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les données acquises jusqu'à ce jour sur le droit des villes latines. I y a donc en ce moment à vider une question préalable, celle de l'authenticité des tables de Malaga. Le texte donné par M. de Berlanga est très-exact, et a été encore revu par M. Laboulaye au moyen d'une copie prise sur les lieux mêmes par M. Bussemaker. On a aussi celui qui a été amendé par M. Mommsen. La critique est donc en possession des éléments de la discussion, et la question se présente dans les termes d'un dilemme ou ces deux tables de bronze, dont l'existence matérielle ne saurait être révoquée en doute, sont l'œuvre d'un faussaire, et alors il faut les ranger parmi ces monuments apocryphes qu'on doit rejeter et contre lesquels doit se tenir en garde la véritable science; où elles n'ont pas été frauduleusement fabriquées, et il y a alors nécessité d'admettre les dispositions législatives qu'elles contiennent au nombre des sources précieuses du droit municipal de l'antiquité.

La fabrication est difficile à supposer. On ne voit pas bien dans quel intérêt elle aurait eu lieu, à moins qu'on ne la fasse remonter au temps de la domination romaine, et on ne comprend guère comment elle aurait pu être secrètement exécutée de nos jours. Il eût fallu pour cela composer ces fragments de deux lois; faire confectionner deux tables de bronze du poids énorme de plus de 121 kilogrammes; dessiner une imitation des écritures anciennes et la faire graver par des artistes habiles. Certainement l'exécution d'une pareille entreprise eût présenté des difficultés bien grandes. On a pu fabriquer souvent de fausses médailles, de fausses inscriptions ne contenant qu'un nombre peu considérable de lettres; mais confectionner deux corps de lois et faire graver sur du bronze en caractères antiques, tels que ceux qu'offre le spécimen donné par M. de Berlanga, deux monuments contenant des textes trèsétendus, ce serait chose vraiment prodigieuse, si elle n'était pas impossible. Pour s'éclairer complétement à ce sujet, il y aurait à recueillir des renseignements précis sur les circonstances qui se réfèrent à la découverte de ces deux tables, sur ceux qui en ont été les détenteurs, sur la manière dont elles ont été acquises par leur possesseur actuel. Était-il propriétaire du terrain dans lequel ces bronzes ont été rencontrés? Leur découverte est-elle l'effet du hasard? Voilà des faits sur lesquels il serait important d'être renseigné, et il est regrettable que la monographie de M. de Berlanga ne contienne pas des détails sur tous ces divers points.

Quant aux scrupules que suscitent dans l'esprit de M. Laboulaye

le style et la teneur des deux inscriptions, ils méritent d'être appréciés, mais ils disparaîtraient peut-être assez facilement si les circonstances qui ont accompagné et suivi la découverte des deux tables éloignaient tout soupçon de fraude. Nous osons à peine, à la suite d'une simple lecture, émettre une opinion sur ce point, lors surtout que des savants du premier ordre, très-familiers avec l'épigraphie et qui ont une connaissance profonde des institutions romaines, ont accepté, en Allemagne, les deux tables flaviennes sans élever le doute le plus léger sur leur authenticité. Les monuments du droit municipal doivent, par leur nature, présenter, ainsi que Roth l'a fait remarquer, de la diversité (1), et peuvent ne pas toujours offrir, dans leur rédaction, celle purelé et cette exactitude de langage qu'on trouve dans les écrits des jurisconsultes romains. C'est ainsi que le discours de Claude présente, sur la table de bronze conservée à Lyon, des incorrections de style qu'on ne rencontre pas dans la version que reproduit la plume de Tacite (2). Serait-il impossible que sous les premiers empereurs quelques villes municipales du fond de la Bétique eussent été en possession du droit d'élire leurs magistrals, et eussent obtenu, avec le titre de cité latine, la jouissance d'un droit ressemblant à celui de la République romaine? Cette question ne peut être bien résolue qu'à l'aide d'une étude toute spéciale de l'état politique des contrées du Midi de la Péninsule hispanique sous la domination des Romains. Les érudits pourront se livrer à des recherches nouvelles sur ce point. En attendant, on doit toujours de la reconnaissance, et à M. de Berlanga pour avoir publié deux documents intéressants propres à reconstituer l'histoire du droit municipal, et à M. Laboulaye pour avoir provoqué un examen utile, qui conduira, il faut l'espérer, à la manifestation de la vérité (3).

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(2) C'est ce que fait aussi remarquer M. Montfalcon dans sa Monographie de la table de Claude, p. 145. Cette table se trouve également dans l'édition des classiques latins de Panckouke, au tome II, p. 411, du Tacite; et dans celle de M. Nisard (Tacite, p. 509).

