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blement fixé le but que se sont proposé le législateur ou les parties, par l'application de la maxime de Dumoulin, qui vult consequens vult etiam et disponit omne antecedens necessarium ad illud (1).

Après la lettre qui tue, l'esprit qui vivifie; après l'interprétation littérale, l'interprétation rationnelle, qui peut être à son tour extensive, restrictive ou déclarative.

Cicéron a posé dès longtemps le principe de l'interprétation extensive, quod in minore valet, valeat in majore.... ; quod in re pari valet, valeat in hac quæ par est.....; valeat æquitas quæ paribus in causis paria jura desiderat. Ce principe, suivi par le droit romain, l'est encore par le droit français; celui-ci ne fait exception que pour les lois comprises par celui-là sous le titre générique de jus singulare, c'est-à-dire dans les matières pénales et fiscales. La glose a fixé de son côté la règle de l'interprétation restrictive; judicandum est ex his quæ verisimiliter statuisset legislator, si de his consultus fuisset. Elle a pour objet de ramener la loi et la convention aux principes de l'honnête et de l'utile, où au but général de leur ensemble, dont l'interprétation littérale tendrait à les éloigner; mais cet objet doit se renfermer dans des limites raisonnables, non omnium quæ a majoribus constituta sunt rátio reddi potest. L'interprétation déclarative déterminé, entre les divers sens dont un texte est susceptible, celui qui doit être préféré. Le sens grammatical occupe sans contredit le premier rang, l'interprète s'arrête ensuite au sens qui est le plus conforme aux principes de l'honnête et de l'utile, il ne doit jamais s'appuyer sur des faits dont la preuve lui est acquise par des moyens que la loi condamne, ce n'est qu'exceptionnellement qu'il peut s'attacher au brocard: expressa nocent, non expressa non nocent, il doit préférer l'axiome de Pothier: expressi tacitique vim eamdem ac potestatem esse. Quand l'interprétation fondée sur l'honnête et l'utile fait défaut, on consulte l'usage et les précédents. A défaut de ces procédés, les motifs de la loi, les travaux qui l'ont préparée, ses rubriques, les circonstances dans lesquelles elle a vu le jour, seront autant d'indices propres à guider l'interprète. On aura recours, s'il est nécessaire, aux vraisemblances: in obscuris inspici solet quod verisimilius est, aut quod plerumque fieri solet. Ce n'est que très-subsidiairement qu'une critique éclairée s'appuiera de certains brocards, comme les suivants : distinguere non debemus ubi lex non

(1) Delisle, loc. cit., t. II, chap. viii à x!!!.

distinguit; semper specialia generalibus derogant; tringi et favores convenit ampliari;

minimum est sequimur (1).

odia res

· semper in obscuris quod

Tel est, dans un aperçu rapide, l'ensemble du Traité de l'in terprétation juridique. Ce livre est de ceux qu'il faut lire et méditer pour les comprendre et les apprécier. Ses défauts se voient dès l'abord, ses qualités ne s'aperçoivent que plus tard. On y trouve moins de controverse que d'exposition : après chaque règle posée, M. Delisle en apporte les preuves que sa vaste érudition emprunte tour à tour aux lois romaines, à l'ancien droit français, au droit intermédiaire, à la doctrine et à la jurisprudence contemporaines; il discute rarement les autorités qu'il invoque, et semble avoir pour principal souci de leur arracher le secret de la pensée qui les a dictées. Cette méthode, dont il ne se départ presque jamais, jette dans l'ouvrage une monotonie qui s'accroît encore de la multiplicité des citations et des détails; la lecture en devient souvent embarrassée, et l'intelligence un peu confuse. Ces défauts appartiennent les uns à l'auteur, les autres au sujet, d'autres aux lecteurs.

Une théorie de l'interprétation juridique repose à la fois sur l'expérience et sur la raison. L'expérience se forme de faits acquis assez nombreux pour constituer une autorité, et dans le domaine du droit les sphères ne sont pas moins multiples que variées. La raison elle-même sur ce terrain cède en quelque sorte à la pratique de qui elle reçoit sa sanction. Voici la part du sujet. Parmi les lecteurs, les uns demandent à un ouvrage des solutions qui puissent guider leur pratique journalière, les autres le repoussent s'il ne se produit pas sous les formes traditionnelles de la science ou de l'école, bien peu recherchent l'esprit qui l'a dicté et se placent pour le juger au point de vue où l'auteur s'est placé pour l'écrire; ces derniers même n'ont pas tous le courage de vaincre certaines préventions ou de dépouiller certains préjugés. Professeur et avocat en même temps, M. Delisle a écrit son livre pour l'école, qu'il voyait à regret s'isoler de la pratique, et pour le barreau qu'il eût voulu mieux pénétré de l'importance des théories; mais il s'est adressé avec trop de confiance à des lecteurs moins convaincus qu'il ne le pensait de l'alliance intime de ces deux principes, et, faute de condescendre à leurs préjugés réciproques,

(1) Delisle, loc. cit., t. 11, chap. xt11 å xvi.

il n'a pas trouvé près d'eux l'attention que son œuvre méritait.

