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vraisemblance à cette opinion. M. Desjardins se montre moins sceptique il est disposé à ajouter foi à la tradition, lorsqu'elle s'accorde avec le récit des historiens. On sait que le camp romain était situé à quatre stades ou à un demi-mille du camp des Albains, et que le combat eut lieu à cinq milles de la ville, Il faut admettre que les deux armées ennemies étaient postées sur les collines que l'on aperçoit à droite de la voie Appia et que l'engagement s'est livré à l'emplacement marqué par les tombeaux. M. Desjardins a même observé que la route fléchissait légèrement vers cet endroit, comme si l'on eût voulu éviter de la faire passer sur un terrain consacré.

A côté des grands souvenirs historiques, les curieux rencontreront sur la voie Appia des monuments funèbres qui méritent à des titres divers d'arrêter son attention. Ainsi, l'on peut se convaincre, comme le dit l'auteur de la thèse, que Me Petit-Jean et Me l'Intimé ne sont pas d'invention moderne; lisez plutôt :

Cæsaris lusor
Mutus Arcius imitator

T. Cæsaris Augusti qui

Primum invenit causidicos imitari.

Que dirons-nous d'un certain Decumius qui avait pris le surnom de Philomusus, ami des rats, et fait représenter deux de ces animaux sur son tombeau ?

La disposition assez symétrique des voies romaines autour de la ville a suggéré au savant Boindin une opinion ingénieuse sur la délimitation des seize tribus rustiques. On sait que les tribus dites rusliques ne s'étendaient pas au delà du douzième ou du quinzième mille, et que chacune d'elles touchait à la ville même. Il est bien naturel de supposer qu'elles formaient autant de triangles dont la base allait s'élargissant dans la campagne, et l'on a conclu de cette disposition qu'elles avaient pour limites les voies romaines. On compte, en effet, sept tribus en Etrurie; or, les six voies qui partaient de Rome dans cette direction formaient précisément sept angles avec la rive droite du Tibre. Les angles formés sur la rive gauche étaient au nombre de dix et renfermaient les neuf autres tribus dont il s'agit. La division par tribus, qui est la plus ancienne, remonte certainement à une époque antérieure à l'établissement des voies publiques; mais cette objection est facilement écartée, si l'on se rappelle que l'enceinte de Servius Tullius comptait dix-huit portes, d'où partaient nécessairement autant de che

mins: ceux-ci auraient servi de limites naturelles aux tribus rustiques, et ils auraient été ensuite remplacés par les magnifiques chaussées dont les restes excitent encore notre étonnement.

Nous ne suivrons pas l'auteur dans l'énumération qu'il nous donne des lieux historiques dont il fixe la situation géographique. Qui ne serait tenté de relire la Milonienne, avec les éclaircissements indispensables que nous fournit sa thèse, sur le lieu de la scène, sur l'itinéraire suivi par Milon et par Clodius?

Nous devons dire, pour terminer, que M. Desjardins se montre extrêmement sobre de développements littéraires, lorsqu'ils ne se rattachent pas intimement à son sujet. Quel autre n'eût pas été entraîné à donner plus de place aux légendes embellies par les poëtes? Lanuvium, fondé par Enée, pouvait donner lieu à d'intéressants commentaires; c'est là que l'on nourrissait un serpent qui tous les ans sortait de sa caverne pour aller prendre la nourriture que devait lui présenter une jeune fille. Denys d'Halicarnasse rapporte que les Troyens, avant de fonder ce municipe, virent tout à coup un incendie éclater dans une forêt : une louve apporta un tison dans sa gueule, pendant qu'un aigle excitait la flamme avec ses ailes un renard se plongeait dans l'eau et cherchait à éteindre le feu à l'aide de sa queue. Aussi la louve et l'aigle ont été représentés sur les médailles du municipe.

M. Desjardins, nous le répétons, a voulu laisser quelque chose à faire à ses lecteurs. Sa thèse est un ample répertoire de notions précieuses qui peuvent servir de point de départ à des fécondes discussions. Le titre modeste qu'il a adopté ne révèle qu'une partie du sujet dont il s'est occupé; son livre, nous en sommes convaincu, franchira l'enceinte de la Sorbonne, et, après avoir mérité les suffrages des maîtres honorables appelés à le juger, il saura conquérir ceux du public intelligent auquel il s'adresse.

