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porte le titre de Revue générale de législation et de jurisprudence, dont la publication mensuelle remonte à 1853, mérite d'être particulièrement remarqué. Nous venons de parcourir le premier volume de cette intéressante collection, et nous croyons devoir lui consacrer quelques pages, parce qu'il contient des documents qui ne doivent pas rester ignorés en France. Tandis que l'Allemagne et l'Italie fixent sans cesse notre attention, nous négligeons un peu trop l'Espagne qui travaille, elle aussi, qui a la ferme volonté de se mettre au niveau des connaissances scientifiques des autres nations, et au sein de laquelle il se produit en cc moment un notable progrès dans les études juridiques et économiques. Nous allons donc exposer le plan suivi par les directeurs de la Revue générale, nous parlerons ensuite des principaux travaux que nous avons rencontrés dans le premier volume.

Pour répondre convenablement à ce que promet son titre, la Revue générale de législation et de jurisprudence est divisée en quatre parties. La première est consacrée à des travaux de doctrine (Seccion doctrinal). La seconde est affectée à la bibliographie ;

administratives, et les actes législatifs. Le Bulletin de jurisprudence et d'administration (Boletin de jurisprudencia y administracion}, publié sous la direction d'un savant jurisconsulte, M. Fernandez de la Rua.

Quelques autres recueils remarquables sont aussi rédigés dans les provinces. Nous pouvons citer entre autres: La Revue judiciaire et administrative (Revista de los tribunales y de la administracion) de M. Alcubilla, qui est publiée à Burgos; La Loi (La Ley), que M. Camacho publie à Séville. On a aussi annoncé L'Écho de l'Andalousie, revue de législation, de jurisprudence et de science médicale (El Echo de Andalucia, revista de legislacion y jurisprudencia, ciencias médicas, etc).

D'autres revues, après avoir été pendant un temps plus ou moins long en cours de publication, ont cessé de paraître et offrent des collections dans lesquelles on trouve quelques travaux intéressants. Nous pouvons, entre autres, indiquer Le Droit moderne (El Derecho moderno), publié de 1847 à 1851, sous la direction de M. de Cardenas, membre correspondant de notre Académie de législation de Toulouse. Ce recueil contient des documents très-intéressants sur l'histoire du droit espagnol. On y trouve aussi une suite d'articles remarquables sur le droit criminel et sur les dispositions du Code pénal promulgué en 1848. Le projet de Code civil, présenté en 1851 par une commission chargée par le gouvernement de le rédiger, y est aussi entièrement inséré. Ce projet, qui reproduit le plan et les bases de notre Code Napoléon, se compose de 1991 articles. Sa publication a été suivie, dans la revue précitée, d'un travail critique très-étendu, dans lequel sont examinées les principales questions que soulève la codification et les théories fondamentales de chaque matière du droit civil. Le Droit moderne cessa de paraître en 1852, et fut alors remplacé par une autre recueil, Le Droit espagnol (El Derecho español), dont il n'a été publié, à notre connaissance, qu'un volume.

elle se compose de notices sur les ouvrages qui se publient en Espagne et dans les autres pays (Seccion bibliográfica). La troisième est destinée à la jurisprudence; elle offre un recueil de nombreuses décisions judiciaires et administratives (Seccion de tribunales. Jurisprudencia administrativa). La quatrième contient les actes législatifs rangés dans un ordre méthodique, suivant les divers ministères qu'ils concernent (Seccion legislativa).

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La partie doctrinale, qui s'offre la première, contient des documents variés et nombreux. Il en est plusieurs qui consistent dans des traductions de divers articles qui ont été empruntés aux revues ou aux journaux publiés en France et en Allemagne. Parmi ces travaux nous avons rencontré : le Code pénal de la Turquie, avec des observations de M. HELLO, avocat général à notre Cour de cassation; la première partie du savant et remarquable rapport sur la Répression pénale, ses formes et ses effets, dont la fin vient d'être présentée à l'Académie des sciences morales et politiques par M. le président BERANGER; le travail publié par M. KOENIGSWARTER sur l'Administration de la justice dans la Moldavie et la Valachie, d'après le livre du docteur Niegebauer; les articles de M. SACASE, actuellement conseiller à la Cour impériale de Toulouse, sur la Folie dans ses rapports avec la capacité civile, qui parurent en 1851 dans la Revue de M. Wolowski. Nous avons encore trouvé, au nombre des écrits empruntés à ce dernier recueil et traduits en espagnol, ceux de M. le professeur MITTERMAIER sur l'État de la législation européenne concernant le mariage.