(3) Ces pages étaient écrites lorsque le numéro du Journal général de l'instruction publique du 13 février nous a fait connaître un nouvel écrit qui apporte l'autorité d'un grand nom scientifique en faveur de l'authenticité des tables de bronze de Malaga. C'est une lettre adressée par M. le professeur Ch. Giraud à son collègue de l'Institut, M. Ed. Laboulaye. M. Giraud a partagé, dit-il, la joie qu'ont éprouvé les savants de Berlin, de Leipzig, de

Le premier volume de la Revue générale conlient, dans sa partie consacrée à la doctrine, d'autres travaux des juristes espagnols, qui concernent principalement le droit criminel, dont on s'occupe

Bonn et d'Heidelberg, à l'occasion de la découverte des tables de Malaga que M. de Savigny lui fit connaître au mois de mai dernier. Il ne croit pas avoir à subir les amertumes d'une déception qui lui serait commune avec les hommes les plus haut placés dans la science en Allemagne, et il engage avec son collègue de l'Institut une polémique courtoise, dans laquelle il maintient l'authenticité des tables flaviennes.

Dans cette première lettre, que d'autres doivent suivre, M. Giraud invoque à l'appui de son opinion, et pour écarter tout soupçon de fraude, le pen d'empressement avec lequel la découverte des deux tables a été divulguée. Il fait remarquer combien il est difficile de supposer qu'on ait pu, à notre époque, fabriquer en Espagne deux inscriptions aussi étendues, avec un art et une perfection tels que la sagacité de MM. Mommsen, Rudorf, Bock, de Savigny et autres hommes érudits aurait été en défaut. A l'appui de cet argument, M. Giraud ajoute qu'il n'y a en Espagne que très-peu de personnes qui s'occupent de droit romain ; que le Gaïus de Vérone y est à peine connu, et que les écrits que la science allemande a produits n'y ont pas pénétré. On conçoit, d'après ce que nous avons dit dans ce travail, qu'il nous est impossible de partager les idées de M. Giraud sur ce point. Le droit romain a une part convenable dans le plan d'enseignement si complet des facultés espagnoles, les Commentaires de Gaïus ont été imprimés au delà des Pyrénées, et même traduits en langue castillane. Nous pouvons encore certifier à M. Giraud que ses savantes publications sur le droit romain sont connues en Espagne, et y jouissent de cette estime si méritée qu'elles ont obtenue dans les autres pays. Cela laisse intacte la valeur du raisonnement fondé sur les difficultés que présenterait dans tous les pays la fabrication de deux monuments législatifs semblables à ceux dont l'authenticité est mise en question.

Quant aux incorrections et à l'impropriété de certaines expressions que signale M. Laboulaye, M. Giraud démontre qu'on rencontre des choses semblables dans d'autres monuments du même genre, dont la sincérité est généralement admise.

L'examen des dispositions législatives que contiennent les deux bronzes feront l'objet des lettres suivantes, annoncées par M. Giraud. Nous les lirons avec intérêt. Elles contiendront, nous n'en doutons pas, des aperçus pleins d'une profonde érudition sur le droit municipal de l'antiquité, dont le savant écrivain a déjà résumé l'esprit avec une concision heureuse, dans sa belle monographie sur le droit de propriété des Romains.

On voit que les désirs que nous exprimions en écrivant cette notice reçoivent déjà satisfaction, et que le procès des tables flaviennes s'instruit en France dans d'excellentes conditions pour y recevoir une solution convenable. Cette joute, entreprise par deux hommes érudits et avantageusement posés dans la science, amènera certainement dans la lice de nouveaux combattants. L'Allemagne va s'émouvoir, l'Espagne voudra défendre les trésors qu'elle possède, et l'Italie, si amoureuse de tout ce qui touche à l'antiquité, ne restera pas indifférente. Quel que soit le résultat auquel on arrive, l'avantage d'avoir soulevé cet intéressant débat, et d'avoir provoqué la manifestation de la vérité, appartiendra toujours à la France.