JULES SIMONnet,

Docteur en Droit.

HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE, par FRANCISQUE BOUILLIER, correspondant de l'Institut, doyen de la Faculté des lettres de Lyon. 2 vol. in-8. Paris, Durand, libraire. Prix, 14 fr.

En 1841, l'Académie des sciences morales et politiques mit au concours l'histoire de la philosophie cartésienne; le prix fut partagé par M. Francisque Bouillier et M. Bordaz-Demoulin. Le Mémoire

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agrandi fut publié en un volume, qui valut à l'auteur le titre de correspondant de l'Institut, et ce volume a formé les deux volumes que nous annonçons aujourd'hui, sans qu'on puisse y ajouter de nouveau, car c'est vraiment une histoire complète de la philosophie de Descartes jusqu'à nos jours.

Mettez ensemble une érudition qui n'a épargné aucune recherche pour suivre en France, en Hollande, en Allemagne, et partout où elle a pénétré, les traces de cette philosophie, la faveur qu'elle a excitée, les haines qu'elle a soulevées, une analyse lumineuse des systèmes qu'a produit tout ce mouvement philosophique, une critique profonde, qui fait le discernement du vrai, du faux dans le mattre, dans les disciples et dans les ennemis; l'amour de la philosophie comme libre recherche avec une sympathie décidée pour la doctrine spiritualiste que Descartes a créée dans les temps modernes, et qui, d'année en année, se développe; enfin, un ordre constant observé parmi tant de choses décrites, et un style d'une irréprochable clarté, vous aurez cette histoire, qui devait être faite dans le pays de Descartes.

Descartes a eu une immense influence; d'abord par les qualités générales de son esprit, qui ont donné de nouvelles habitudes à la raison moderne. Plusieurs écrivains ont marqué cette influence. Fontenelle, parlant de la philosophie cartésienne : « Grâce à elle, il règne non-seulement dans nos bons ouvrages de métaphysique et de physique, mais dans ceux de religion, de morale et de crilique, une précision et une justesse qui, jusqu'à présent, n'avaient été guère connues. » « Le raisonnement littéraire, dit l'abbé Terrasson, n'est sorti de l'enfance qu'à partir de Descartes. Nous devons à sa philosophie l'exclusion des préjugés, le goût du vrai, le fil du raisonnement qui règnent dans les bons écrits modernes depuis l'établissement des trois académies. » Gaillard, à son tour: « C'est depuis Descartes que les ouvrages sont bien faits, que les objets sont présentés dans l'ordre qui leur convient, dans le jour qui les embellit, que l'érudition est sobre, que le bel esprit est décent, que le style est précis, que le génie est sage, que le goût est pur, que tous les arts peignent la nature et se rapprochent de la vérité. C'est cet amour du simple et du vrai, dont Descartes a donné le premier exemple, qui a préparé ce siècle admirable de Louis XIV.»

Par sa doctrine même, il a imprimé à la philosophie un mouvement qui n'est pas encore, il s'en faut, épuisé. Il a fermé la Renaissance à la recherche inquiète il a substitué une pensée

