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lui permit de diriger encore son cheval pendant qu'il combattait du bras qui lui restait, et c'est de là que lui vient son surnom. La paix de Saint-Germain ayant suspendu la guerre civile, La Noue va soutenir ses coreligionnaires dans les Pays-Bas, prend Valenciennes, qui bientôt après est reprise par le duc d'Albe; défend contre lui Mons avec plus d'énergie que de succès, puis rentre en France, où le massacre de la Saint-Barthélemy vient d'avertir les calvinistes de ne plus attendre leur salut que des chances de la lutte. Appelé par les protestants de la Rochelle, il met la ville en état de défense, rend leur marine redoutable, et lorsque la paix de Bergerac a mis fin aux hostilités en France, il se rend aux instances du prince d'Orange, et retourne dans les Pays-Bas. Les lettres qui viennent d'être publiées éclairent la part prise par La Noue pendant sept années aux affaires des Confédérés, 1578 à 1585. Nommé maréchal de camp par les États de Flandre, mais obligé de se soumettre aux plans de campagne qu'ils ont conçus, et privé à la fois du matériel de guerre nécessaire et des fonds qui devaient lui permettre de prévenir les dégâts de ses soldats en les payant, il n'en attaque pas moins le château de Bæsinghe, près d'Ypres, après s'être fait donner décharge du succès éventuel de l'entreprise, et l'emporte au bout de quelques jours. Il s'empare ensuite de Bruges, au grand deuil du prince de Parme et de Philippe II. Cependant la haine et la calomnie s'étaient attachées à sa noble vie. Abreuvé de dégoûts et de chagrins, il veut se retirer dans sa patrie. Comme gage de leur estime et en reconnaissance de ses éminents services, les États-Généraux lui offrent une chaîne d'ora de deux mille livres de XL gros monnoie de Flandres ; » mais ils ne peuvent lui faire accepter le château de Tamise, situé sur les bords de l'Escaut. La Noue, sur les instances des États, consent à différer son voyage en France, où le rappelaient d'importantes affaires de famille, et il n'y revient qu'après avoir remporté la victoire de Werwick sur le parti royaliste. Après un séjour de quelques mois dans sa patrie, pendant lequel il a entretenu une correspondance suivie avec le Taciturne et les États, il se remet de nouveau au service de cette autre patrie d'adoption, dans laquelle il défendait et honorait la cause de ses plus chères croyances. Il venait d'enlever Ninove aux mécontents quand il fut fait prisonnier à Ingelmunster, par Robert de Melun, marquis de Roubaix, après une résistance désespérée. « Les hommes combattent, dit-il; mais Dieu donne la victoire. »

Remis entre les mains du prince de Parme, celui-ci songea un moment à lui faire trancher la tête, et à prendre sur lui la responsabilité de cette exécution. Il savait que les gouvernements absolus aiment les agents assez dévoués pour attirer sur eux toute la haine, et laisser au prince le facile mérite de désavouer au besoin les actes dont ils n'hésitent pas à recueillir le profit. Treize ans auparavant, le duc d'Albe écrivait : « Dans l'état où sont les choses, non-seulement la venue du roi n'est pas nécessaire, mais elle serait même inopportune, car les mesures qu'il reste à prendre attireraient sur lui une haine dont ses ministres peuvent le décharger. Il vaut mieux que le roi attende, pour venir, que tous les actes de rigueur aient été faits; il entrera alors dans le pays comme prince bénin et clément, pardonnant et accordant des faveurs à ceux qui l'auront mérité (1). » Alexandre Farnèse crut cependant devoir écrire au roi pour lui demander un ordre, soit direct, soit indirect; mais Philippe II, de judicieuse et discrète mémoire, se borna dans sa réponse à féliciter le marquis de Roubaix du service qu'il lui avait rendu, sans dire un mot de ce qu'il fallait faire du prisonnier. Le prince de Parme craignit en faisant exécuter La Noue de compromettre la vie du comte d'Egmont et d'autres seigneurs du parti Wallon tombés au pouvoir des confédérés à la prise de Ninove. Il attendit un ordre exprès du roi et jeta son prisonnier dans le château de Limbourg. « Relégué dans un lieu étroit et malsain, situé au haut d'une tour, où l'air et la pluie pénétraient en même temps par une ouverture pratiquée dans le milieu du toit... où la vermine et les crapauds avaient élu leur domicile, » La Noue supporta tout avec une admirable constance. Philippe II consentit un moment à l'échange du prisonnier; mais ce fut pour y mettre la condition que La Noue se laisserait crever les yeux, afin d'être mis à l'avenir dans l'impossibilité de nuire. A cette clause sauvage, on reconnaît la politique de Philippe II. La Noue ayant refusé de subir cette horrible mutilation n'attendait plus sa délivrance que de la mort, quand, en 1585, Philippe II consentit enfin à l'échanger contre le comte d'Egmont. Les conditions auxquelles il fut relâché et l'engagement