beaucoup en Espagne, surtout depuis la promulgation du Code pénal de 1848. Nous y avons lu avec intérêt une monographie de M. MANRESA NAVARRO sur la Bigamie(1). Après avoir déterminé les éléments constitutifs de ce crime et avoir présenté quelques aperçus historiques et critiques sur la législation espagnole le concernant, en la rapprochant des dispositions des Codes des autres pays, l'auteur examine et résout une suite de questions que peut soulever en cette matière l'application de la loi (2). Plusieurs de ces questions sont de nature à se présenter également devant les tribunaux français, parce qu'elles se rattachent à des principes et à un état de choses qui sont les mêmes dans les deux pays. Ainsi, par exemple, M. Manresa Navarro admet que la bonne foi de la femme qui se croit veuve et qui contracte un second mariage ôle au fait toute criminalité, lorsque la réapparition du premier mari, qui passait pour mort, vient établir que la première union n'est pas dissoute. Dans ce cas, si la femme ne se sépare pas immédiatement de celui avec qui elle a contracté le second mariage, si elle ne cesse pas tous rapports avec lui aussitôt que l'existence du véritable mari est certaine, pourra-t-elle être poursuivie pour adultère à raison de ce seul fait, sur la plainte de son ancien et seul mari? L'auteur se prononce pour l'affirmative, et cette opinion est consacrée dans la loi 8, au titre IX, partie 4, du code Las siete Partidas d'Alphonse X (3). Il est, en effet, å remarquer que le second mariage n'a pas d'existence légale et ne peut plus engendrer des effets juridiques aussitôt que la bonne foi de ceux entre lesquels il est intervenu vient à cesser. « Cette femme, dit M. Manresa Navarro, n'appartient pas au second mari, mais bien au premier. Si elle continue, dès lors, ses rapports conjugaux

(1) De la Bigamia considerata como delito, p. 492.

(2) Le Code pénal espagnol de 1848 contient, dans son art. 395, les dispositions suivantes : « Celui qui contractera un second ou subséquent mariage, sans que le précédent soit légalement dissous, sera puni de la prison majeure. La même peine sera encourue par celui qui aura contracté mariage en étant dans les ordres sacrés, in sacris, ou en étant lié par un vœu solennel de chasteté. »

La peine de la prison majeure figure, dans l'art. 24, au nombre des peines afflictives. Sa durée est de sept à douze années, d'après l'art. 26.

(3) Voici cette loi : « Si algun casado se ausentase de su tierra en hueste ó romería por mucho tiempo de modo que hiciesen creer á su mujer que habia muerto, y se casase con otro, en este caso ne se la podrá acusar de adulterio aunque viviese el primer marido; pero si casada con el segundo supiere que era vivo el primero, viviere con el segundo y se uniese á él carnalmente, pudiéndoselo probar bien, se la puede acusar. »

avec le second, après qu'elle a acquis la certitude de l'existence du premier et lorsqu'elle sait que son mariage avec lui n'a jamais élé dissous, elle se rend certainement coupable d'un délit contre les mœurs qui constitue l'adultère, comme le déclare le Code d'Alphonse X (1). »

La décision du savant monarque et sage législateur que cite M. Manresa Navarro serait aussi applicable en France. L'erreur de la femme qui se croit veuve, et qui porte sur les éléments constitutifs du crime de bigamie et du délit d'adultère, implique l'absence de dol criminel qui consiste dans le sentiment de la culpabilité de l'acte qui est exécuté. Mais aussitôt que l'existence du premier mari est révélée et que l'erreur vient à cesser, l'obligation de fidélité envers l'époux légitime reprend son empire, et toute cohabitation avec un autre que lui constitue l'adultère. Il est vrai que les dispositions de l'art. 139 de notre Code Napoléon, au titre de l'Absence, semblent reconnaître une certaine valeur au second mariage tant qu'il n'est pas attaqué par le premier époux: mais cet article doit être combiné avec l'art. 184 du même Code qui fournirait, dans l'espèce, les moyens de faire cesser le scandale d'une véritable polyandrie. Les dispositions de cet article 184 supposent, en effet, que le second mariage célébré avant la dissolution d'un premier n'a pas d'existence légale et ne peut plus produire des effets légaux aussitôt que la présence du véritable mari est notoire et ne peut plus être contestée. Remarquons, d'ailleurs, que les enfants conçus depuis la réapparition de l'époux qui passait pour mort seraient ses enfants légitimes, à moins qu'il ne pût faire accueillir contre eux une action en désaveu dans les conditions des art. 312 et 313 du Code Napoléon. Cela suppose le devoir de fidélité de sa femme envers lui, et ce devoir a pour sanction les peines de l'adultère, qui sont établies dans les articles 336 et 337 du Code pénal (2).

(1) Page 502.

(2) Il est vrai que la plupart des auteurs admettent que les effets juridiques de la bonne foi, qui a existé au moment de la célébration du second mariage, se continuent jusqu'à l'annulation de ce mariage, et ne cessent pas par cela qu'on en connait la nullité. Mais cette opinion très-contestable, qu'on base sur la rédaction de l'art. 201 du Code Napoléon, ne concerne que les rapports d'intérêt entre les époux et les enfants issus de leur cohabitation. La question de paternité qui se pose sur la règle établie par l'art. 312 reste intacte; seulement, s'il est jugé à la suite d'une action en désaveu, que l'enfant conçu depuis la réapparition certaine du premier et seul légitime, mari n'a pas ce dernier pour père, cet enfant pourra prétendre à la qualité

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