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mattresse d'elle-même, procédant en pleine conscience, avec une admirable fermeté. M. Bouillier, dans une excellente page, a caractérisé la philosophie de la Renaissance, pour faire comprendre ce que Descartes y substitue. « Tel est bien le portrait des philosophes du seizième siècle. En vrais chevaliers errants de la philosophie, ils vont d'université en université, rompant des lances contre Aristote. Poursuivis de ville en ville par la terrible accusation d'impiété et d'athéisme, ils n'ont point de demeure fixe sur la terre. Pour assouvir cette soif brûlante de la vérité qui les consume, ils puisent sans discernement dans toutes les sources, dans l'antiquité, dans la cabale, dans la magie et l'alchimie, dans les rêves de leur imagination. Emportés par leur aveugle témérité, ils se livrent, pour ainsi dire, d'eux-mêmes, aux mains des juges et des inquisiteurs, ils languissent dans d'horribles cachots, ils sont condamnés à faire amende honorable, torturés, traînés au supplice ou mis en pièces par des partisans fanatiques de Rome et d'Aristote; voilà comment ils servent au peuple, voilà comment ont vécu et sont morts Ramus, Giordano Bruno, Campanella, Vanini! Mais, s'ils ont héroïquement détruit, ils n'ont rien fondé, et du siècle entier on peut dire ce que Campanella disait de luimême en jouant sur son nom « Je ne suis que la cloche qui annonce une aurore nouvelle. » M. Bouillier ajoute qu'en France, avant la philosophie nouvelle, il y avait beaucoup d'empirisme, de scepticisme et de licence; et c'est en regard de cette philoso phie aventureuse ou dangereuse qu'il place la philosophie de Descartes. On en connaît les dogmes principaux : la règle fondamentale de l'évidence, le fameux axiome: Je pense, donc je suis, la connaissance de l'âme plus claire que celle du corps, l'existence de Dieu aussi certaine que l'existence de l'âme, et entre ces vérités un enchaînement géométrique. On connaît le Discours de la méthode, chef-d'œuvre de philosophie et de littérature, monument accompli de l'esprit français et de la langue française au commencement du grand siècle. On a lu les Méditations, on y a yu les démarches d'une raison puissante qui se gouverne comme il lui plaît. A partir de ces ouvrages, le monde fut partagé en cartésiens et anticartésiens.

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Voyez quels sont ses disciples: la princesse Elisabeth, Christine de Suède, près de laquelle il alla mourir ; Spinosa, les oratoriens, parmi lesquels Malebranche; Port-Royal, du moins Arnaud et Nicole; des bénédictins, entre autres Mabillon; des génovéfins,

le cardinal de Retz, une foule de théologiens, de magistrats, d'académiciens et de gens du monde, même de femmes, le grand Condé s'instruisant aux conférences de Chantilly, Racine et Boileau, composant l'Arrêt burlesque; Bossuet et Fénelon, qui choisissent dans le carlésianisme et ont représenté avec une force admirable les principales vérités de l'esprit dans les deux traités que l'on sait.

Il faut dire aussi que les adversaires sont nombreux et actifs. On verra dans le livre de M. Bouillier les persécutions que le cartésianisme a supportées en Hollande et en France; on verra aussi, qu'à travers ces persécutions il a fait son chemin ; ce qui prouve, une fois de plus, qu'il ne faut pas s'inquiéter quand on a pour soi la raison.

Il est bien désirable que l'Histoire de la philosophie cartésienne prenne le rang qui lui est dû. Elle a ce rang dans l'intérieur de l'école, et incontesté; c'est maintenant aux lecteurs du dehors à récompenser un travail considérable de premier mérite, On a récemment élevé une statue à Descartes: voici le livre où son génie est expliqué. ERNEST BERSOT.

VOYAGE PALÉOGRAPHIQUE dans le département de l'Aube, par M. D'ARBOIS DE JUBAINVILLE, architecte, ancien élève de l'Ecole des chartes. Paris, Durand, Prix, 8 fr.

L'auteur de ce livre appartient à la classe de ces hommes aussi courageux qu'érudits et modestes, qui, dans notre siècle un peu léger, n'ont pas craint d'accepter l'héritage scientifique des bénédictins et de se faire les continuateurs de leurs œuvres. Combien de jeunes hommes, de l'âge de M. d'Arbois de Jubainville, ne frémiraient-ils pas à l'idée d'un voyage de touriste comme celui-ci! Archiviste du département de l'Aube, l'auteur n'a pas craint d'aller s'enfermer pendant de longues heures au milieu de la poussière de vieilles paperasses et de dévorer des monceaux d'insipides écritures, dans l'espoir d'y rencontrer quelques-uns de ces trésors qui viennent enrichir de nouveaux et précieux documents l'histoire de nos annales nationales.

Le voyage paléographique de l'auteur n'est pas resté infructueux sous ce rapport. Des hommes compétents ont dit déjà depuis longtemps que nos archives départementales contiennent, mêlés à beaucoup d'insignifiantes choses, les documents les plus précieux. M. d'Arbois est venu, après d'autres, fournir la preuve

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