques et pratiques de droit pénal, extraits et traduits des œuvres de Nicolas Nicolini, professeur de droit pénal à l'Université royale, avocat général près la Cour suprême de Naples, par M. E. Flotard. Paris, 1851, in-8.

(2) Traité de la prescription en matière criminelle, par M. J.-L. Cousturier, vice-président du tribunal de Tongres. 1 vol. in-8.

(3) Traité des prescriptions en matière pénale, par Van Hoorebeke. 1 vol. in-8.

l'article 365 du Code d'instruction criminelle, qui consacre le principe du non cumul des peines, on eût été satisfait de rencontrer quelques lignes sur les théories allemandes en matière de concours formel et de concours réel. Le résumé de la dissertation inaugurale si souvent citée de M. de Savigny (1) eût mené trop loin M. Gilbert, en le conduisant sur le terrain du droit romain; mais il lui eût été facile d'annoter ce qu'on trouve sur cette matière en termes très-succincts dans l'intéressant appendice que M. Vatel a placé à la suite de sa traduction du Code pénal de la Bavière, publiée en 1852 (2). Cette traduction de l'œuvre du célèbre Feuerbach, est un excellent livre. Son jeune auteur avait annoncé d'autres travaux également importants du même genre; il mériterait d'être encouragé, car il paraît posséder toutes les conditions propres à répandre sur ces utiles publications un grand intérêt. Nous serions heureux de le voir nous donner en français les autres travaux sur le droit criminel de Feuerbach, avec les notes dont M. Mittermaïer a enrichi le traité de droit pénal de ce grand criminaliste. Ces observations sur des desiderata laissent entier le mérite spécial du livre de M. Gilbert, comme résumé de ce qui a été écrit en France sur nos Codes criminels. Le magistrat et l'avocat y trouveront, pour les besoins de l'audience, l'indication des points controversés, l'état des opinions et l'exposé succinct des théories.

Après la doctrine des auteurs, vient la jurisprudence de la Cour de cassation et des tribunaux. C'est par les décisions judiciaires que l'interprétation de nos Codes criminels a d'abord été donnée. Il y aurait à faire des études bien intéressantes sur l'esprit et la marche de la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, depuis ses premiers temps jusqu'à nos jours. Cette Chambre a possédé et possède de savants et d'éminents magistrats, qui ont beaucoup fait pour la science. M. Merlin aimait à s'y trouver avec M. Barris, qui la présidait, et ces deux

(1) Dissertatio inauguratis de concursu delictorum formali. On trouve cette dissertation dans le tome IV de l'édition des œuvres mêlées de M. de Savigny, publiée à Berlin en 1850.

(2) Code pénal du royaume de Bavière, traduit de l'allemand, avec des explications tirées du commentaire officiel et un appendice renfermant : 1o des notes historiques; 2o la traduction d'appréciations critiques du Code de Bavière, par MM. Rosshirt et Mittermaïer; 3° les prolégomènes du traité du droit pénal de Feuerbach, par Ch. Vatel, docteur en droit, avocat. Paris, A. Durand, libraire, 1852, in-8.

magistrats savaient s'entendre pour arrêter, sur des matières peu codifiées, des points fondamentaux de doctrine propres à fournir les bases d'une jurisprudence certaine (1). M. Dupin portait aussi très-fréquemment, à cette Chambre, le concours de sa parole savante, et nous lui devons un grand nombre de réquisitoires lumineux sur des questions du plus haut intérêt. Au reste, nous n'en sommes pas à désirer, sur l'esprit et l'influence des arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, toute espèce de travaux; l'histoire de sa jurisprudence sous les présidences de MM. Barris, Portalis, Bastard et Laplagne-Barris, a été esquissée à grands traits et d'une manière heureuse par M. Morin, dans un article de son Répertoire du droit criminel, remarquable par la convenance de la forme et par le fonds des idées, comme tout ce qui sort de la plume de ce savant avocat (2). Le livre de M. Gilbert pourrait fournir les éléments d'un travail plus étendu, et dans lequel on aborderait les questions de détail. Il ne suffisait pas de recueillir ces éléments divers; il fallait encore les produire dans un ordre convenable. Sous ce rapport, on ne saurait donner trop d'éloges å la méthode adoptée par M. Gilbert et par ses savants collaborateurs; elle atteste la sagacité de leur esprit. Chaque solution est bien à la place qu'elle devait naturellement occuper; des divisions doctrinales, ordinairement puisées dans des auteurs qui sont familiers, montrent à l'œil les différentes parties de chaque matière, et sont accompagnées, pour les annotations étendues, de tables alphabétiques, qui rendent les recherches très-promptes et trèsfaciles. C'est là un des mérites du livre de M. Gilbert, qui place ainsi sous la main de celui qui le consulte le texte de la loi actuellement en vigueur, les divisions doctrinales et les opinions de criminalistes, l'état de la jurisprudence de la Cour suprême et des tribunaux.

