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du Code Napoléon, c'est-à-dire les dispositions générales du livre III et tout le titre des Successions. L'importance de ces matières est parfaitement connue, et rien ne devait être négligé pour leur complète exposition; c'est ce qu'a fait M. Demante: on voit, en comparant ce volume aux précédents, que si la méthode et la facture sont les mêmes, l'auteur entre de plus en plus dans les entrailles de son sujet, parce que, en effet, c'est dans le troisième livre du Code que se rencontrent les grandes théories juridiques, les combinaisons des droits respectifs des citoyens sur les biens et les conflits du tien et du mien, dont l'ensemble forme la vie civile.

Les données historiques étaient surtout nécessaires pour l'explication du titre des Successions; M. Demante n'a pas négligé d'en éclairer ses principaux aperçus. Notre droit coutumier et les lois transitoires sont, sans doute, les sources principales où les rédacteurs du Code Napoléon ont puisé; mais cela est surtout vrai quant aux grands principes de la matière; les détails d'application et d'organisation de la plupart de ces principes étaient empruntés, par nos jurisconsultes coutumiers, à la minesi féconde des lois romaines. Aussi M. Demante a-t-il eu grand soin de leur faire de fréquents emprunts, exemple excellent à suivre; car notre admiration pour la simplicité et la clarté de notre codification moderne ne saurait nous dispenser de recourir sans cesse, sous peine de déchéance scientifique, aux vives lumières que nous projettent encore les grands jurisconsultes de Rome.

Ne pouvant signaler ici d'une manière particulière toutes les parties de ce volume qui seraient dignes de l'être, nous appellerons plus spécialement l'attention du lecteur, soit sur des matières dont l'ensemble nous a paru traité avec le plus grand soin, soit sur des points de détail où notre assentiment s'est trouvé entièrement acquis aux doctrines de l'auteur. Sous le premier point de vue, l'indignité, le droit successif de l'ascendant donateur, la saisine et surtout l'acceptation, les rapports, l'effet déclaratif du partage, la séparation des patrimoines, témoignent de la scrupuleuse conscience avec laquelle s'est opérée l'élaboration de ce traité. Quant aux points de détail qui nous ont particulièrement satisfait, nous mentionnerons la différence bien tranchée entre les héritiers réguliers et les successeurs irréguliers, pour leur acquisition de la succession, la notion de la représentation, l'interprétation de la partie finale de l'art. 800 combiné avec l'art. 1351, etc. Nous tenons

surtout à prendre note de la doctrine de l'auteur sur l'art. 789; comme lui, nous pensons que le laps de trente années rend la saisine irrévocable, et, sur ce point, notre opinion et celle de notre honoré collègue ne sont pas isolées. Aussi, n'est-ce pas précisément pour la solution en elle-même que nous parlons de sa doctrine; mais, répondant à l'objection principale qu'on a faite à cette opinion, savoir qu'un successible peut, à son insu, se trouver, malgré son abstention la plus complète, héritier malgré lui et tenu des dettes héréditaires, M. Demante est d'avis que la prescription ne courra contre chaque successible saisi qu'à partir du jour où il aura connu sa vocation. Nous avons été heureux de voir notre auteur partager une doctrine que nous enseignons nousmême, et qui ne heurte en rien, selon nous, les règles du droit en matière de prescription.

Nous ne devons pas être trop long dans cet aperçu du nouveau volume de M. Demante. Nous avons néanmoins encore besoin de quelques lignes, et le savant auteur nous permettra de les consacrer à exprimer de légers dissentiments sur des points de détail plus ou moins importants. Sur l'art. 747, nous sommes de ceux qui accordent le droit de retour légal dans la succession de l'enfant du donataire. Sur l'art 761, nous n'exigerions pas l'acceptation par l'enfant naturel de la réduction à moitié de sa portion héréditaire, prononcée par son père ou sa mère, dans le cas prévu par cet article; nous ne considérons pas l'art. 788 comme faisant exception à l'art. 1167; sur l'art. 809, nous doutons de l'exactitude de langage et peut-être de la doctrine de l'auteur, qui, en matière d'acceptation bénéficiaire, donne pour base au recours des créanciers non opposants contre les légataires un droit de revendication d'une valeur héréditaire, et considère ce recours comme une action réelle. Sur l'art. 849, nous trouverions M. Demante trop disposé à accepter la jurisprudence qui, tout en ne voyant pas dans le déguisement d'une libéralité un motif suffisant pour la dispenser du rapport, permet de chercher la dispense du rapport dans des circonstances extérieures à l'acte. Enfin, sur l'article 881, et malgré les lois romaines, pour lesquelles nous ne sommes pas suspect, nous hésiterions à faire retourner contre les créanciers héréditaires, au profit de ceux de l'héritier, le bénéfice de la séparation des patrimoines qu'ils n'ont invoqué que pour améliorer leur position et non pour l'amoindrir en aucune manière.