(1) Dans le dialogue que Xénophon suppose entre Hiéron et Simonide, il fait dire à ce dernier : « Je serais d'avis que, lorsqu'il faut employer des moyens de rigueur, un prince en laissât l'exécution à d'autres, et qu'à l'égard des récompenses, il les distribuât lui-même. Qu'il soit très-à-propos d'en user ainsi, c'est ce que démontre l'expérience.>>

que prit La Noue de ne jamais porter les armes contre le roi d'Espagne sont consignés dans la dernière des pièces que nous donne le recueil de M. Kervyn de Wolkaersbeke.

Quelques années après, Henri III et le roi de Navarre s'étant réconciliés, La Noue, désormais entièrement libre, offrit ses services aux deux princes, et vainquit le duc d'Aumale devant Senlis. Henri III ayant été assassiné, Bras de Fer servit avec une nouvelle ardeur le roi de Navarre, devenu roi de France. Il s'était signalé par sa bravoure au siége de Paris, quand, envoyé contre le duc de Mercœur en Bretagne, il fut tué au siége de Lamballe, 1591. « C'était un grand homme de guerre, dit Henri IV à ceux qui vinrent lui annoncer sa mort, mais encore un plus grand homme de bien, et l'on ne peut assez regretter qu'un si petit château ait fait périr un capitaine qui valait mieux que toule une province. >>

On avait déjà les discours politiques et militaires de La Noue et ses remarques sur l'Histoire de Guichardin. Sa correspondance s'ajoute utilement à ces deux ouvrages. Elle éclaire pour nous des événements d'un grand intérêt, et nous fait mieux connaître ce que je demande la permission de placer au-dessus des plus grands événements du monde, une âme haute et ferme, loyale et généreuse, humaine et désintéressée. E. LA ROCHelle.

HISTOIRE GÉNÉRALE ET SYSTÈME COMPARÉ DES LANGUES SEMITIQUES, par ERNEST RENAN; Ouvrage couronné par l'institut. Première partie, Histoire générale des langues sémitiques. 1855, in-8. Paris, A. Durand. Prix, 12 fr.

On est convenu de désigner sous le nom de langues sémitiques un groupe de langues liées entre elles par une parenté fort étroite, et dont les principales furent parlées par des populations que la Bible fait descendre de Sem. M. Renan, après avoir assigné le type de race des populations ainsi dénommées, et recherché le caractère général de leurs idiomes, suit l'histoire de leur développement dans chacun des grands rameaux dont ils se composent. I! traite d'abord de la branche térachite représentée par l'hébreu, puis de la branche chananéenne représentée par le phénicien. Ces deux branches correspondent à la première époque du développement des langues sémitiques. La période araméenne caractérise la seconde époque; elle comprend l'araméen entre les mains

des Juifs, c'est-à-dire le chaldéen de la Bible, des Targums et du Talmud, le syro-chaldaïque, le samaritain; puis l'aramaïsme païen représenté par le nabatéen et le sabéen; enfin l'aramaïsme chrétien représenté par le syriaque. La période arabe correspond à la troisième époque: elle embrasse la branche méridionale, joctanide ou sabéenne, l'himyarite ou l'éthiopien; puis la branche ismaélique ou maaddique, l'arabe.

M. E. Renan examine, après avoir tracé l'histoire de ces dialectes, les lois générales qui ont présidé à leur évolution. Il termine par une comparaison et une appréciation respective des deux grandes familles de langues, les sémitiques et les indo-européennes, les deux plus nobles et les deux plus riches dans ce qu'on pourrait appeler l'espèce philologique. E. LA ROCHELLE.