Les travaux appartenant à l'Espagne sont ceux dont nous devons préférablement parler, parce qu'ils expriment plus directement l'état actuel des idées et de la science dans ce pays. Le volume que nous avons parcouru commence par une dissertation de M. ALONZO sur la Nature du droit et sur ses tendances (1). Ce travail de doctrine pure offre des pensées élevées et exprime une foi vive dans les principes. La partie concernant la philosophie du droit nous a encore offert un discours de M. FERNAND de Leon ALARIETTA, avocat collégié à Valence et professeur de philosophie à l'institut de Géronne, sur le Principe qui doit guider le législateur lorsqu'il fait les lois (2). Ce discours a été prononcé par son auteur devant l'université centrale de Madrid, à l'occasion

(1) Naturaleza del derecho; sus tendencias, p. 1 et 129.

(2) Del Principio que debe seguir el legislador al dictar leyes, p. 665.

dé la solennité de l'investiture du grade de docteur en droit que M. Alarietta a obtenu (1). Il porte pour épigraphe cette pensée de Portalis : « Les lois ne sont pas des actes de puissance, ce sont des actes de sagesse et de raison. » C'est un écrit académique qui se recommande par l'élégante simplicité du style, par la clarté et par l'art avec lequel les idées y sont exposées dans l'ordre des déductions logiques. La conclusion de M. Alarietta est celle-ci : « Les lois sont d'autant plus parfaites qu'elles sont plus conformes à l'ordre naturel des choses; elles sont d'autant plus vicieuses qu'elles s'en éloignent (2). »

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Les documents qui se rattachent à l'histoire du droit et à l'organisation politique des peuples anciens devaient trouver place dans la Revue. Elle a eu la bonne fortune de publier une monographie qui contient deux monuments nouvellement découverts, et jusqu'alors inédits, de l'ancien droit municipal qui régissait des cités de la Bétique, sous la domination des Romains. Ce travail étendu, et publié en cinq articles, est de M. RODRIGUEZ de Berlanga, docteur en droit et avocat à Malaga. Il a pour titre : Etudes sur deux tables de bronze trouvées à Malaga en 1851. Voici les détails qu'on y trouve sur la découverte de ces deux monuments, qui méritent de fixer à la fois l'attention des légistes et des archéologues.

Vers la fin du mois d'octobre 1851, on découvrit dans les environs de Malaga, au lieu nommé le ravín des Tuileries (El barranco de los Tejares), deux tables de bronze enfouies dans la terre à cinq pieds de profondeur, placées sur des tuiles dont la forme attestait l'ancienneté. Ces tables avaient été recouvertes å leur face avec une toile de fil dont elles conservaient encore quelques lambeaux à la superficie. Leur poids est de 264 livres castillanes (121 kilog. 440 gram.). La plus grande des deux, entourée d'un cadre surajouté, a en longueur 55 pouces 1/2 (3) sur 40 pouces 1/2 de largeur (1 mètre 56 cent. sur 1 mètre 9 cent.).

(1) Les candidats sont investis, en Espagne, des grades universitaires qu'ils ont obtenus avec des formes et des solennités décrites dans un règlement général, consacré par un décret de la reine en date du 10 septembre 1851.

(2) Las leyes son tanto mas perfectas cuanto mas se conforman con las indicaciones y modelos naturales, adoleciendo de mayores defectos cuanto mas se separan.» P. 675.

(3) Le pouce espagnol, pulgada, représente 2 centimètres 3 millimètre environ.

L'autre a 40 pouces 1/2 de long (94 centimètres) sur 32 de largeur (74 centimètres), et n'a pour ornement que deux filets en relief qui encadrent les quatre côtés du texte qu'elle contient.

M. de Berlanga a pu voir et consulter à loisir ces deux tables, grâce à l'accueil bienveillant de M. Georges Loring, qui en est le possesseur actuel (1). Le texte de la plus grande forme cinq colonnes verticales, et celui de la plus petite deux seulement. L'écriture, qui est la même, se lit avec facilité, est nette, correcte, bien conservée et semblable à celle des autres monuments romains. Elle appartient à l'alphabet hellénique appelé ionique, selon M. de Berlanga, qui l'a trouvée en tout semblable à celle du plus ancien manuscrit de Virgile déposé à la bibliothèque de Florence, dont il avait un fac-simile en sa possession (2).