Ces quelques divergences d'opinion, qui ne prouvent pas d'ailleurs que notre sentiment soit le meilleur, ne nous empêchent pas de rendre au livre de M. Demante toute la justice qu'il mérite; médité avec soin par des jeunes gens studieux, il leur offrira toute la pure doctrine du Code Napoléon; il est, parmi les livres qui leur sont destinés, l'un de ceux qui renferment le plus de choses, et s'il n'a pas le frivole attrait d'une forme plus séduisante pour les esprits légers, il a, ce qui vaut mieux, la substance solide qui nourrit et fortifie les intelligences réfléchies.

Gustave BRESSOLLES,

Professeur à la Faculté de droit de Toulouse.

DES DONATIONS ENTRE-VIFS ET DES TESTAMENTS, par M. SAINTESPÈSLESCOT, président du tribunal de Bazas, secrétaire du Conseil général de la Gironde, ouvrage précédé d'une introduction historique, par M. ISAMBERT, conseiller à la Cour de cassation. Tomes I, II et III.-Paris, Aug. Durand, libraire, rue des Grès, 7, 1855, in-8. Prix, 21 fr.

Les donations entre-vifs et les testaments ont fait le sujet de plusieurs traités dans notre ancien droit et dans notre droit moderne. Cela s'explique: cette partie de notre législation civile, en même temps qu'on peut la dire sans exagération l'une des plus importantes, est et, a toujours été la source de nombreuses et graves difficultés. Que l'on considère sa nature, ses limites, ses formes, ses diverses espèces, la donation entre-vifs ou testamentaire, qui met en présence les droits et les intérêts de la famille et ceux de l'individu et des tiers ou de la société, et qui se rattache nécessairement aux lois régulatrices de ces droits, a de tout temps offert pour leur conciliation, au législateur, au magistrat et au jurisconsulte, un vaste champ de dispositions, de décisions et de controverses. Les unes et les autres se présentent non-seulement chez chaque peuple, mais à chaque époque sous un jour nouveau, et la rédaction de nos Codes n'a certainement pas mis fin à ces dernières; elles ont pu changer de terrain et de face, mais elles subsistent toujours. S'il en était autrement, si toutes les questions étaient résolues, toutes les difficultés définitivement aplanies; s'il n'y avait plus de controverse, la science du droit n'existerait plus. Mais cela ne saurait être, et outre les changements opérés dans la législation, il en est d'autres qui s'opèrent constamment et d'une manière plus ou moins sensible, sinon dans les dispo

sitions législatives elles-mêmes, du moins dans l'aspect sous lequel on les considère, et par suite dans l'application que l'on en fait, soit à des cas nouveaux, soit à des questions déjà anciennes. C'est cette mobilité dans la jurisprudence et dans la doctrine qui met toujours en rapport la législation même codifiée, avec les changements qui s'opèrent au sein du peuple lui-même. Mais si la doctrine et la jurisprudence varient nécessairement, comment s'étonner de la multiplicité des travaux sur une même matière, travaux qui, publiés à des époques diverses, constatent un état de choses différent, et qui, s'ils sont publiés à la même époque, offrent toujours un grand intérêt, parce qu'ils mettent en présence des manières diverses d'envisager ou de traiter le même sujet, les mêmes questions, et répandent sur eux un jour nouveau.