ANTIQUITÉS HELLÉNIQUES, par M. RANGABÉ. 1er vol., 1842; 2o vol., 1855. Paris, A. Durand.

M. Rangabé vient de publier le second volume de ses Antiquités helléniques, dont le premier volume avait paru en 1842. Get important recueil, destiné par l'auteur à présenter un ensemble des inscriptions et des autres antiquités découvertes depuis l'affranchissement de la Grèce, contient aujourd'hui environ deux mille cinq cents inscriptions, la plupart antérieures à l'ère chrétienne, et dont un grand nombre sont des documents de première importance pour l'histoire des cités grecques, surtout pour l'histoire d'Athènes. On y distingue, par exemple, plusieurs fragments des comptes relatifs à la construction du temple d'Erechthée, des inventaires du trésor de Minerve à l'Acropole, des listes de peuples tributaires d'Athènes, avec la quotité des tributs qu'ils payaient à cette république ; une série très-précieuse d'actes d'affranchissement religieux; plusieurs traités de paix, des formules de serments politiques, etc. Dans cette riche collection, dont quelques pièces remontent jusqu'au commencement du cinquième siècle avant Jésus-Christ et même au delà, toutes les pièces ne sont pas absolument inédites. M. Rangabé a été souvent prévenu dans son zèle, soit par les voyageurs yenus de l'Occident, soit par ses propres compatriotes. Mais, là même où il n'a pas l'honneur d'être le premier éditeur, il a du moins le mérite d'une reproduction exacte, et, quand il le faut, d'une habile restitution des textes épigraphiques. Ses commentaires abondants et clairs, le soin qu'il prend

de traduire en français toutes les inscriptions et tous les fragments assez intelligibles pour être traduits (c'est la méthode heureusement consacrée en France par M. Letronne et M. Le Bas), font des Antiquités helléniques un livre aussi commode qu'instructif à étudier. Cette publication, qui honore beaucoup la nouvelle école des érudits athéniens, est donc destinée à prendre place dans nos bibliothèques, à côté des meilleurs recueils du même genre qu'ait produits le dix-neuvième siècle. E. LA ROCHELLE.

DESCRIPTION DE L'ILE DE PATMOS ET DE L'ILE DE SAMOS, par M. V. GUÉRIN. — 1 vol. in-8, A. Durand, 5 fr.

M. Guérin vient de publier un double mémoire sur deux fles célèbres l'une, celle de Patmos, illustrée par l'exil de saint Jean qui y composa l'Apocalypse, et où plus tard saint Christodule fonda, sous l'invocation du disciple bien-aimé, un monastère fameux; l'autre, celle de Samos, qui, dans l'antiquité, inquiéta, par sa puissance maritime, la jalouse Athènes, et lui disputa longtemps une victoire chèrement achetée ; et qui, de nos jours, ayant tenté de secouer le joug des Turcs, a, par une énergique résistance, conquis, sinon l'émancipation, du moins de nombreux et honorables priviléges. Après avoir séjourné dans ces deux fles et les avoir explorées avec soin, M. Guérin nous les fait connaître par une description détaillée. Il en rappelle l'histoire, en expose l'administration actuelle, en signale les ruines, et raconte les fouilles qu'il a entreprises pour mettre à jour le canal souterrain d'Eupalinus de Mégare, mentionné par Hérodote comme un des ouvrages les plus considérables qu'il y eût dans toute la Grèce; canal qui, creusé au pied d'une montagne qu'il traversait, amenait à Samos, au moyen de tuyaux, après un parcours de sept stades, les eaux d'une source abondante. M. Guérin a joint å son travail une carte de l'île de Patmos et un plan de l'ancienne Samos el de ses environs qui éclairent utilement le texte. Un rapport du savant M. Guigniaut a recommandé d'avance avec autorité ce double mémoire, présenté à l'Institut il y a deux ans. E. LA ROCHElle.

LA SOCIÉTÉ, OU ENTRETIENS PHILOSOPHIQUES SUR LES VRAIS PRINCIPES, par M. l'abbé C. DE PIETRI, aumônier du Sénat, 1 vol. in-12. Paris, A. Durand, 2 fr.

Dans une série d'entretiens entre un missionnaire, un philosophe et un militaire, M. l'abbé Piétri a examiné les grandes ques

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