La pratique judiciaire tend chaque jour à se retremper aux sources vives du droit, et à prendre place dans la science par l'organe chaque jour mieux autorisé de la jurisprudence. Elle ne saurait assurément suivre une voie plus sûre que celle qui lui est indiquée par M. Delisle. Pour lui, le droit se résume dans une juste alliance de l'honnête et de l'utile: l'honnête isolé de l'utile entraînerait la science dans des abstractions illusoires, de même que l'utile séparé de l'honnête la plongerait dans un matérialisme dégradant. Que les utilitaires, disait-il encore, reconnaissent l'autorité du droit, que les spiritualistes ne nient plus la puissance du fait, et la vérité aura reconquis son empire. N'est-ce pas là en quelques mots toute la morale du droit ?

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M. Delisle portait les mêmes tendances dans son enseignement, et ce nouveau point de vue donne un nouvel intérêt à son livre. Il voulait que l'on étudiât surtout le droit romain dans ses rapports avec le droit français, et son esprit constamment appliqué à cette thèse lui avait donné des développements dont son Traité prouva à chaque pas l'exactitude et l'utilité. « Toutes les différences des temps, des mœurs, des civilisations, dit un de ses collègues << dont le nom doit s'associer au sien dans les souvenirs de l'école de Caen, ne l'empêchaient pas de découvrir avec une sagacité merveilleuse de curieux rapports entre la législation romaine « et la nôtre; et souvent ces différences mêmes, dans ce qu'elles << avaient de plus saillant et de plus radical, devenaient pour lui «l'occasion de rapprochements aussi imprévus qu'instructifs (1). » Quelque vrai que fût son principe, M. Delisle l'exagérait cependant lorsqu'il contestait le fondement de l'école historique qu'il avait vue renaître en France et qu'il avait peut-être jugée sur l'entraînement d'un premier essor. Amené à faire participer son enseignement des découvertes de cette école, il reconnaissait bien que cerlaines notions du jus Quiritium étaient essentiellement unies à l'étude du Corpus juris civilis, et que certains textes ne pouvaient être suffisamment éclairés que par des notions historiques; mais, suivant lui, ces cas étaient trop isolés pour que l'étude des origines devint l'objet direct d'un enseignement, et il ne lui trouvait d'autre utilité que celle de l'application au droit existant en vue d'un progrès à venir. C'était aller trop loin pour ne pas dépasser

(1) Procès-verbal de l'inauguration du buste de M. G. Delisle, 4 janvier 1855. Caen, Delos, 1855. Page 26. (Discours de M. Demolombe).

les limites d'une sage réserve, et l'on trouverait dans les paroles même de M. Delisle la réfutation de sa doctrine, si l'expérience ne lui donnait chaque jour un éclatant démenti.

Après avoir exposé ses idées sur cette controverse, jadis célèbre, dans la préface de son Traité, M. Delisle les a mises en pratique dans son dernier ouvrage, publié seulement après sa mort, sous la rubrique NORMANDIE, dans le Répertoire de législation de MM. Dalloz. Fidèle à son principe, il ne s'est point préoccupé dans ce travail des caractères distinctifs de l'ancien droit normand, de ses sources, de son influence, de son empire; il le déclare luimême, il ne veut s'occuper que par exception de ce qui est relatif à l'ordre des juridictions, à la féodalité, au droit militaire, au droit commercial, au droit forestier, aux arts et manufactures, à la condition des étrangers, au conflit des statuts, et cela par le motif que très-rarement les règles spéciales à la Normandie pourraient être invoquées avec utilité, même par voie d'analogie (1). Aussi ne peuton se dissimuler, en lisant ce travail, qu'il manque, précisément dans les parties que l'auteur vient d'indiquer, d'un lien et d'un ensemble qu'une tendance plus historique lui aurait sûrement donnés. Cette lacune disparaît, au contraire, dans les parties où l'importance pratique du sujet a exigé de plus grands développements, notamment dans l'étude du droit successoral et du régime matrimonial de la coutume normande. Le légiste reprend alors tous ses avantages et dote l'histoire du droit d'une page d'autant plus précieuse qu'elle est écrite avec les souvenirs de l'expérience, et non avec les efforts de l'érudition (2).