La forme matérielle de ces deux monuments étant ainsi vérifiée, il y avait à en constater le contenu. La grande table présente dix-huit litres, depuis une partie du titre LI jusqu'au titre LXIX, d'une loi municipale de Malaga (Municipium Flavium Malacitanum), qui remonte au règne de Domitien. M. de Berlanga estime qu'elle devait être précédée de trois autres tables au moins. La petite table ne contient que neuf titres, qui commencent par une partie du XXIe jusqu'au XXIX. M. de Berlanga établit que le Municipium Flavium Salpensanum, auquel cette loi, qui date aussi du règne de Domitien, appartient, n'est autre qu'une cité de la Bétique, qui était située vers les frontières du Portugal, entre la Guadiana (Anas) et le Guadalquivir (Bætis), et qui est désignée par Pline et par des anciens monuments sous le nom de Salpesa.

Ajoutons, pour achever la description de ces tables, que les titres des deux lois qu'elles contiennent portent chacun une rubrique précédée de la lettre R., et que le nom de Domitien est en partie effacé sur la grande (D..... ni), tandis qu'on le trouve intact dans plusieurs passages de la petite. On sait qu'un sénatus-consulte dont parlent Aurélius Victor et Macrobe ordonna que le nom de

(1) M. de Berlanga déclare, dans une note placée à la fin de son travail, qu'il a transcrit les textes des bronzes avec la plus grande exactitude, et qu'il a eu le soin de collationner pendant le cours de l'impression les épreuves sur les tables elles-mêmes.

(2) Cette écriture, telle qu'elle est représentée dans le fac-simile donné par M. de Berlanga, nous a paru être du même genre que celle des tables alimentaires de Trajan, dont M. Desjardins a aussi publié un spécimen dans sa dissertation qui à pour titre: De Tabulis alimentariis Disputatio historica. Paris, 1854, in-4.-V. cette Revue, supra, p. 15.

cet empereur disparaîtrait de tous les monuments publics (1). 'Telles sont les remarquables tables publiées par M. de Berlanga. Elles contiennent des documents nombreux et pleins d'intérêt pour l'histoire du droit municipal des villes de la Bétique sous les Romains. On y trouve des dispositions sur les élections, sur les magistratures, sur la puissance paternelle, sur la manus, sur le mancipium, sur les manumissions, sur les tutelles, sur le maniement des deniers publics. Ces dispositions établissent que les deux municipes de Malaga et de Salpesa auraient joui sous les empe reurs romains d'un régime municipal analogue aux institutions de Rome, au temps de la République.

M. de Berlanga a accompagné le texte de ces deux tables d'une traduction espagnole en regard, de commentaires pleins d'érudition et d'une dissertation assez étendue sur le régime municipal des Romains. L'apparition d'un document aussi important était un événement qui devait appeler l'attention de ceux qui s'occupent des antiquités du droit. Un savant allemand, M. Mommsen, s'est empressé de colliger les textes des tables flaviennes. Il a fait subir à ces textes quelques corrections, et il les a publiés à Leipzig dans un travail qui porte ce titre Le Droit municipal des cités lalines de Salpensa et de Malaga dans la province Bétique (2).

M. Mommsen n'élève aucun doute sur l'authenticité des deux bronzes trouvés à Malaga, mais une confiance aussi entière ne leur a pas été de prime abord accordée en France. Un membre distingué de l'Institut, professeur de législation comparée au Collége de France, M. Édouard Laboulaye, vient aussi de publier, dans le dernier cahier de 1855 de la Revue historique du Droit français et étranger, un travail dans lequel il soulève des objections contre l'authenticité des tables flaviennes, dont il donne aussi le texte en l'annotant de ses observations critiques. Ses doutes résultent principalement de l'état de parfaite conservation des deux tables après dix-sept siècles d'existence, des incorrections de langage qu'elles offrent et des dispositions qu'elles contiennent peu en rapport avec

(1) Aurelius Victor, Hist. rom., pars alt., § 11; Macrobius, Saturn., I, 12. (2) Die Stadtrechte der Latinischen Gemeinden Salpensa und Malaca, in der Provinz Bætica, von Theodor Mommsen. Leipzig, Hirzel, 1855, in-8.

M. Mommsen a encore publié, dans les Mémoires de l'Académie de Leipzig, un supplément à ce premier travail. Ce nouvel ouvrage contient un texte définitif et figuratif de celui des deux tables de Malaga; il a pour titre : Die stadtrechte der Latinischen Gemeinden Salpensa und Malaga.-Nachtrag. Von TH. MOMMSEN. Leipzig, 1855, in-8.

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