On nous pardonnera ces réflexions dont nous avons cru devoir faire précéder le compte rendu de l'ouvrage de M. SaintespèsLescot; elles prouvent qu'à côté de bons traités et de bons commentaires publiés même récemmen! sur la matière des dispositions entre-vifs ou testamentaires il y a place pour d'autres, et que, quel que soit le mérite incontestable des premiers, cela ne doit pas empêcher, en leur rendant justice, de faire ou de réserver bon accueil aux seconds.

Le commentaire de M. Saintespès-Lescot, dont les deux premiers volumes ont été publiés depuis quelque temps et ont déjà pu être appréciés, se recommande à l'attention de tous les jurisconsultes et de tous les magistrats par des qualités solides que nous indiquerons quand nous aurons donné une idée de l'ouvrage.

Après avoir justifié le choix qu'il a cru devoir faire de la forme du commentaire, l'auteur explique dans les termes suivants la manière dont il a envisagé et traité son sujet : « Convaincu qu'un commentaire doit être un livre d'enseignement théorique et pratique; que, d'ailleurs, pour répondre à son titre, il doit contenir l'exégèse des matières qu'il embrasse, je me suis attaché à poser nettement les principes, à les suivre dans leurs conséquences, dans l'application qui en a été faite par les tribunaux, et à recueillir toujours l'opinion des interprètes, soit pour m'en étayer lorsque je la crois solidement établie, soit pour la combattre, quand les règles fondamentales du droit me semblent commander une autre solution. J'ai voulu me tenir dans une espèce de milieu entre la théorie et la pratique et les éclairer l'une par l'autre, en puisant partout les éléments de ma conviction personnelle. » Dans ces

lignes, M. Saintespès-Lescot a parfaitement caractérisé son œuvre, qui n'est ni un ouvrage de doctrine pure, ni un livre de pratique, mais qui emprunte quelque chose à chacune des deux. Sous ce rapport, il convient également aux membres de la magistrature el à ceux du barreau, qui doivent toujours allier l'une à l'autre. Aussi pour atteindre le but qu'il se proposait, l'auteur n'a-t-il négligé aucun des documents que fournissent la jurisprudence et la doctrine, aucune des questions qu'elles soulèvent et résolvent, aucune des opinions qui s'y sont produites.

Mais l'auteur ne s'est pas contenté d'exposer notre droit actuel, il a voulu aussi faire de la science, de l'histoire du droit, en faisant en sorte, pour parler avec lui, de se reporter à la naissance de la loi, d'en rechercher l'esprit dans l'histoire, et de préparer la discussion par le résumé rapide des améliorations successives dont elle a été l'objet dans tous les temps. «Souvent indispensable, toujours utile pour saisir le sens et la portée du droit nouveau, l'étude des origines jette dans la matière une grande clarté, dont on s'est peut-être trop sevré jusqu'ici. » C'est avec bonheur que nous recueillons cette déclaration de la part d'un magistrat, de la part d'un commentateur de notre Code civil; elle prouve que l'illustre auteur du Code civil expliqué n'est pas le seul à comprendre l'importance des études historiques appliquées à notre droit actuel, et que dans la voie nouvelle et féconde qu'il a si brillamment tracée, d'autres ont commencé à le suivre. Espérons que de la magistrature l'esprit nouveau passera entièrement dans les écoles. pour y féconder l'enseignement et l'étude de nos lois. Des efforts sont déjà faits; encourageons-les sous quelque forme qu'ils se produisent, ils finiront par donner tous les résultats que l'on a le droit d'en attendre.

Voici d'ailleurs comment l'auteur a compris et réalisé l'application de l'histoire à l'étude des textes: il a présenté d'abord l'historique de son sujet, l'esprit du droit romain, l'exposé de la législation intermédiaire, et ce n'est qu'après avoir rempli ce préliminaire qu'il a procédé à l'examen des difficultés qui peuvent surgir sous l'empire du Code. Telle est son œuvre pour la partie historique. Mais à son propre travail, sous ce rapport, l'auteur a cru devoir associer celui d'un magistrat dont le nom fut attaché jadis à des publications historiques et retentit plusieurs fois dans nos assemblées législatives. Il a fait précéder son commentaire d'une introduction historique due à M. Isambert. Dans cette in

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