Deux ans s'étaient à peine écoulés depuis la mort de M. Delisle, quand, le 4 janvier 1855, l'école de droit de Caen vit se réunir dans son enceinte une assemblée jalouse de payer à la mémoire du professeur et de l'avocat un dernier tribut de respect el d'admiration. Ses confrères, ses collègues, ses élèves, ses concitoyens, se pressaient en foule autour de son buste, œuvre de Jouffroy, qu'on allait inaugurer dans la grande salle de la faculté. L'heure venue, M. Thomine au nom du barreau, M. Demolombe au nom de l'école, retracèrent en quelques pages bien senties la vie modeste de cet homme éminent qui s'était ignoré jusqu'à sa fin. « Cette «< cérémonie est incomplète, disait en terminant M. Thomine :

(1) Dalloz, Répertoire, vo NORMANDIE, t. XXXII, p. 534, no 2. (2) Dalloz, loc. cit., no 36 à 52 et 57 à 73.

<< l'école de droit pourra avoir sous ses yeux les traits de l'homme « qu'elle s'enorgueillit pendant si longtemps de voir à sa tête; le

barreau n'aura pas le même bonheur. Nous serait-il interdit «d'espérer que cette privation ne sera que passagère, et que, dans "les nouvelles dispositions à faire au Palais de justice, une place « sera réservée où il nous sera donné de présenter aussi au jeune << barreau l'image vénérée de celui qui, pendant sa vie, a jeté «tant d'éclat sur la profession qu'il se dispose à suivre.........» Ce you sera entendu, et la ville de Caen youdra s'acquitter envers le ¡urisconsulte qui fut si longtemps son oracle, domus jurisconsulti totius civitatis oraculum (1),

H. AUPÉPIN,

docteur en droit, substitut à Nevers.

QUATRIÈME PARTIE.

ANNONCES.

PUBLICATIONS NOUVELLES.

BEDARRIDE, avocat. Commentaire du Titre III du Code de commerce: Des Sociétés. 2 vol. in-8,

14 fr.

CALMETTE, chef de bureau à la préfecture de la Haute-Loire. Aide-:némoire. administratif. In-4 oblong.

2 fr. 50

BECHARD. De l'État du Paupérisme en France et des moyens d'y remédier. 1 fort vol. in-8.

4 fr.

BERTAULD, professeur à la Faculté de droit à Caen. Questions et exceptions préjudicielles en matière criminelle, ou de la compétence et de l'autorité des décisions du juge répressif sur les questions de droit civil de l'action publique soulevée. In-8. 4 fr.

BERTIN, avocat. Chambre du Conseil en matière civile et disciplinaire. Jurisprudence du tribunal civil de la Seine, et introduction de M. de Belleyme. Deuxième édition, revue, 1856. 2 vol. in-8.

15 fr.

Le Code Napoleon et le Code de procédure civile ne contiennent que de rares et trèslaconiques dispositions sur la Chambre du conseil. Cependant, la nécessité des choses et l'expérience ont démontré que cette juridiction, trop peu connue des jurisconsultes et même des praticiens, constituait un des rouages importants de notre organisation judiciaire. Aussi la révision du Code de procédure, en 1841, la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés, et celle du 3 mai 1841 sur l'expropriation pour utilité publique, sont venues successivement élargir le cercle de ses attributions. En présence des lacunes de la loi, du silence de la doctrine sur une matière aussi importante et aussi pratique, M. Bertin a cru devoir préciser la nature, l'étendue et les limites de la Chambre du conseil. Il a été puissamment aidé dans ses investigations par la jurisprudence du tribunal de la Seine et les nombreux documents que M. le président de Belleyme a mis à sa disposition. M. Bertin, sous forme d'observations, fait des traités séparés sur chacune des attributions de la Chambre du conseil ; il a placé à la suite de ces observations les monuments de la jurisprudence du tribunal de la Seine.

CLAMAGERAN, avocat. Du Louage d'industrie, du mandat et de la commission, en droit romain, dans l'ancien droit français et dans le droit actuel. 1856. In-S.

6 fr.

(1) Procès-verbal, sup. cit. p. 21.— Cicéron, De Oratore, lib. I, cap. XLV.

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