Pour donner un aperçu de cette méthode, nous n'avons qu'à ouvrir les Codes de M. Gilbert et à parcourir quelques-unes des matières qu'il a annotées. Prenons d'abord l'article 1er du Code d'instruction criminelle, dans lequel il est question de l'exercice de l'action publique et de l'action civile. Cette matière a été

(1) Voir une note de M. le président Barris, rapportée par M. Merlin, dans son Répertoire de Jurisprudence, au mot Dépôt, S 1er, page 432, et donnée in extenso par M. Mangin, dans son Traité de l'action publique et de l'action civile. Tome Ier, no 240.

(2) Au mot Jurisprudence criminelle, p. 283 du tome II.

traitée avec une profonde science par M. Mangin, dans un livre devenu classique, et par M. Faustin Hélie, dans les tomes II et III de son Traité de l'instruction criminelle. D'abondants matériaux, fournis par ces deux ouvrages, par d'autres écrits, par les traités généraux de droit criminel et par la jurisprudence, ont produit des notes, qui ont été distribuées dans divers paragraphes, portant les intitulés suivants : 1. Règles générales ; —2. De l'action publique; Droits des officiers qui l'exercent; 3. Droits des administrations des contributions indirectes, des douanes et des forêts dans l'exercice de l'action publique; 4. Droits des personnes qui concourent à l'exercice de l'action publique. L'auteur fait ici remarquer que la partie qui se prétend lésée peut saisir elle-même les tribunaux de répression en matière de simple police et en matière correctionnelle, au moyen d'une citation directe, et qu'il est, dès lors, vrai de dire que de simples particuliers peuvent, dans leur intérêt privé, mettre en mouvement l'action publique. Ils le peuvent même en matière criminelle, en se constituant partie civile dans une plainte reçue par le juge d'instruction, puisque ce magistrat devra lui donner des suites, et, tout au moins, la soumettre à la Chambre du Conseil. Telle est l'opinion de M. Faustin Hélie (1), et il faut reconnaître que cette opinion est fondée sur les textes et sur la pratique de l'ancien droit, à laquelle il ne paraît pas que nos Codes aient dérogé (2). Il y a, comme on le voit, toute une théorie dans ces annotations.-Le § 5 est consacré aux règles géné rales qui dirigent l'action publique. L'auteur y énonce plusieurs principes, consacrés par la loi et par la jurisprudence, sur l'ėtendue et les limites des droits dont le ministère public se trouvé investi, comme le représentant de la société. Le § 6 a pour objet l'action civile. On y trouve le détail des conditions sous lesquelles on est admis à se faire recevoir partie civile; elles sont au nombre de deux 19 il faut avoir été personnellement lésé par un crime, un délit ou une contravention; 2° il faut que la lésion subie ait conféré un intérêt direct et un droit actuel à une réparation. Les conséquences d'application de cette règle sont l'objet de nombreuses annotations.

(1) Traité de l'instruction criminelle, tome II, p. 290.

(2) Voir pour les principes suivis dans l'ancien droit, Jousse, Traité de la justice criminelle de France, He partie, liv. Ier, tit. I, De l'action qui naît du crime (tome Ier, p. 561); - Mayard de VoUGLANS, Les Lois criminelles de France, p. 589 et suiv.

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